J'aime ces réveils en sa compagnie, même si sa présence, qui m'accompagne ensuite toute la journée, s'amenuise au fil des heures, et je sais qu'il est vain de chercher à la revigorer, à la vivifier - ce serait en accélérer la disparition. Toujours elle s'en retourne à la nuit à l'oubli ; toujours je la perds - mais je sais que jamais elle n'est loin. Il ne faut pas poursuivre ses fantômes, ils s'effacent à notre regard intérieur. Bien au contraire, il faut fermer les yeux, les laisser monter et apparaître en soi : ainsi vivent-ils à nos côtés.
J'avais écrit cette lettre alors que j'étais à l'université, l'année qui précéda mon entrée au séminaire. Elle était destinée à une femme du Nord dont le corps était habillé de brumes - elle venait de m'abandonner au silence des ténèbres et à la nuit sinistre qui était alors la mienne. Elle ne reçut jamais la lettre.
Je n'avais jamais annoncé à personne la disparition de l'un de ses proches. Dire la mort, l'annoncer, me parut soudain terrifiant, et je pensais aux gendarmes qui devaient prévenir la famille, parfois les parents, de la mort d'un des leurs sur la route. Il me semblait pour ma part que je n'allais pas seulement annoncer la mort, mais aussi la donner à mon tour. Dire la disparition me restaient en travers de la gorge, comme un mensonge, ou une trop pure vérité.
D’un saule les branches mortes trempent dans le marais
D’où montent, bleus, les feux affolés de l’oubli.
La Dame blanche passe et me sourit, elle s’efface et revient. :
S'il s'agissait de donner: créer doit n'être qu'une offrande, un don pur. La vie ne se révèle que dans la rencontre.
On ne choisit pas d'être hors du rang, cela s'impose à soi, et il faut vivre avec - ce qui ne se fait pas sans douleur.