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Citations de Robert de La Sizeranne (38)


CE n'est pas seulement le geste de l'acteur qui change, dans les portraits, c'est aussi le décor. Il se modifie, selon l'époque, avec une simultanéité telle qu'il semble qu'un même machiniste fait jouer des ressorts pareils derrière toutes ces tètes de femmes. Au début, le fond est uni et sombre, mat et irréel. Les profils ou les faces luisent dans cette nuit, comme des apparitions. Ce sont les Clouet, les Ghirlandajo, les Ambrogio de Prédis, et même les Rembrandt et jusqu'aux Philippe de Champaigne. Un rideau noir, vert ou rouge est tiré derrière la figure humaine. Le monde extérieur n'existe pas et importe peu. Pour être, il suffit qu'on pense, et l'esprit est plus facile à connaître que la nature. L'attention se porte tout entière sur le front, siège de la pensée, sans que rien la puisse distraire.
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Beauté plastique des figures autant que pittoresque des paysages, — cela s’entend de reste, car si nous voulons qu’elle réside dans le corps humain tel que l’a fait la Nature, est-ce à dire que les types ordinairement choisis par les réalistes représentent la Nature et s’approchent de la Beauté? Voici un gros électeur ou un menu fonctionnaire assis à la terrasse d’un café et qui, d’un geste approprié, prend un bon bock , ou goûte quelque absinthe. Il est courbé sous le poids de maladies ataviques, déformé par les accessoires du vêtement moderne, renfrogné par les passions et les vices de notre temps, les muscles atrophiés par un trop long repos, la peau pâlie et décolorée sous les linges inutiles, la main tremblante d’alcoolisme.... Est-ce là l’homme de la Nature? Et s’il fut jamais au monde un être artificiel, n’est-ce pas lui? Est-ce la femme naturelle, que la morphinomane, ou que la chlorotique, ou que la peinte au filo d'oro , ou que l’émaillée? Est-ce la Nature qui a fait ces mains d’ouvriers modernes, qui a mis ces durillons sur celles du corroyeur et ces bourses séreuses à celles du découpeur sur métaux? Est-ce une teinte naturelle que celle du visage sous la lampe Edison?
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L'artiste sort de son atelier; le grand jour tombe sur l'épreuve, et aussitôt l'on aperçoit tout ce que l'homme y a mis de lui. Elle n'est pas fille du hasard et de la matière. L'esprit a fait plus que la matière, la volonté plus que le hasard. Il y a eu collaboration de l'intelligence et du cœur; et parce qu'ainsi il a pu y avoir erreur ou folie, il peut y avoir vérité et amour. Si cette image est laide, nous n'avons rien à dire en sa faveur. Mais s'il est arrivé qu'elle soit belle, de quel nom l'appellerons-nous ? Dirons-nous que ce n'est pas là une œuvre d'art, parce que le vocabulaire la nomme photographie au lieu de la qualifier fusain, lithographie ou sanguine, et parce qu'au lieu de tenir entre ses doigts un petit morceau de bois carbonisé, l'artiste a. en quelque sorte, manié un rayon de soleil ?
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Et pourquoi? Pourquoi le vêtement contemporain est-il si peu sculptural? Pour en trouver les raisons, il suffit de le considérer. D’abord, il est uniforme ; il offre de grands espaces dénués d’ombre et de lumière. Là où le buste de l’homme se creuse, se renfle, se plie et se cambre au gré des muscles grand pectoral, grand dentelé, grand oblique, la redingote n’a qu’un plan. Là où le corps dit : relief, profondeur, polyèdre, ligne ondulée, accent d'ombre, rouages souples de la machine humaine affleurant à la peau, la redingote dit : cylindre. Le tailleur rectifie le buste de l’homme et apprend à la nature comment elle aurait dû construire les jambes : rectilignes. Car autant qu’il est uniforme, le vêtement moderne est artificiel. Non seulement il cache la forme humaine, mais il la contrefait.
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Maintenant regardons les principales œuvres de sculpture parues dans ces dernières années. La première chose que nous constaterons, c’est que M. Rodin a dépouillé Victor Hugo de ses vêtements modernes, comme Chaudet avait fait Napoléon, et que « l’idée bizarre » de représenter un contemporain « les jambes nues » non seulement a survécu à Chaudet ou à David d’Angers, mais s’est revivifiée dans le plus puissant des novateurs.
Il y aurait beaucoup à dire du Victor Hugo de M. Rodin, et le moins que la critique puisse suggérer devant lui, c’est qu’une belle ébauche n’est pas un chef-d’œuvre, ni même toujours la promesse d’un chef-d’œuvre.
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Tel fut Watteau, tel fut Turner, ces gauches constructeurs d’ombres charmantes, ces inconscients casseurs de vitres et ces prodigieux appelants de rêve. L "Embarquement pour Cythère était bien le départ pour une terre nouvelle d’art et de poésie. Les Funérailles en mer du peintre Wilhie étaient bien l’ensevelissement de toute une peinture vieillie et d’un idéal mort. Mais ceux qui firent ces révolutions ne se doutaient pas qu’ils les faisaient. Ils croyaient de bonne foi suivre la grande route quand ils frayaient des trouées nouvelles. Ils ne croyaient qu’agrandir un ancien domaine quand ils découvraient des mondes....
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Un artiste ingénieux peut exagérer ce froncement. Il peut coller le tissu au corps pour le mouler comme a fait M. Marqueste dans son Victor Hugo ou, au contraire, en faire flotter les extrémités pour l'animer; il peut imposer à son héros — poète, historien, chimiste, — une élégance ou bien une agitation qu'un modeste ou paisible savant n'a jamais connues : il n'arrivera pas à traduire les inflexions délicates et subtiles du corps. Il ne trouvera pas dans l'enveloppe moderne les éléments nécessaires à son œuvre. L'artiste qui veut traduire le corps humain par la redingote, c'est un écrivain à qui l'on donnerait pour traduire du Bossuet le code des signaux maritimes ou l'Espéranto.
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On a dit beaucoup trop de mal de la photographie et pas assez des photographes. Il est vrai que la photographie, telle que nous la connaissons d'habitude, a mille défauts qui sont la négation même de l'Art, sans être le moins du monde l'affirmation de la Nature. Elle n est pas plus près de la vérité que de la beauté. Elle exagère la perspective à ce point qu'une grande route, prise de face, fuyant droit vers l'horizon, ressemble à une pyramide, ou qu'une table carrée vue de la même façon paraît quasi triangulaire et qu'une main tendue vers vous est plus grosse que la tête de l'ami qui vous la tend.
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Qui a raison, de la foule ou des esthéticiens ? Les défauts de la Photographie ont-ils disparu ? La part nouvelle que prend l'opérateur dans le phénomène chimique et mécanique de la photographie est-elle suffisante pour qu'il y puisse imprimer sa personnalité? Enfin, ce mouvement marque-t-il un nouveau triomphe du naturalisme sur les traditions idéalistes et classiques de l'ancienne École française; ou bien n'est-il point — par une évolution singulière et inattendue — un témoignage éclatant de leur vitalité ?
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Le condottiere était, on le voit, un entrepreneur de guerre, ou, si l'on veut, un « conducteur» de troupes à la solde d'un État, république, royaume ou papauté, qui affermait ses services et ceux de ses hommes pour un temps donné. Il n'était pas payé aux pièces, je veux dire aux services rendus, bataille gagnée, ville prise, mais à l'année ou au mois et selon le nombre de gens et de chevaux, de machines et d'armes qu'il entretenait.
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Il y a une mode pour les thèses historiques, comme pour les chapeaux, et elle obéit à peu près è la même loi, qui est c'est de l'alternance et de l'exagération.
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Ce n'est pas au niveau moyen que prétend se tenir l'art de M. Burne-Jones. M. Edward Burne-Jones est essentiellement un- lettré. Il venait de terminer ses études à Oxford en même temps que M. William Morris et M. Spencer Stanhope, quand D. G. Rossetti leur mit à chacun le pinceau en main et, avec le concours de MM. Valentin Prinsep et Arthur Hughes, — qui étaient, eux, élèves de la Royal Academy, — leur fit peindre la curieuse fresque de Oxford-Union dont il ne reste plus que l'ombre. Tous ces jeunes gens ont depuis fourni une belle carrière; l'un d'eux cependant, M. William Morris, le poète romantique du Paradis terrestre et de la Défense de Guenevere, a porté plus spécialement son effort d'artiste dans la direction des arts décoratifs.
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Comme Madox Brown arrivait à Londres, on s'occupait encore de ce grand concours commencé, en 1843, pour la décoration du nouveau palais de Westminster et qui n'avait pas produit moins de cent quarante cartons signés des meilleurs artistes du temps. Ce tournoi esthétique est une date dans l'histoire des arts en Angleterre, parce qu'il fit surgir de la foule des chefs encore inconnus. Un jeune artiste formé sans maître, Watts, venait de s'y révéler.
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Il y a un demi-siècle qu'un jeune artiste, alors sans notoriété et mort aujourd'hui sans gloire, rentrait en Angleterre après avoir travaillé à An vers, à Rome et à Paris. Dans ses bagages, il y avait des dessins, des projets de fresques et de tableaux d'histoire faits à Paris, mais en opposition avec toutes les idées françaises. Peu de temps auparavant, il avait envoyé à une exposition une grande composition sur Guillaume le Conquérant. Ce jeune homme, que berçaient peut-être alors les plus beaux rêves d'ambition, ne devait jamais voir luire le jour des grands succès. C'était aune conquête cependant qu'il marchait, comme le héros de son tableau, et ce qu'il apportait à son pays dans ses bagages, c'était la peinture anglaise contemporaine.
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C'est ce qu'ont fait les impressionnistes. Ils ont bien représenté, selon la formule réaliste, les spectacles de la vie moderne, mais en les éclaboussant de tant de couleur, qu'on ne les reconnaît plus. Quand la nature était laide, ils ont tâché de la dissimuler à l'aide de la nature même. Ils ont demandé au soleil d'effacer les lignes disgracieuses, comme autrefois on l'aurait demandé à l'ombre.
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En effet, l'idée qui dominait toute la critique, il y a trente ans, à l'époque du réalisme, était que l'artiste devait « peindre son temps ». Notre temps, disait-on, est aussi digne d'être représenté par l'art que celui des héros et des dieux. Il n'offre pas des spectacles moins intéressants, ni des formes moins belles. D'ailleurs, il n'y a pas de formes belles en soi : il n'y a que des formes plus ou moins révélatrices de la vie, de la civilisation, du caractère, de la pensée.
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Lorsqu'un matin de 1877 éclata, rue Lepeletier, la première grande révolte impressionniste, ce fut, dans le public, un éclat de rire, mêlé de cris d'horreur. On avait vu, çà et là, des tentatives collectives de ces révolutionnaires et Ton en avait déjà discuté, mais ils ne s'étaient pas révélés encore avec cet ensemble, cette audace et cette discipline qui, d'une foule, faisait une armée. Les vieux peintres, eux, ne riaient pas.
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Comment juger d'une architecture nouvelle?
Comment en jugerons-nous? Avec notre goût. Car, pour juger d'une forme nouvelle, nous devons nous garer de deux suggestions : L'une que nous fournit la pure habitude, L'autre que nous inspire le raisonnement pur; la première ayant façonné notre goût, jusqu'à le rendre hostile à toute forme nouvelle, et le second nous faisant défier de cette habitude, jusqu'à l'abdication complète de notre goût. Les deux manières de juger sont fatales, car elles entravent également l'indépendance du seul sentiment qui nous permette d'éprouver la beauté : le sentiment esthétique, alors que la raison ne doit servir qu'à écarter du sujet les entreprises de la raison môme et assurer le libre exercice du goût.
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L'armature fine, délicate, nouvelle de tous ces monuments, l'ingéniosité de ces nids ou de ces treillis de fer, impondérables à l'oeil quand ils étaient nus, insoupçonnables dès qu'ils furent revêtus, armature commune de tous ces organismes si différents, tel fut assurément le plus grand prodige de l'Exposition de 1900.
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Les Anges dans la peinture du XVIIe et du XVIIIe siècle conservent bien leur forme robuste et parfois l'exagèrent, mais comme ils ne se montrent plus en des attitudes normales et coutumières, l'étonnement remplace en nous la foi et le nuage qui les enveloppe, sans les dissimuler à notre vue, nous permet cependant de les considérer comme un phénomène violent et fortuit. Ils passent et repassent froissant leurs plumes aux madriers de la toiture en ruines, se suspendant selon les mille aspérités imprévues des portiques et des corbeaux de pierre, comme des nuées apportées par un vent d'orage et qu'un autre souffle va peut-être emporter.
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