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Citations de Robert Redeker (52)


Robert Redeker
Sur son nouveau livre, "Les sentinelles d'humanité", entretien accordé à "L'incorrect", n°28, février 2020.

Le mépris du passé affiché par le "nouveau monde" digital et ubérisé qui s'avance est là pour atténuer au maximum le sentiment de solidarité avec le passé, avec les ancêtres, avec l'histoire nationale. C'est ce que ne manque pas de faire la repentance. Chez les héros et les saints, vous constatez l'inverse : ces personnes sont des exceptions, c'est-à-dire des individus radicaux, et en même temps ils agissent en solidarité avec les totalités (la nation, l'humanité, la chrétienté) dont ils réactivent la vitalité par leur seule présence. Par ailleurs, cette forme économique d'individualisme [ultra-libéral libertaire] coupe l'être humain du passé. Cette solidarité vivante est le contraire du patrimoine, le passé réduit à l'état de cadavre embaumé. Le faux individualisme contemporain ne fait plus communauté avec les hommes du passé de son pays. De fait, cet individualisme consumériste est un individualisme d'oubli, qui mute les hommes en atomes séparés et sans histoire, tandis que héros et saints sont des singuliers dont les actes témoignent d'un individualisme de mémoire, qui raccroche leurs vies à une chaîne multiséculaire et qui ramène le passé dans le présent.

Extrait, p. 65 du magazine.
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De plus en plus de football. De plus en plus, jusqu'à la nausée. De plus en plus, comme à l'infini : notre temps disponible, notre temps hors travail, hors obligation sociale, saturé, occupé par le spectacle du football. Est-il une évasion, cependant, ce spectacle ? Une escapade, comme l'est le théâtre classique ou l'opéra, hors du monde de la quotidienneté plus ou moins aliénée, plus ou moins inauthentique ? L'invasion permet-elle l'évasion ?

Le football est-il la fable du monde ?, p. 9
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La transformation de l'institution scolaire en institution sociale de garderie avec distribution de diplômes, l'émergence de l'École gélatineuse, de l'École à consistance de méduse, de la simili École, cette nouvelle division sociale, qui affecte tous les pays européens, renvoie à une crise beaucoup plus profonde, une déshumanisation que l'on peut appeler crise de la vie humaine.
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L'improvisation et l'invention sont, en football, la liberté.

L'improvisation en football, p. 228
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Tout grand joueur est un recommencement du football.

Héros, saint, génie, footballeur, p. 205
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Pourquoi aimer le football ? Pour le jeu, pour cette enfance ? Par gratitude pour ce fidèle revenant. Pourquoi le détester ? Pour tout le reste.

Au-delà du foot, l'éloge du sport, p. 195
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Les Lumières s'éteignent quand s'allument les projecteurs sur les stades.

Le footballeur, dernier avatar de l'homme nouveau, p. 166
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Si notre modernité tardive, incapable de penser et de supporter la mort, à défaut de l’impossibilité de supporter la vie, si nous vivons dans une époque qui ignore la mort, au sens où ce temps prosaïque n’a rien d’autre à dire que de scientifique, que de biologique, que de médical, rien d’autre à dire qui la refoule comme jamais – car tenir un discours scientifique et médical sur une chose revient à la refouler, que cette chose soit aussi bien la folie que la mort – qui la repousse dans les marges, les morgues et les crématoriums édifiés pour se débarrasser des embarrassants cadavres au plus vite, si nous vivons un moment historique de l’éclipse de la mort, sans doute est-ce parce que nous n’avons plus accès à la face lumineuse de la mort, à la part de chance qu’elle recèle et qu’elle nous offre ? Face lumineuse ; dans ses écrits des dernières années, Bossuet envisage la mort comme un état enviable. Mais c’est aussi parce que nous vivons un temps de désymbolisation. Quand la transcendance vient à déclarer forfait, la symbolisation ne peut s’effectuer. La symbolisation est une mise à distance par le moyen de la figuration, éloignement qui instaure le sens. Or les images d’aujourd’hui sont celles qui nous immergent – souvent même, usinées par l’industrie du diverstissement et de l’information, bref l’industrie de l’hébétude, elles donnent le jour à une dictature de l’émotion –, celles qui détruisent la possibilité du symbolique. Ce nouveau régime de l’image rend la société sur laquelle il règne implacablement inapte à vivre avec la mort, à penser la mort, à vivre dans cet entrelacs entre la vie et la mort qui a toujours été l’habitat de l’existence humaine.
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Assimilons la conquête de l’intériorité avec la conquête de sa propre réalité par l’homme. À la faveur de cette conquête l’homme devient réel, se réalise.
Impossible de nier que cette conquête soit à prendre, à chaque génération et à chaque homme, à partir de l’éducation, et impossible de nier également que cette reprise par laquelle chacun devient toute l’humanité soit ce que Bernanos a appelé « la vie intérieure ». Il existe des instruments pour cette vie intérieure : la prière, la réflexion, la contemplation, la méditation, la poésie, l’art, la pensée, la philosophie, le silence. Toutes activités et tous états menacés d’élimination sous le double règne de la marchandise, dont Marx aperçut l’empire naissant, et de la machine, aujourd’hui muté en digital.
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La découverte de ce que nous appelons âme – ou plutôt de ce qui a été longtemps, presque toujours et partout – appelé ainsi, passe par le croisement des chemins suivis par les spiritualités et les philosophies. L’on nous dira : mais l’âme, en des civilisations différentes, dit des choses différentes. Le relativisme de cet argument s’accomplit en une négation : puisqu’âme renvoie selon les lieux et les temps à des références différentes, l’âme n’existe pas. Elle serait alors, pour reprendre une formule de La Mettrie, qu’ « vain mot dont on n’a point idée ». Un mot sans idée. À quoi nous rétorquions : les hommes avaient le mot mais ils n’avaient pas encore la chose. L’on sait d’intuition que l’âme existe. C’est pourquoi il y a le mot : l’existence du mot atteste l’existence de la chose. Le mot est la recherche de la chose. Ou aussi : le mot est à la recherche de la chose. Comme le mot Dieu. On dit Dieu parce qu’on cherche Dieu. Recherche de la chose, le mot en est aussi l’appel. Chercher… Appeler… Dans la nuit où le sort nous a jetés, dans l’obscurité de la caverne. Quand je dis âme, peut-être dans l’angoisse, peut-être dans le vide de déréliction, j’appelle l’âme. Lorsque je prononce le mot Dieu, itou. Le mot âme est ainsi utilisé comme un détecteur, un instrument pour trouver ce que le mot exprime.
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La performance sportive ne peut se prévaloir du statut d’œuvre d’art dans la mesure où, une fois accomplie, elle s’effondre sur elle-même. Toutes les performances laissent derrière elles un goût de néant – tant d’efforts pour si peu ! Atteinte, la performance se dissout dans sa vacuité.
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Le sport est la seule activité mobilisant sans interruption l’attention des humains.
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La nuit est à la vue ce que le silence est à l’ouïe. […] Des millénaires durant, jusqu’à la rosée du matin, la nuit était le temps du silence.

Nous sommes la première humanité à ne connaître ni le silence ni la nuit.

Longtemps, le bruit était l’exception, le silence la règle ; révolutionnaire, la civilisation des machines a renversé cet ordre millénaire.

La peur du silence, au contraire de ce que proclame une psychologie de comptoir, est autre chose que la peur de soi. Que la peur de se retrouver seul avec soi. Elle est la peur de l’âme, cette réalité dont nous nous sommes déshabitués. Que notre monde a refoulé.

Le silence est à l’instar de la nuit, l’écrin de l’âme.
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L’âme, comme prise d’asthme, étouffe en notre monde moderne.

L’abolition progressive de l’âme par la raréfaction de son oxygène, la destruction de son biotope, est analytiquement contenue dans le néo-pélagianisme qui règne sur la modernité. Ce néo-pélagianisme imprime la carte d’identité du monde moderne. Pélage, moine britannique du IVe siècle que combattait saint Augustin, affirmait ceci : « La volonté et l’action n’ont besoin d’aucun secours de Dieu ». Sa doctrine fut déclarée une hérésie au Ve siècle. Les hérésies chrétiennes travaillent comme des taupes, de façon souterraine, dans le sous-sol de l’histoire. L’apocatastase, cette doctrine de coloration stoïcienne, condamnée comme hérétique dans sa version origénienne, lors du second concile de Constantinople en 533, selon laquelle, à la fin des temps tous, pécheurs et gens de bien, seront sauvés, imbibe la modernité. La puissance du pélagianisme dans l’histoire s’avère encore plus forte. Elle fonde sans le dire notre prométhéisme.
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Différente de la destruction, l’abolition est un phénomène culturel au long cours, joignant refoulement et effacement. Au sein de ce mouvement historique, le refoulement est le fait, quand l’effacement demeure l’idéal. Abolir l’âme signifie : conjuguer tous ses efforts pour parvenir à l’effacer de la culture, de la vie quotidienne, de la philosophie, de la psychologie, de la conscience. Au bout de ce processus pluriséculaire surgit une société majoritairement composée d’hommes, de femmes, d’enfants, moins dénués d’âme, que privés de la science d’avoir ou d’être une âme. Eric Vœgelin, le philosophe de la dépneumatisation de l’homme, envisagea la survenue d’une telle humanité : « il est possible que l’idiotès, c’est-à-dire l’homme devenu étranger à l’esprit, devienne la figure sociale dominante ». Qu’est-ce que l’esprit ? – « l’ouverture de l’homme au fondement divin de son existence ». Autrement dit : l’esprit est l’expérience de l’âme.
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Toute culture était accusée plus ou moins explicitement de véhiculer de l'idéologie, la culture générale se retrouvant dès lors convoquée devant un tribunal populaire, soupçonnée de transporter l'idéologie bourgeoise derrière le masque des oeuvres.
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"On ne dira jamais assez à quel point le mot d'ordre d'égalité a servi depuis des années de pavillon de complaisance à la destruction des parties saines de notre système éducatif. Or le but premier de l'éducation n'est pas d'égaliser, mais d'éduquer", écrit Jacques Julliard.
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Gangrénée par ce motif de l'héritage, par ce venin venu de Bourdieu et de ses disciples, l'Ecole refuse de transmettre ce que naguère nos aînés appelaient "la culture". Elle joue "les cultures" contre "la culture" pour barrer l'accès des générations montantes à "la culture".
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Ce dépaysement, cet arrachement des enfants à leur pays, afin de les empêcher d'entrer en fusion avec son histoire et sa culture, afin de prévenir le risque d'enracinement dans cette histoire et cette culture, est le versant éducatif de la délocalisation industrielle et économique.
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Elle [l'Ecole contemporaine] bride les plus doués, érigeant en norme les plus faibles. Elle chante haut et fort les louanges de la médiocrité, rabrouant les premiers de la classe en vertu du sacro-saint droit des derniers à recevoir toutes les félicitations. Un projet anthropologique inconscient l'anime : fabriquer (...) des inhéritiers, des générations nouvelles hors sol.
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