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Citations de Robert Redeker (52)


Loin de chercher à élever, l'Ecole cherche maintenant à abaisser, de telle sorte que le nom d'élève devient inapproprié aux enfants et adolescents qu'elle accueille. Souvent même, arguant du respect de la différence, le système scolaire a cherché à étouffer la différence qu'il était censé cultiver, l'excellence.
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...l’œuvre d’art est ce qui résiste à la mort, nul ne peut porter le même jugement sur un record. Même s’il fascine durant son accomplissement, un record reste sans aura. Au-delà de son accomplissement, un record n’est plus que du chiffre, de la statistique, s’inscrivant dans un monde manifestant le règne de la quantité.
La performance et le record se déguisent en une fin – en un but qui donnerait sens à l’ensemble de l’activité sportive ainsi qu’au spectacle qu’elle propose –, mais ce n’est pas une vraie fin. C’est une parodie de fin.
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Plutôt que « l’opium du peuple » dont parlent certains, le sport est avant tout « l’opium des États ». L’opium d’États s’imaginant exister à la façon d’États puissants et indépendants sur la scène de l’histoire grâce au sport. Ou bien l’opium que certains États injectent à d’autres afin de leur faire croire à leur puissance et à leur indépendance (cas de l’ex-RDA). Dans la diplomatie, certains États de puissance secondaire cherchent à exister à travers le sport, qui leur procurerait une surpuissance, une surinfluence, supérieures à leur puissance et influence effectives, sur la scène internationale. N’est-ce pas pure illusion, pur sommeil (d’où notre référence à l’opium) de la lucidité ? Toutes les politiques sportives, de tous les États, petits ou grands, relèvent désormais de cet opium-là. Le sport n’est pas, à l’inverse des lectures marxistes qui l’en accusent, un opium idéologique, qui endormirait les citoyens, mais un opium politique, plongeant les États dans l’onirisme. L’opium idéologique n’est qu’à usage interne. L’opium politique est à usage externe ; il est une politique étrangère imaginaire, un ersatz de politique étrangère. Opium politique : le sport fait rêver les petits États à ce qu’ils ne sont pas dans la réalité, de même qu’il procure aux grands États l’ivresse de leur puissance.
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Toute religion est par essence anthropofacturale, ce à quoi Karl Marx est resté aveugle – la définition de la religion pourrait être celle-ci : une institution politique vouée à la fabrication des êtres humains sous le voile du sacré. Dans le capitalisme en voie d’absolutisation (absolu : qui ne connaît pas de limite, pas d’altérité) qui définit le régime contemporain (régime social planétaire dans lequel le capitalisme s’apprête à prendre la place de l’Absolu, de l’illimité, c’est-à-dire à devenir Dieu lui-même), le sport prend le relais de la religion, se met en place pour occuper les offices de la religion, tout particulièrement la fonction de matrice des types humains.
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Le sport est la guerre contre la paix du corps.
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Le partage des tâches, dans l’univers des spectacles, pourrait escorter le découpage suivant : l’acteur et le chanteur imitent autre chose qu’eux-mêmes, jouant un rôle, quand le rappeur imite son être propre. Et le sportif ? Il se différencie des deux autres : il n’imite rien, il est. Il se donne à imiter. Celui qui assiste au spectacle sportif imite dans son imaginaire les actions et les sentiments du champion. Il projette ses désirs, ses tendances, ses pulsions sur le sportif pour le rapter – par exemple, rapter les déhanchements de Garrincha –, pour détourner son allure, la faire sienne, se l’incorporer, bref pour ramener le sportif à soi et l’imiter.
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"Le sport opère la naturalisation de cette compétition de tous contre tous qui détresse le lien social: faire passer pour naturelle cette lutte permanente, cette guerre de tous les instants, ancrer en chacun le sentiment de la légitimité de la loi individualiste du plus fort, exacerber en tout un chacun le tropisme à la compétition carnassière.
Le sport nie tout héritage, en plaçant les hommes sur la la même ligne de départ biologique, pour organiser la concurrence impitoyable entre les organismes, afin que les inégalités ne soient plus le produit de la culture et de l'histoire, de la civilisation mais celui des gènes et de lutte physique. L'égalitarisme radical du sport est le socle de son élitisme biologique. Il est rare de mettre en évidence les dangers de l'égalité, notamment son caractère belligène, tant elle est devenue le prêt-à-non-penser de notre époque."p.165
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De la nourriture:

Au regard attentif, l'alimentation apparaît bifrons comme Janus: elle spécifie l'humanité, elle la sépare du non-humain - bêtes et robots - quand, dans le même mouvement, elle l'inscrit dans ce non-humain, qu'est le vivant en général. Quand à Dieu, s'il existe, il se nourrit de cette forme incorporelle de la vie qu'est l'amour, de telle sorte que, en l'aimant, les humains le recréent. D'un côté, Dieu est nourriture de l'âme ; de l'autre côté, l'amour des hommes envers Dieu apparaît comme la substance spirituelle dont l'Être suprême se nourrit, et par là même, se recrée.p13/14
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La théorie du péché originel pourrait se résumer ainsi: acceptation de la défectuosité de l'homme ontologique de l'homme sous la figure de la culpabilité générale. Le grand penseur réactionnaire Donoso Cortés prend note de "cette sentence de condamnation portée dans la personne d'Adam contres toutes les générations passées, présentes et futures, jusqu'à la consommation des temps". Derrière son pessimisme anthropologique et l'inscription de l'humain dans l'ordre de la culpabilité, la théorie du péché originel l'acceptation définitive, pour les siècles des siècles, de la finitude l'humain ; elle préservait de toute rébellion contre cette finitude et toute tentation de changer l'homme. Châtiment de type métaphysique - la désobéissance à Dieu - , la théorie du péché originel mettait un terme à toute révolte contre la nature et la condition humaines. La révolte avait eu lieu, une fois pour toutes, à l'instant précédant la chute ; toutes les générations humaines étant appelées à subir les terribles conséquences de cette révolte, l'ignorance dans l'âme et la mort du corps.

Il faut repérer dans le culte de l'infini, de l'ouverture, du non-clôturé, du sans-limites, réunis en une passion de l'illimité, le propre de l'ère moderne."
p.178
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Le réductionnisme qui ramène le sport au fascisme manque la complexité du phénomène sportif.
Le régime post-stalinien de la terrible République démocratique allemande a su utiliser le sport comme arme de guerre et arme diplomatique dans les années 1970-1980. Je crois pourtant qu'il faut renverser la proposition. Ce n'est pas le fascisme, le nazisme, et le stalinisme, qui ont utilisé le sport, c'est le sport qui a utilisé ces régimes totalitaires pour répandre planétairement son idéologie. Le fascisme, le nazisme, le stalinisme, sont bel et bien morts aujourd'hui, quand le sport est toujours là, bien vivant et trop bien portant, bardé de son idéologie d'un capitalisme absolu, d'un néolibéralisme absolu, de la guerre de tous contre tous, de la loi du plus fort, de la légitimation de la tricherie par le "pas vu pas pris" [note : Paul Yonnet, Une main en trop, Paris, Editions de Fallois, 2010] et de la performance quoi qu'il en coûte. L'idéologie inhérente au sport est plus proche de l'essence du capitalisme que de celle du fascisme et du nazisme. Une autre différence est à souligner : dans le fascisme et le nazisme, le sport servait à produire un être collectif. Il était un utérus politique. La RDA post-stalinienne a fourni le parfait exemple de cette production d'un être collectif par le sport. Ce que reste du sport aujourd'hui est exactement le contraire : le sport est la production sociale de l'individu. Pour quoi faire du sport? Pour vous produire vous-même comme un être de pleine santé - un esprit sain dans un corps sain. Cette autoproduction est, nul n'en peut bien entendu douter, une illusion. C'est la société qui vous produit en tant qu'individu à travers le sport tout en vous laissant croire que vous vous autoproduisez. Nous voici bien loin des totalitarismes du siècle passé.
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De fait les images industrialisées qui envahissent notre vie quotidienne, de la publicité au magazine, de la télévision au smartphone, images qui sont transfusées en continu dans nos corps, nos cœurs et nos âmes, ne sont plus de même nature que tous les types d’images que l’humanité a pu créer et connaître jusqu’ici. Les images étaient l’apparition depuis la distance, l’infinie distance, depuis l’éloignement profond, qui rendait énigmatiques l’être ou l’objet représentés – ainsi font les icônes. La désymbolisation signifie ceci : les images ne sont plus des icônes, ne sont plus des portes ouvertes sur le mystère, ne sont plus des présences, s’abaissant au statut de vulgaires produits de l’industrie. Voici ce qu’elles sont : des marchandises industriellement fabriquées. Elles sortent des chaînes d’une industrie du divertissement et de l’hébétude à la façon des vignettes Pagnini, que l’on peut prendre pour leur paradigme.
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Il se passe avec les images de la mort le même phénomène qu’avec la pornographie : les unes et les autres ne représentent rien que, généralement, on vive. Les images de la mort se multiplient sur les écrans, ceux des jeux vidéo, du cinéma et de la télévision. […] Cette désymbolisation de la mort la rend insupportable – c’est pourquoi, afin d’échapper à l’insupportable, notre culture l’expulse de la vie collective, la contraignant à l’éclipse.
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Notre temps ne supporte plus la décomposition, les odeurs, les viandes humaines frelatées, pourrissantes, les vers, la vermine, la puanteur. La charogne. Regardons alors dans la faveur dont jouit en ce siècle la crémation, l’expression éclatante d’une passion triste, la haine de la matière. La matière répugne à l’hygiénisme, ce fanatisme de notre époque.
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Finalement, l’immortalité transhumaniste serait une vie immortelle dans laquelle l’homme ne cesserait de se fuir lui-même. Et où il aura oublié de mourir. Le divertissement y serait l’atmosphère et le but de sons existence. La vie éternellement ludique, une vie interminable à consommer des séries télévisées, de la musique et de la littérature industrielle, à s’affaler devant l’infotainment, à s’essouffler en jogging et fitness, à faire du ski et du vélo, à l’abêtir dans les loisirs, à s’abrutir dans les parcs d’attractions, une vie disneysée, bref le contraire de la vie éternelle proposée par la foi chrétienne ou envisagée par Platon. Une vie infantile. Une vie pareille éternelle ne mériterait pas d’être vécue. Le transhumanisme n’est pas la sécularisation de la promesse chrétienne, une étape supplémentaire et finale dans le processus de sécularisation à l’œuvre depuis les Lumières, dans la mesure où il ne propose aucune rupture dans le style d’existence entre la vie mortelle et la vie immortelle. Il n’offre rien d’autre que la même aliénation – au sens propre de ce mot : être autre que soi – par le divertissement que l’interminable vie quotidienne désespérante de vacuité.
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Évacuée de la vie collective, de la cité, la mort s’étale en grand spectacle sur tous les écrans. Reprenons et précisons notre thèse : la mort est devenue insupportable parce que la profusion des images de type industriel la désymbolise. Désymboliser : couper le lien avec l’univers du sens qui à la fois transcende l’événement sans manquer de la rendre compréhensible. La désymbolisation s’organise comme le passage d’un univers à trois ou quatre dimensions (l’univers de la donation du sens) à un univers plat à deux dimensions seulement, l’univers de l’écran.
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La maladie ne nous rapproche pas seulement de la mort : elle nous fait connaître ce qu’est la mort. Les avantages de la maladie sont l’anticipation des avantages de la mort. Lorsqu’elle est digne de ce nom, la maladie nous promène dans les parages de la mort.
Derrière la philanthropie des partisans de l’euthanasie se masque une puissante misanthropie. Notre siècle n’aime plus l’homme lorsqu’il est malade. Notre siècle ne le supporte plus. Nous voilà incapables de soutenir le regard de l’agonie. Nous ne voulons plus que la mort, la maladie, la souffrance, l’agonie, nous regardent les yeux dans les yeux. Tournés vers nous, leurs regards nous interrogent sur la condition humaine, forent douloureusement notre intimité psychologique, nous poussant vers les lisières de la réflexion métaphysique. Éternels adolescents drogués à l’euphorie permanente, humains hébétés collés aux écrans, nous ne savons que fuir cette confrontation avec la finitude – d’où la faveur que suscite, chez nous, l’euthanasie.
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Que serions-nous sans la mort ? Tout ce que nous sommes, tout ce à quoi nous tenons, sans la mort n’existerait pas. Elle ne se contente pas de nous délivrer du moi – ce qui est déjà beaucoup, immense. Elle ne se contente pas de son rôle pédagogique : quand nous la simulons en esprit, bref quand nous la pensons, elle nous montre qu’existe un au-delà du moi, la vérité de notre être. Non, elle réussit beaucoup plus : sans la mort il n’y a rien, pas de monde humain, il n’y a ni famille, ni société, ni patrie, ni culture, ni sans doute amour. Quant au croyant, il nous dira : sans la mort, il n’y a ni rédemption ni salut.
Sans la mort, il n’y a que le néant.
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Il y a une place vide, un trou dans notre culture. Quelque chose était là, depuis des millénaires – et n’y est plus. Quelque chose qui allait de soi, pourtant. Une chose à laquelle l’on s’était habituée, une fidèle et exigeante compagne de nos existences. Quel mot employer : une chose, une entité, un être ? Quelque chose que nous tenions pour une part de nous-mêmes, la part la plus importante. Le vrai trésor que nous sommes, c’était elle, ce n’était pas nous, ce n’était pas moi ! Nous la confondions même avec notre intimité. Avec notre identité. Est-elle partie cette chose, comme un cadavre se décompose sous la terre, livré à la voracité tenace de la vermine ? (p.14)
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Nous vivons le temps où les sophistes tiennent le haut du pavé, dans la société de l’illusion. Où ils se font passer pour des philosophes. Mieux : nous vivons dans le monde structuré selon l’illusion procurée par les images qui ne cessent de défiler sur les écrans, rappelant les ombres sur la paroi de la caverne de Platon. Ces images qui passent pour l’attestation de la vérité.
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Descartes introduit le ver dans le fruit. Il lui inocule le poison. Il manie sa plume en piqûre venimeuse. Quel ver ? Celui de la déspiritualisation de l’âme. Pensée, moi, ego, et âme, deviennent chez lui quasi synonyme.
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