n 2010, Jasper Johns vendait, à New York, par l’entremise de Christie’s, un
tableau pour vingt-huit millions six cent mille dollars. Estimée entre dix et quinze millions de dollars cette oeuvre emblématique de l’artiste, Flag, représente un drapeau américain, comme il en a tant peint. Toutefois, ce drapeau-là avait l’avantage d’être d’autant plus désirable qu’il n’était jamais apparu sur le marché. Jasper Johns l’avait en effet cédé à l’époque à un ami – l’écrivain Michael Crichton, auteur de Jurassic Park, décédé en 2008.
Bien qu’il vît d’abord le jour à Londres, le Pop art naquit une seconde fois à New York. Deux vitesses pour une même terminologie : si dans le Londres
des années cinquante ces objets sont une impulsion vers l’avenir, à New York quelques années plus tard ils tentent de combler « le fossé entre l’art et la vie » (R. Rauschenberg). Comprendre le phénomène américain, son impact sur les arts plastiques et sur la peinture en particulier, c’est mesurer deux décennies passées pétries d’art abstrait. On pourrait céder au fantasme d’une Amérique neuve et dynamique d’après-guerre qui aurait accueilli ce mouvement comme l’expression d’un renouveau. Pourtant, si certains soustraient à l’idée d’un style novateur, la majorité désapprouve ce rempart à l’expressionnisme abstrait qui surgit en 1958 avec les séries Cibles et Drapeaux de Jasper Johns.
Delvaux traversa tout le XXe siècle, étant né en 1897 et mort en 1994. Ce que l’on découvre à Évian, ce sont des oeuvres exécutées pendant l’entre-deux-guerres, la guerre et l’immédiat après-guerre. Il y a bien aussi des toiles datant de la seconde moitié du siècle, des Trente Glorieuses – de même que l’on admire quelques pièces qui ne proviennent pas de la collection Ghêne –, des images plus familières comme La Terrasse, peinte
en 1979, qui sert d’affiche à l’exposition et qui pourrait servir de toile de fond à Hippolyte s’avançant et déclarant : « Le dessein en est pris : je pars
cher Théramène, / Et quitte le séjour de l’aimable Trézène. » ; mais le principal intérêt est ici de saisir une genèse, de goûter les racines douceâtres d’une imagerie largement connue.
À l’opposé de New York, la Californie vacillant entre Beat Generation et culture hippie, voit émerger ses artistes pop tels que Mel Ramos ou Edward
Rusha qui, par une approche léchée de la picturalité de mots et l’usage des couleurs criardes à la manière des puristes de la côte ouest, contribue à l’érection du mythe des mass media. Cet American way of life, pourtant chahuté par l’assassinat de Kennedy ou le Vietnam, transpire avec humour et fantaisie dans l’accrochage parisien de la collection Whitney. Puisse-t-il guider béotiens et nostalgiques d’une ère « sex, drugs and rock’n’roll » à travers les oeuvres des stars du mouvement et leur révéler quelques talents plus discrets ? Let’s pop.
JASPER JOHNS : DES CHOSES QUE L’ESPRIT CONNAÎT DÉJÀ
Star à 28 ans, considéré un temps comme l’un des pères du Pop Art et de l’art minimal, qualifié aussi de « néo-dadaïste », Jasper Johns résiste en réalité à toute forme de classement. Son art, qui n’a cessé d’évoluer en marge des mouvements, a exercé une influence considérable et reconnue. Preuve en est : La Royal Academy of Arts de Londres organise une exposition digne de ce parcours d’exception.