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Citations de Revue Jentayu (15)


La plus délurée de tous, cependant, était certainement la vieille pocharde. Elle venait dans ce petit troquet tous les jours dans l’après-midi, vêtue de haillons comme une mendiante, les cheveux en bataille, le visage noir de crasse ; personne n’aurait pu dire à quoi elle ressemblait vraiment, et encore moins comment elle s’appelait, mais personne n’aurait contesté qu’elle était l’ivrogne numéro un de l’endroit, on l’avait donc surnommée « Mère pocharde ». Dès qu’elle était entrée, elle commençait toujours par sortir de dessous sa veste un petit paquet carré enveloppé dans du tissu, à l’intérieur duquel, quand elle l’ouvrait, apparaissait un autre petit paquet, enveloppé, lui, dans du papier journal, lequel, une fois ouvert, révélait à son tour un emballage de papier soie, comme pour protéger quelque précieuse broche de jade. À l’intérieur, cependant, il n’y avait que vingt centimes ! Elle les faisait glisser sur le comptoir, en échange de quoi le tenancier du troquet lui versait un demi bol de son tord-boyaux.

– Feng Jicai, "La mère pocharde" (Jentayu 5, "Woks et Marmites")
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Je trouve que la foi doit rester quelque chose de personnel. Une partie du problème au Népal – et dans toute l’Asie du Sud, d’ailleurs –, réside dans le fait que tout le monde passe son temps à déclarer sa foi en public. C’est, me semble-t-il, le fruit d’une mentalité prémoderne. En Europe, en Amérique, il est impoli de s’enquérir de la religion d’autrui. Cette réserve me laisse admiratif.

– Manjushree Thapa, "Le bouddha prenant la terre à témoin" (Jentayu 3, "Dieux et Démons")
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Les endroits situés dans les zones dites frontalières de la Chine portent tous des noms à résonance étrangère. Plus l’endroit est éloigné, plus son nom est étranger. Ces lieux sont comme ces animaux qui vivent en pleine nature et que l’on aperçoit rarement ; certains sont captivants ; d’autres, extrêmement sauvages; d’autres, enfin, se manifestent juste par un cri à peine audible qui, pourtant, nous émeut jusqu’aux larmes. Ils ont tous conservé leur instinct naturel. Et ils sont reliés au passé, ce passé qui n’est qu’un effluve de souvenirs, un moment de nostalgie.

– Tsering Woeser, "La beauté des cartes" (Jentayu 4, "Cartes et Territoires")
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Concentrant son regard, il vit droit devant un vieillard à mine respectable, assis sur son âne. Békech le reconnut peu à peu et, descendant de son cheval du côté de la pente, il attacha le rapace à sa selle. Il se dirigea vers le vieillard et le salua : « Assalomou Aleïkoum ! » Sans descendre de son âne, le vieillard sourit de sa bouche édentée et prononça ces paroles : « Mais quel gaillard ! Tu es bien Békech, le fils adoptif de Baïssal le manastchi, n’est-ce pas ? » « Votre œil est perçant et votre parole juste », lui répondit Békech, se rappelant que c’était bien Chapak le manastchi, qui avait logé Dapan dans la grotte où il vivait.
« C’est Dieu qui nous envoie nos hôtes ! J’avais bien reçu un message : ma paupière ne cessait de me démanger, maintenant je comprends mieux pourquoi ! » dit Chapak, et sans se perdre en paroles inutiles, il les mena sur le sentier étroit jusqu’à sa grotte.

– Hamid Ismaïlov, "Manastchi" (Jentayu 5, "Woks et Marmites")
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On ne déconne pas avec le durian. Chaque année, quelqu’un est tué quand un de ces fruits lourds, odorants et épineux tombe d’un arbre, comme si les dieux prévenaient leurs nombreux détracteurs de ne pas trop les dénigrer. Cependant, cela n’empêche pas les gens d’en dire du mal. J’ai entendu dire que Ravana, le célèbre roi des démons dans le poème épique hindou du Ramayana, était décrit comme étant si laid que « son visage ressemblait à un durian ». Les Allemands nomment simplement ce fruit « le fruit qui pue ». Et si vous êtes déjà venu en Malaisie, vous avez sans doute remarqué que les hôtels affichent un panneau indiquant « PAS DE DURIANS » à l’accueil.

– Omar Musa, "Le Roi des fruits" (Jentayu 5, "Woks et Marmites")
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Ce n’est pas tous les jours que l’histoire de chacun d’entre nous se confond avec l’Histoire Universelle.

– Luís Cardoso, "L'année où Pigafetta acheva sa circumnavigation" (Jentayu 1, "Jeunesse et Identité[s])
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Les dunes, telles des urnes votives brunies sous le soleil,
Baignent leurs pieds dans les tourbillons d’un petit ruisseau.
Au fond de ce ruisseau, nous découvrîmes des lingots de pierre
Sertis dans le sable fin, comme par la Providence déposés.

Est-ce parce que les pierres sont rares dans ces vastes et vierges dunes ?
Ce jour-là, mes amis et moi nous mîmes à jouer avec
Avant de les ramener chez nous en montures de fortune.
Le soir venu, le fouet de Père s’abattit comme foudre et tonnerre :

« Avez-vous dérobé les pierres du cours d’eau ?
Implorez le Ciel et repentez-vous !
Approchez vos oreilles de la terre, entendez le ruisseau !
Évoquez-le et priez pour que sa mélodie revienne. »

– G. Mend-Ooyo, "La mélodie des pierres" (Jentayu 1, "Jeunesse et Identité[s])
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Le magicien faisait une petite démonstration toutes les heures environ. Ce que j’étais chanceux de vendre mes semelles juste en face ! Le plus souvent, il faisait des tours de dés, de cartes ou d’anneaux chinois. Quand j’y repense aujourd’hui, je me dis que c’était vraiment trop banal, si banal même que ce n’était pas vraiment digne d’un magicien. Mais à ce moment-là, ses tours étaient pour moi de vrais miracles, un peu comme l’effet que m’avait fait Vivien Leigh quand je l’avais vue pour la première fois. C’est pourquoi je désirais plus que tout au monde posséder à mon tour ces accessoires, de la même ma- nière que j’avais toujours rêvé d’élever un moineau.

– Wu Ming-yi, "Le magicien sur la passerelle" (Jentayu 1, "Jeunesse et Identité[s]")
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C’était un Khampa ; il avait un visage au teint basané et aux traits anguleux où la sueur laissait des traînées humides, et aux pieds des chaussures de cuir tellement usées qu’elles en étaient délavées et trouées au bout. J’ai remis le moteur en marche, et le camion est reparti à toute allure dans cette immense étendue de sable à perte de vue, en soulevant le même nuage de poussière alentour. Comme hébété, le Khampa observait par la fenêtre le paysage désertique qui se reflétait dans ses pupilles ; par moments, il semblait évoquer en lui quelque souvenir du passé, et se dessinait alors sur son visage un imperceptible sourire.
« Dis-moi, tu vas en pèlerinage ? »
Le Khampa tourna vers moi son regard éteint, avala sa salive et reprit son observation du paysage désertique.
« Tu fais un pèlerinage ou tu fais du commerce ? lui ai-je demandé, énervé, en élevant la voix.
– Ni l’un ni l’autre. Je vais au bourg de Saga. »
Sa réponse m’a fait plaisir, et je lui ai répliqué avec un grand sourire : « Tu ne pouvais pas tomber mieux, moi je vais à Ali, je vais t’économiser un bon bout de chemin. »
Le Khampa me gratifia d’un sourire. Il y avait une ambiance paisible dans le camion. J’ai allumé une autre cigarette et me suis mis à fumer tranquillement ; ma fatigue s’était dissipée.
« Et que vas-tu faire à Saga ? lui ai-je demandé en fixant la route devant moi.
– Je vais tuer quelqu’un. »

– Tsering Norbu, "L'assassin" (Jentayu 2, "Villes et Violence")
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Quant à Mia, elle est un peu sorcière. Sa maison envahie de fleurs et de plantes séchées ressemble à une herboristerie. Tuan a souvent l’impression de vivre avec une druidesse. Sa salle de bain est plantée d’amaryllis, de violettes du Cap, d’ananas, de palmiers, et de toutes sortes de fougères qu’on n’arrive pas à nommer. Il y a encore des cargaisons d’huiles et de sels de bain, de savons et de lotions aux couleurs luisantes et toxiques ; la pièce est comme un laboratoire d’expériences. Tout ce bazar a commencé le jour où Mia s’est mise en tête de conserver le parfum d’une rose et sa couleur irisée. Les fleurs étaient importées de Hollande. Elle a retiré le bouquet du vase avant que les boutons n’éclosent pour l’accrocher sous la fenêtre, tête en bas, à l’air libre. Devant le spectacle des roses qui flétrissaient de jour en jour, elle s’est sentie impuissante.

– Chu Tien-wen, "Splendeur fin de siècle" (Jentayu 2, "Villes et Violence")
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Chez nous, c’est moins tranquille que je ne l’avais imaginé. Pendant la journée, provenant de chaque appartement et se répandant d’étage en étage, le caquetage des radios est assourdissant. Il paraît que c’est pour éloigner les cambrioleurs. Mais une fois que ceux-ci ont compris qu’il n’y a personne à l’intérieur, cela n’a-t-il pas pour seul effet de leur faciliter la tâche ? Le premier qui a eu cette idée était un génie ; ceux qui l’ont suivi sont des crétins. Le soir, les postes de télévision prennent le relais, bientôt rejoints dans un joyeux raffut par le son des pianos et les vocalises. La dame du deuxième, par exemple, voudrait faire de sa fille une musicienne. Mais pratiquer le piano dans un immeuble aussi bondé n’est pas franchement ce qu’il y a de plus indiqué. C’est un peu comme vouloir à tout prix jouer au golf dans l’endroit le plus densément peuplé du monde en considérant que c’est du dernier chic.

– Hwang Chun-ming, "L'îlot résidentiel" (Jentayu 2, "Villes et Violence")
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Écoutant attentivement le bruit de l’eau, la fillette avait les oreilles saturées du murmure du fleuve se parlant à lui-même, mais elle perçut aussi, venant de la tour, le bruit étrange de quelque chose frappant l’eau, et qui se rapprochait peu à peu. La fillette scruta la surface de l’eau, mais n’aperçut rien, aucun homme nager, personne. Pourtant le bruit se fit de plus en plus net, et se rapprocha encore. La fillette commença à avoir un peu peur ; elle regarda le pont, au loin, il y avait encore quelques jeunes dessus. Alors elle se mit à hurler à leur intention : Le génie des eaux, le génie des eaux est là !

– Su Tong, "Le génie des eaux" (Jentayu 3, "Dieux et Démons")
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Par une froide nuit de nouvelle lune, sous un ciel presque sans étoiles, un vieux marchand passa près de la mangrove avec sur l’épaule sa palanche pleine de "zongzi" à la viande bien chauds pour se rendre au marché. Bien que traversant la sombre forêt, c’était un raccourci que l’on empruntait parfois pour se rendre en ville.
Soudain une voix féminine l’interpella timidement : « Je voudrais acheter des "zongzi". »
Sans hésiter, le vieil homme posa sa palanche. De la forêt sortit une femme tout de blanc vêtue, dont la longue robe flottait au vent. Elle tourna − ou baissa − la tête, il ne la voyait pas bien, distinguant confusément son visage blême.
Il lui remit un "zongzi" et prit l’argent qu’elle lui tendait. Apeuré, il reprit sa palanche sur l’épaule et s’éloigna en hâte.
Lorsqu’il arriva dans un lieu un peu plus éclairé, il ne trouva dans sa main que quelques billets d’argent funéraire que l’on brûle pour les morts.

– Li Ang, "La dame de la mangrove" (Jentayu 3, "Dieux et Démons")
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Notre époque est si capitonnée de connaissances que toute existence d’un espace imaginaire est devenue impossible.

– Dung Kai-cheung, "Subtopie et unitopie" (Jentayu 4, "Cartes et Territoires")
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Il y a des hommes qui, sans cesse, sont comme tirés vers leur lieu d’origine alors que d’autres ont l’impression que tout retour leur est quasiment impossible. Dans la plupart des cas, c’est comme si une sorte de force fatale séparait ces deux catégories d’individus, sans qu’il y ait de rapport avec les sentiments qu’ils éprouvent pour leur pays natal.
Que cela me plaise ou non, il semble bien que j’appartienne à la seconde catégorie.

– Haruki Murakami, "Une marche jusqu'à Kobé" (Jentayu 4, "Cartes et Territoires")
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