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Citations de Raymond Penblanc (21)


La lumière y était aveuglante, trop vive pour des yeux incapables d’abaisser sur eux leurs paupières. On décida de les protéger en lui collant d’office un bandeau noir. Ambiance assurée, de cave, ou de caveau. Que voit un aveugle ? Ce que voit un mort.
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Il faudrait loger une femme dans chaque homme pour l’empêcher de faire couler le sang.
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Chaque matin je fais le détour par l’arbre mort. J’y dépose mon offrande, trois morceaux de sucre, une barre de chocolat, quelques biscuits, une poignée de raisins secs, une carotte, une pomme, des noix, un petit caillou ramassé sur le bord du chemin, taillé comme un diamant, et blanc, blanc comme je suis pur. Au printemps je ferai ma communion solennelle et je dois m’élever, me purifier encore, non seulement me préparer, mais être prêt. Dans la cachette de l’arbre mort, mon trésor est à l’abri des bêtes sauvages : c’est un tabernacle, et je ne sais par quel mystère de la transsubstantiation, par quelle miraculeuse opération du Saint-Esprit, sucre et chocolat, quand je les retrouve à mon retour de l’école, prennent sous la langue ce goût d’ambroisie qui me fait fondre. La carotte croque délicieusement sous la dent. Quant au caillou d’or blanc, il brille dans ma main tel un ver luisant. Je serre très fortement le poing, et je me récite mes prières tout en marchant, le Notre Père (trois fois), le Je vous salue Marie (trois fois), ne serait-ce que pour me chasser de la tête les paroles impies qu’en a données Roland. Roland aura bientôt seize ans, il fume, il boit des bières et sort avec les filles. Il a choisi de pourrir tout ce que j’aime.
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J’ai été le bébé du retour de taule, le printemps de la liberté, maman me l’a assez répété.
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La nuit suivante, il fit un cauchemar. Son rêve ne racontait pas quelque chose de précis, et ne se déroulait pas non plus dans un lieu très précis. Simplement, il avait dû tomber très bas et être condamné à croupir au fond de son trou pendant le restant de ses jours, conjuguant la déréliction du Christ avec l’accablement de Sisyphe. Or il était parfaitement réveillé et ne le réalisait pas. Lorsque l’infirmière de nuit fut parvenue à le lui faire admettre, il en déduisit que non seulement il était entré dans un temps infini, mais que ce temps infini devenait du même coup celui d’une souffrance éternelle. Il dut attendre qu’un massage intensif des pieds et des mains lui permette d’oublier la prison de son corps pour que les ombres funestes consentent à s’estomper. Heureusement, l’infirmière de jour était en avance ce matin-là. L’infirmière de jour était à l’infirmière de nuit ce que, par nature, le jour est à la nuit, son double inversé. Dans la chambre nue, sa présence rayonnait. Elle passait pour avoir guéri les scrofuleux, remis d’aplomb les contrefaits, fait marcher les paralytiques, arraché quelques moribonds à la mort. Elle se couchait contre eux et les massait longuement, sans crainte et sans répugnance. Deux petites rides verticales lui barraient le front, qui tantôt se fermaient comme des parenthèses, tantôt s’écartaient comme deux petites ailes.
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Tout en ne valant guère mieux, car aujourd’hui est un jour spécial, un jour de grand péril, aujourd’hui je vais devoir chanter seul devant toute la classe. Monsieur Lifar, notre nouveau professeur de musique, s’est mis dans la tête de constituer une minichorale, et chacun doit passer le test d’ici la fin de l’heure. Certains renoncent avant de commencer, d’autres abandonnent dès les premières mesures, d’autres se ramassent au bout de trente secondes, ce que je peux comprendre. Sauf à adopter une stratégie gagnante en se mettant hors de portée des chasseurs. Trente têtes alignées devant vous, trente regards qui vous jugent, une mer houleuse de crânes et d’épaules, ça vous invite à prendre de l’altitude. D’emblée, je culmine à 4 810 mètres (le Mont Blanc), que dis-je, à 8 848 mètres (l’Everest), personne n’est encore monté si haut, ni aussi vite : troposphère, stratosphère, mésosphère, je franchis allègrement leurs trois couches successives. Cette fois on ne me voit plus, et je ne vois plus personne. Mais on m’entend, on n’entend d’ailleurs que moi – et le silence. L’enfant du Tambour, qui brise les vitres par la seule stridence de son cri, est battu, pulvérisé, et quelle audace, quel brio, quelle beauté souveraine je déploie à ces hauteurs insoupçonnées. Le plus dur sera de négocier la descente sans soulever un tonnerre d’applaudissements. Monsieur Lifar se dresse au milieu de cette mer houleuse. Tel un phare, il me fait signe, et c’est un bel oiseau blanc qui retombe sur ses pattes, que la vague dépose jusqu’au rivage. Roundup a beau me toiser avec tout le mépris dont le je le sais capable, je ne le regarde même pas, je suis libre et je sors. Mon atterrissage triomphal ne vient-il pas de sonner la fin du cours ?
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Roland, c'est donc Roland, le preux chevalier, mais, à l'entendre, son olifant est dans son froc. Sauf que ça n'est pas lui qui souffle dedans, ce sont les filles.(...) Moi je suis Perceval, Perceval l'Ahuri, qui trempe encore ses doigts dans le bénitier et bave sa foi sur ses cahiers. (p.9/10)
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Encore revêtu de son blouson de motard, son casque sous le bras, l’interne se présenta le lendemain matin, sans avoir pris le temps de passer par le service, et le malade en fut touché. Cet empressement à le visiter avait pourtant sa contrepartie. Il signifiait qu’il n’était pas nécessaire d’avoir enfilé sa blouse sacerdotale pour faire ce qu’il avait à faire, c’est-à-dire rien. Évitant de commenter les progrès de la maladie, l’interne se contenta d’inviter son patient à lui serrer les doigts, et leurs regards se croisèrent. L’image d’une falaise dut s’imposer à chacun avec la même évidence, le rôle endossé par chacun également. L’un avait glissé dans le vide, il allait s’écraser en bas si la main que l’autre lui tendait spontanément ne le retenait pas. Et, s’il n’y avait aucun risque de voir le premier entraîner le second dans sa chute, chacun dut y songer en même temps, car d’un commun accord leurs doigts se délièrent, et le malade se laissa retomber sur sa couche avec d’autant plus d’accablement qu’il avait conscience de ne pas avoir encore touché le fond.
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C'est péché, péché, péché. Le monde est bien trop vaste, bien trop compliqué, et elle est bien trop petite, incapable de rien comprendre. Une fille, un garçon, une fleur, un animal, chacun doit demeurer à sa place, à chacun son rôle comme à chacun son dû. (p.29)
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Aujourd’hui je me dis que j’aurais mieux fait de me laisser virer. (…) Partir me coûterait. Et pour aller où ? Je suis, pour ainsi dire, né ici, je n’y mourrai sans doute pas mais j’ai failli le faire, et pas plus tard que cette nuit (j’en ai rêvé). Je boite un peu, mais ça ne suffit plus. D’ailleurs, parfois je le montre, et parfois non. Traversant la cour, je me tiens droit comme un I, car c’est droit comme un I, mais couché cette fois, que du fond de ma boîte de sapin je les imagine, défilant devant la dépouille mortelle de celui qui fut, dans l’ombre, toujours dans l’ombre, l’âme de cette maison. Je ne me plains pas. Même quand Martial vient me voir. Martial est ce garçon qui me tient parfois compagnie. Il me regarde travailler. Réparer une prise électrique ou un robinet qui fuit, percer des trous dans les murs, faire un peu de maçonnerie, même ratisser le parc, balayer et nettoyer par terre sont des activités auxquelles il trouve certain intérêt, et j’accepte volontiers sa présence. Martial a quatorze ans, de grands yeux pâles et un regard tellement pensif qu’il en devient insondable. Il ne voit plus son père, qui n’est pas mort, qui vit simplement avec une autre femme, qui en a eu des enfants, mais dont il ne reçoit, lui, aucune nouvelle. Qu’il ne se croie pas seul dans son cas. Beaucoup se trouvent ici pour ça. Tous ces petits richards sont des paumés et je leur pardonne leur ingratitude. Mais je ne les aime guère. Si pour leurs pères et mères, si pour leurs maîtres, je ne suis pas grand chose, je reste pour eux un moins que rien, et je ne sais ce qui me retient d’en raccourcir quelques-uns, de trancher net leurs jolis cous de poulets.
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Sans l'art le monde serait réduit à un chaos.
Sans l'art de rue les villes retourneraient à leur sauvagerie primitive.
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Merci de ne pas me prendre pour le débile de service. Je sais à peu près tout ici, et je fais à peu près tout aussi, l’un n’allant pas sans l’autre. J’entretiens le parc, je répare les toits, je repeins les salles de classe, je donne un coup de main à droite, un coup d’épaule à gauche, parfois, c’est vrai, j’écoute aux portes. Je suis tombé d’une échelle il y a six ans. Je travaillais au renforcement du mur de séparation entre le parc et les immeubles avoisinants quand le pied m’a manqué. Résultat, une mauvaise fracture, qui s’est mal remise. Depuis je traîne la patte. Je travaille moins, et surtout moins vite, forcément. Dès son arrivée, monsieur Rouste m’en a fait le reproche. Il a essayé de me balancer. J’ai tenu bon. Certains m’ont soutenu, dont Fellow, ainsi que Paris-Nice (oui, celui qui fait Paris-Nice en neuf heures, presque aussi bien que le TGV). Finalement, monsieur Rouste a dû réaliser qu’il faudrait me verser des indemnités importantes. Il a fini par céder.
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Lorsqu’il a étranglé la fille, elle se trouvait juchée sur sa table, jupe retroussée, cuisses écartées. A-t-on idée de grimper sur sa table quand on est élève à l’institution de la Mère-Dieu ? Ici, c’est genoux serrés et bouche cousue (ça devrait l’être, c’était comme ça, avant. Avant, c’est-à-dire avant l’arrivée de monsieur Rouste, le nouveau directeur). Lui, c’est Fellow. Il n’a fait ni une ni deux, il a mis carrément les pouces. Quand on empoigne une gorge de pucelle et qu’on est ivre de colère, on serre, un poing c’est tout, on ne se pose pas de question. Les questions, c’est pour après. La petite avait le cou violacé, avec de profondes marques de strangulation, les yeux révulsés, un vrai travail de cochon, ont avancé certains, qui s’y connaissent. Alors que c’est faux. Un travail d’artiste au contraire. Fellow doit avoir de gros pouces, et porte une chevalière. Voilà pour les marques qui pourraient l’accabler. Après tout, un pianiste maltraite bien ses touches, il étreint son clavier dans ses grands bras tentaculaires, et pourtant on l’applaudit, on se précipite pour le congratuler, ce qui l’encourage à frapper plus fort, à agiter son torse avec encore plus de frénésie en s’arrachant au passage quelques touffes de cheveux.
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il existait une galerie moderne rue du Refuge [… ] Je me souviens d'y être entré un soir avec Berg et de nous être extasiés bruyamment devant l'art à minima d'un abstrait géométrique tout juste capable de tracer un trait droit, un jeune trouduc à barbe rousse et costume de velours noir (,,,] Essentiel, avait gloussé Berg, Quintessentiel, m'étais-je gargarisé à mon tour, avant de rameuter nos références picturales respectives, Nicolas de Staël pour Berg (mauvaise pioche), dont nous venions de découvrir la série des Footballeurs, Mondrian et Kandinsky pour moi, dont il m'avait suffi de repérer les noms sur le prospectus distribué à l'entrée pour comprendre qu'ils faisaient partie des incontournables du jeune trouduc.
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Pour une raison que j'ignore,le mot « estaminet » avait éclos dans mon esprit avec une telle évidence que la physionomie du bar en avait été transformée, et c'est dans ce nouveau contexte qu'avait surgi la fantôme d'Arthur, son clair visage de fille, son paletot éculé et son pantalon trop court »...
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Il doit bien y avoir deux ou trois élèves difficiles dans cette classe de troisième, Mourad par exemple, mais Fellow a su le mater, Mourad se prend pour Omar Khayyam, il écrit des poèmes, Fellow les a lus, il l’a encouragé à poursuivre. Donc, Fellow reste sur le seuil, au fond. Et voilà qu’Océane, la fille à la bouche de travers, la fille de l’ingénieur (ou de l’architecte), se met à chanter, à singer une chanteuse à la mode, mais apparemment le succès se fait attendre. Alors, elle grimpe sur sa chaise (de là elle montera ensuite sur sa table). Ignore-t-elle que Fellow est en train de la fixer, à moins d’une dizaine de mètres derrière elle ? Non, bien sûr, elle le sait puisqu’il n’est toujours pas rentré. Sa petite voix aiguë domine le brouhaha, qui aurait donc tendance à s’amplifier. C’est ici que les témoignages divergent. Les uns disent avoir vu Fellow non seulement hésiter à intervenir, mais amorcer un mouvement de recul comme s’il se résolvait à céder la place. D’autres prétendent qu’il avait pleinement mesuré la situation, n’attendant qu’une seule chose, qu’elle se dégrade, pour intervenir. Ceux-là affirment avoir vu un sourire de contentement éclairer son visage. C’est ce sourire qui aura été interprété comme un signe de préméditation. Certains ont soutenu qu’Océane ne connaissait pas bien Fellow. Après moins de deux mois de classe c’est un peu vrai et en grande partie faux. Qu’elle aura voulu le tester (témoignage de sa copine Jasmine). Le provoquer serait plus juste, il ne devait pas s’être montré sensible à son charme, vu qu’elle la ramenait un peu trop. Déjà, à plusieurs reprises, elle s’était opposée à lui : refus de s’installer à la place désignée, bavardages, effronterie. L’orage couvait, voilà la vérité.
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Fille et père me font défaut. Quant à maman, qui ne s'appelle pas Marie, elle a fait deux garçons et n'en fera point d'autres.
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Leur sourire n'est pas un vrai sourire, c'est une grimace de circonstance, celle qu'on s'inflige en présence des morts, cet affreux sourire que les vivants accrochent à leurs visages compassés, y compris les enfants dès lors qu'on les y oblige, ce sourire qu'ils adressent aux grandes personnes devant lesquelles on les forces à s'incliner.
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Autrefois la religion encourageait à aimer le ciel. Mais aujourd'hui la médecine nous a tout volé.
Autrefois on possédait des livres, du papier, des crayons. Volés.
Autrefois on avait des envies on faisait des projets. Volés.
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Fermant les yeux, elle passa en revue ce qui la menaçait, chambre stérile, sols javellisés, lampe espions, petite culotte jetable, nuisette en papier bible, et se demanda si elle jouirait encore.
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