Citations de Rose Ausländer (45)
Mai
mon mois
tu répands
ta blanche
floraison neigeuse
sur ma nuque
Elle brûle
Mai
mein Monat
du streust
dein weissen
Blütenschnee
mir in den Nacken
Er brennt
Je marchais
le long d’un mur
ou alors
c’était mon ombre
ou alors le mur
était l’ombre ou alors
la nuit était un mur
qui avançait avec moi
ou alors
un pas de rêve que
nous rêvions ensemble
à hauteur d’ombre
nous tombions
tombions
ensemble
mon rossignol
Ma mère était autrefois un cerf . Ses
yeux brun doré
et sa grâce sont
restés avec elle depuis l'époque des cerfs.
Ici, elle était
mi-ange mi-humaine -
le milieu était mère
Quand je lui ai demandé ce qu'elle aurait aimé devenir
, elle a dit : un rossignol
Maintenant c'est un rossignol
nuit après nuit je l'entends
dans le jardin de mon rêve sans sommeil
Elle chante la Sion des ancêtres
elle chante la vieille Autriche
elle chante les montagnes et les forêts de hêtres de
la Bucovine
berceuses mon rossignol
me chante nuit après nuit dans le jardin de mon rêve sans sommeil
Immaculé
Pas la neige
D’une plus grande blancheur que
Les signes que l’ermite
Inscrit
Sur le tableau de la solitude
Parfaitement immaculé
Le temps
//traduit par Edmond Verroul
LE TEMPS D’UNE RESPIRATION
Extrait 2
Il est temps de
construire le rêve en gris
il s’est agité s’est déjà
posé dans mes
cheveux le temps d’une respiration
Entre-temps le soleil s’est vitrifié et
fendillé je cherche à retrouver sa
forme intacte dans le Hudson mais
dans ses yeux devenus gris les
contours se sont noyés
Du nord vient une
main preste qui chasse
les gouttes vers
l’océan Atlantique
le temps d’une respiration
L’ÎLE DÉRIVE…
L’île dérive
vers ma poitrine
Je caresse
des arbres dorés
*
La harpe
est mon instrument
Je joue
le chant de la vie
Mon souffle
Dans mes rêves les plus profonds
La terre pleure
Du sang
Les étoiles sourient
À mes yeux
Des hommes arrivent
Bardés de questions bariolées
Va voir Socrate
Leur répliquai-je
Le passé
M’a poétiquement composée
J’ai
Hérité de l’avenir
Mon souffle se nomme
Maintenant
/ Traduction d’Edmond Verroul
Dent-de-lion
Astral-délicate sphère
permets-moi
pour l’improbable
durée d‘un instant
avant que le vent
ne te désouffle
laisse-moi
de ton arithmétique
miracle
louanger
/Traduit de l’allemand par Jean-René Lassalle
Néanmoins les roses
en hauteur d’été
lépidoptères
ailes de mouettes
dessus la rivière
Non
je n’oublie pas
les années brûlées au fer
je n’oublie pas
que des bottes
ont piétiné l’arc-en-ciel
qu’elles se sont armées
pour nous transmuer en
roses de feu papillons de feu ailes de feu
néanmoins en hauteur d’été
le parfum
la double ailette dessus le fleuve
l’or sur ma peau
et les roses mortes
suite à la nuit
Tu es toujours là
Jette ta peur
en l'air
Bientôt
ce sera ton heure et
bientôt
le ciel poussera
sous l'herbe
tes rêves ne tomberont
nulle part
Le
clou de girofle sent toujours le parfum,
le muguet chante
toujours , vous pouvez toujours
donner de belles paroles
, vous êtes toujours là
Sois ce que tu es,
donne ce que tu as
Dans la maison du souffle
Des ponts invisibles s'étendent
de vous aux gens et aux choses
de l'air à votre respiration
Parle aux fleurs
comme
tu parles aux gens que tu aimes
Un âge homme-fleur habite dans la
maison du souffle
Il reste encore
Pourtant, merveilleuse
poussière de chair
Cette naissance de lumière
dans les cils
Lèvres
oui
il y a encore
beaucoup à dire
Langue maternelle
Je me suis
transformé en moi
d'instant en instant
brisé en morceaux
sur le chemin des mots
La langue maternelle
me rassemble
Mosaïque humaine
Nobody
Je suis roi de personne
portant mon no man's land
dans ma poche
Avec le plaisir des étrangers je voyage
d'un océan à l'autre
Ton eau bleue
tes yeux noirs
incolores
mon pseudonyme
personne
n'est légitime
personne ne soupçonne
que je suis un roi
et dans ma poche
porte mon pays de sans-abri
LE TEMPS D’UNE RESPIRATION
Extrait 1
Le temps d’une respiration
l’air a changé de couleur
l’herbe et les feuilles en séchant se teintent
au ciel un drapeau de paille pend
Le temps d’une respiration
une forme dans mes nerfs se glace
j’entends la silhouette d’un ange
qui s’estompe
…
INSTANT DE LUMIÈRE
Comment aller
par-delà moi-même
Mon ombre
me fait obstacle
je dois sauter
par-dessus
dans cet instant de lumière
qui me crée
Je mange je bois
et prends l’horloge à témoin
d’un voyage entravé
autour du monde
Mots de pluie
Les mots de pluie
m’inondent
Absorbée par les gouttes
immergée dans les nuages
je pleus
vers la béante
bouche écarlate
du pavot
Sibérien
Testé la force dans les courbes
le vent possède
des muscles durs
Derrière le souffle
étincelles effleurant Laponie
Corneilles
neige au bec
ombres
de lapis-lazuli
Emmitouflée en ours
mais les abeilles
envolées
trace de miel dans la ruche
sous givre
Au village crayeux
dépassant l’étang gelé
le traîneau postal apporte
une odeur de loup
de Sibérie
Israël*
Retour
vers le futur
Mon pays Ton pays
Ici
la pierre s'appelle
cèdre et citron
Inoubliable
les frères d'acier ont
oublié leur sommeil
Ne
viens pas
aux épineux ici au pays du lait et du miel
Sur un sol rebelle,
les Gardiens
plantent de manière fiable un
rêve constant
Reviens
aux
épines vertes
Le fils de Moïse bat le jus
de la pierre
In memoriam, Paul Celan
"Ma mère blonde
n'est pas rentrée à la maison"
Paul Celan
La mère n'est pas rentrée à la maison
n'a jamais abandonné la
mort
nourri par le fils
au lait noir
qui l'a maintenu en vie
qui s'est noyé
dans le sang d'encre
Le non-mot
dans l'espace vide
brille entre les lignes étouffées