Citations de Revue Artpassions (46)
Les combats de gladiateurs se disaient en réalité munera, pluriel du mot munus, signifiant « don, cadeau ». Le munus était en effet le cadeau par excellence, que les candidats aux magistratures et les empereurs offraient au peuple.
Une question légitime se pose : qu’y apprendra-t-on de neuf sur Léonard de Vinci ? Tous les jours un livre, un article, une thèse plus ou moins farfelue sur le grand esprit de la Renaissance est offerte : c’est le destin des êtres illustres que de voir leur génie enseveli sous l’amoncellement des hypothèses et des théories les plus étranges, de servi de carburant aux plus inutiles et superfétatoires des gloses, qui, par un effet contraire, finissent par envelopper leur œuvres d’un épais brouillard et par les voiler à l’œil du public, par les éloigner de la meilleure compréhension qu’elles devraient pourtant permettre. Ces grands hommes suscitent un tel enthousiasme que chacun se sent autorisé d’y aller de son avis. Tout le monde parle de Léonard, peu savent.
Quand vous semez quelque chose, il faut du temps et de la patience pour voir surgir et pousser la plante. Les grands jardiniers ont planté des arbres qu’ils n’ont jamais vus adultes. Leurs jardins sont des constructions artistiques et architecturales pensées pour le futur. Dans les arts visuels en revanche, il y a une parfaite immédiateté : tout vous est donné d’un coup ! Parfois il faut voir et revoir l’œuvre plusieurs fois pour parvenir à y entrer.
Mais là où une œuvre d’art vous prend trente ou quarante minutes, un opéra de Wagner dure quatre heures. Pour bien y entrer, il faut peut-être une deuxième fois quatre heures, et pour vraiment le comprendre dix fois quatre heures… La musique demande beaucoup plus de concentration et d’engagement. Et il y a cette abstraction de l’oreille. Tout est immatériel.
Oui , l'œuvre de Giacometti est immense et multiple, mais son soucie premier, on dirait presque sa tâche essentielle, sur laquelle il va se concentrer de plus en plus farouchement au fils des ans, c'est le portrait; et la recherche, dans le portrait, du regard vivant.
Savez-vous comment faire regarder un arbre à un Parisien ? Plantez-le dans un musée, derrière un panonceau.
Vous parlez d'ailleurs beaucoup de "promenade" dans votre cheminement artistique...
J'ai été d'abord été peintre. Et quand je ne peignais pas, je partais en balade... Dès que je rentrais dans mon atelier, mon sujet de prédilection était toujours la nature. À un moment donné, je me suis dit pourquoi traiter ce thème, qui est le thème de ma vie, sur une toile. Au lieu de peindre des arbres, je vais les planter.
Martine Franck, figure majeure de la photographie du XXe siècle. L’exposition et la publication ambitieuse qui l’accompagne nous invitent à réévaluer une œuvre discrète mais essentielle.
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L’humanisme de Franck, si l’on tient à ce mot, n’est pas une manière attendrie de montrer notre être social –comme chez Doisneau-, ou affectif – comme chez Boubat-, mais une façon de mettre en scène notre être au monde, mystérieux, précaire et si dense en même temps.
n 2010, Jasper Johns vendait, à New York, par l’entremise de Christie’s, un
tableau pour vingt-huit millions six cent mille dollars. Estimée entre dix et quinze millions de dollars cette oeuvre emblématique de l’artiste, Flag, représente un drapeau américain, comme il en a tant peint. Toutefois, ce drapeau-là avait l’avantage d’être d’autant plus désirable qu’il n’était jamais apparu sur le marché. Jasper Johns l’avait en effet cédé à l’époque à un ami – l’écrivain Michael Crichton, auteur de Jurassic Park, décédé en 2008.
Bacon et Giacometti chez Beyeler
Mais ce ne sont pas les contacts personnels qui comptent le plus. On ne s'arrêtera donc pas aux nuits que les deux semblent avoir passées à boire et à fréquenter les mauvais lieux. Ces excès sont tout au plus l'expression d'une rage de vivre qui leur est commune.
Le flou, la modulation de la lumière et de la couleur qui s’effacent, propres au sfumato permettent de rendre l’image vivante et dynamique, de la faire apparaître comme en mouvement, de lui donner un aspect transitoire, celui de l’instant, du moment qui passe – l’aspect même de la vie, loin de l’apparence figée des œuvres linéaires du Quattrocento florentin.
Baudelaire n’aimait pas Bruxelles. Ni les Belges. « Tous les Belges sans exception ont le crâne vide », proclamait-il à propos du peuple qui l’accueillit de 1864 à 1866. Insensible aux charmes de ce Nord où il pensait trouver un eldorado pour l’édition de ses ouvrages mais ne buta que sur des portes closes, le poète en fin de vie déversa, dans un pamphlet inachevé connu sous le titre de « Pauvre Belgique », tout son fiel sur cette jeune nation. Ce sont des dizaines de pages d’insultes et d’attaques obscènes voire scatophiles (« La Belgique est un bâton merdeux »). Rien, rien de ce qui est belge ne trouve grâce à ses yeux, des femmes aux journaux en passant par les universités, l’aspect de la campagne, la consistance de la nourriture, l’état des roues, l’idiotie des hommes politiques ou le roi Léopold 1er, ce « misérable petit principicule allemand ». De la fange wallonne, il ne sauve qu’une seule et unique chose : les arts des anciens Pays-Bas méridionaux, alors que dans le refuge des églises et des musées il découvre Van Eyck (ses panneaux sont « superbes mais crapuleusement flamands »)…
Sans dénoncer explicitement une situation précise, les œuvres de Michal Rovner font du déplacement un élément cardinal. Rappelant que l’être humain a toujours été une espèce migratoire parcourant le globe, s’établissant partout où il pouvait vivre dans des conditions décentes… Elles se prêtent à ne chaîne d’associations possibles qui oscillent entre le poétique et le politique, ouvertes à de multiples interprétations pour exprimer un message à portée universelle. Questionnant la mémoire, l’écriture, l’identité, l’existence et le temps.
« La psychanalyse, écrivait-il (Magritte), n’a rien à dire des œuvres d’art qui évoquent le mystère du monde. Peut-être la psychanalyse est-elle le meilleur sujet à traiter par la psychanalyse ».
« On n’est pas un homme du seul fait d’être né. Il faut le devenir à nouveau à chaque instant », notait Oskar Kokoschka dans Ma vie, en 1971.
Le fait est que pour comprendre l’art contemporain, il est moins nécessaire d’avoir lu la Bible et les Métamorphoses d’Ovide comme c’est le cas pour l’art ancien.
Bien sûr, Poussin est un peintre très difficile, qui a mis la barre très haut et aujourd’hui, alors que les connaissances de la Bible et de la mythologie sont en chute vertigineuse, Poussin est devenu encore plus difficile. Il faut rester longtemps devant ses tableaux pour les comprendre, pour les apprécier : c’est un peintre qui demande du temps, denrée rare de nos jours.
(Montserrat Caballé)
On pouvait s’attendre à tout avec elle, la plus complète des cantatrices du XXe siècle : à la fois les pieds sur terre et la voix dans l’empyrée, lequel était dans la mythologie grecque la plus élevée des quatre sphères célestes et le séjour des dieux. C’est là-haut qu’elle nous entraîne, c’est là-haut qu’elle nous fait planer.
A l’heure où l’homme occidental s’alarme de la fin de l’humanité, Banksy affirme au contraire que la consommation a fait son temps. Et tournant en dérision la part d’ivresse d’un déclinisme masochiste, il propose de la convertir en destruction –ou plutôt : en virtuel. Car ce qui fait le prix de son œuvre laminée n’est pas sa matérialité : ce sont les millions de « retweets » et de liens menant vers la vidéo de son laminage.
Le 5 octobre dernier, à Londres, se produisait un événement qui ferait date dans l’histoire de l’art : la destruction d’une œuvre qui venait d’être vendue aux enchères pour un montant record. Signée Banksy, plus fameux « street artist » d’aujourd’hui et intitulée Girl with baloon, la toile représentait une petite fille imprimée au pochoir, s’envolant et tenant un ballon rouge en forme de cœur. Je dis bien représentait, car sitôt que le marteau du commissaire-priseur eût frappé son pupitre, un moteur caché dans le cadre se mit en branle, hachant la majeure partie de la toile adjugée. Sidérés, les spectateurs de la vente se ruèrent tous sur leurs téléphones pour photographier ce « happening ».
Un grand photographe ne photographie pas. Il photographie la photographie. En d’autres termes, il compose son champ autant que son hors-champ.