Et pourquoi? Pourquoi le vêtement contemporain est-il si peu sculptural? Pour en trouver les raisons, il suffit de le considérer. D’abord, il est uniforme ; il offre de grands espaces dénués d’ombre et de lumière. Là où le buste de l’homme se creuse, se renfle, se plie et se cambre au gré des muscles grand pectoral, grand dentelé, grand oblique, la redingote n’a qu’un plan. Là où le corps dit : relief, profondeur, polyèdre, ligne ondulée, accent d'ombre, rouages souples de la machine humaine affleurant à la peau, la redingote dit : cylindre. Le tailleur rectifie le buste de l’homme et apprend à la nature comment elle aurait dû construire les jambes : rectilignes. Car autant qu’il est uniforme, le vêtement moderne est artificiel. Non seulement il cache la forme humaine, mais il la contrefait.
Lorsqu'un matin de 1877 éclata, rue Lepeletier, la première grande révolte impressionniste, ce fut, dans le public, un éclat de rire, mêlé de cris d'horreur. On avait vu, çà et là, des tentatives collectives de ces révolutionnaires et Ton en avait déjà discuté, mais ils ne s'étaient pas révélés encore avec cet ensemble, cette audace et cette discipline qui, d'une foule, faisait une armée. Les vieux peintres, eux, ne riaient pas.
S'exalter aux qualités "sensorielles" des formes dans l'air et sur la terre, vivantes ou inanimées : lignes, couleurs, valeurs, souplesse, éclat, équilibre, harmonie; parcourir avec sa sensibilité les innombrables nuances colorées ou tactiles dont l'esprit ne peut se faire une idée et que les arts intellectuels : la parole, la description littéraire, l'analyse philosophique, la poésie ne peuvent rendre ou ne rendent que bien grossièrement au regard des arts plastiques; et ainsi, juger de l'Art plastique pour la qualité d'émotion que, seul, il apporte et que rien autre, ni poésie, ni philosophie, ni histoire ne peuvent nous apporter; l'aimer pour lui et non pour elles, pour l'enthousiasme tout sensible qu'il nous fait éprouver, pour la sensation d'une vie plus ardente et plus complète qu'il éveille, et non pour les souvenirs ou les associations d'idées qu'il nous procure, — telle est la méthode employée ici.
Comment juger d'une architecture nouvelle?
Comment en jugerons-nous? Avec notre goût. Car, pour juger d'une forme nouvelle, nous devons nous garer de deux suggestions : L'une que nous fournit la pure habitude, L'autre que nous inspire le raisonnement pur; la première ayant façonné notre goût, jusqu'à le rendre hostile à toute forme nouvelle, et le second nous faisant défier de cette habitude, jusqu'à l'abdication complète de notre goût. Les deux manières de juger sont fatales, car elles entravent également l'indépendance du seul sentiment qui nous permette d'éprouver la beauté : le sentiment esthétique, alors que la raison ne doit servir qu'à écarter du sujet les entreprises de la raison môme et assurer le libre exercice du goût.
C'est ce qu'ont fait les impressionnistes. Ils ont bien représenté, selon la formule réaliste, les spectacles de la vie moderne, mais en les éclaboussant de tant de couleur, qu'on ne les reconnaît plus. Quand la nature était laide, ils ont tâché de la dissimuler à l'aide de la nature même. Ils ont demandé au soleil d'effacer les lignes disgracieuses, comme autrefois on l'aurait demandé à l'ombre.