Samuel Grzybowski

Nous avons besoin de facteurs d'unité comme nos valeurs fondamentales, nos droits de l'Homme, notre histoire nationale même si nos ancêtres n'étaient pas tous là depuis 1600 ans, notre territoire situé au carrefour de l'Europe, nos terroirs, nos traditions culinaires, notre drapeau qui en trois couleurs symbolise ce qui nous unit - la démocratie encadrant l'unité -, notre langue riche et précise, notre accueil du tourisme mondial en tant que premier pays visité au monde, notre devise qui nous invite à la fraternité, c'est-à-dire à nous envisager comme frères, notre famille en somme.
Mais nous avons aussi besoin d'éléments de diversité qui, grâce à cette forte unité, pourront s' exprimer et s'épanouir. Nous avons besoin des traditions culinaires des familles dont la France a scellé l'adoption, nous avons besoin de nos accents de locaux qui nous rappellent qu' une même langue peut avoir plusieurs musiques, nous avons besoin de nos couleurs de peau qui nous redisent que la couleur n'est pas un choix, nous avons besoin d'accrocher à côté du drapeau français le drapeau européen qui fait honneur à la diversité de nos peuples voisin, mais aussi les drapeaux de nos origines familiales car l'histoire de la France est une histoire d'immigration, nous avons besoin toutes les convictions, religieuses ou non, qui, bien que contradictoires sur un plan théologique, suscitent pourtant les mêmes élans d'engagement et de service. Pour ce faire, la France promeut la notion de laïcité, terme dont le contenu est aujourd'hui loin de faire consensus.

J'ai compris que la seule chose qui compte c'est ce qui est simple, concret et vrai [...] les initiatives concrètes apportent quelque chose à la société même s'il s'agit d'une bien modeste contribution. il faut tirer un trait sur l'océan et se concentrer sur les gouttes d'eau.

La laïcité doit être un facteur de rassemblement et non d'exclusion. Retrouvons l'esprit de la loi de 1905,(...) Elle est une loi républicaine garantissant la liberté de confession, l'égalité devant l'Etat de toutes les communautés religieuses, et la fraternité effective des uns et des autres, quelles que soient leurs croyances. L'intuition d'Aristide Briand, c'est l'unité nationale, au-dessus de tout si ce n'est I'indivisibilité de la République. La spiritualité d'Aristide Briand, c'est la fraternité, la conclusion de la devise républicaine. Petite dernière de la devise, et souvent absente du débat politique, la fraternité apporte quelque chose d'extraordinaire au Socle de valeurs qui peut servir de base à une France plurielle. La fraternité est d'ailleurs une valeur commune entre la République, les traditions religieuses, les traditions révolutionnaires et les traditions maçonniques. Elle peut servir de pont et elle transcende les clivages. Pour les uns, elle est possible par la filiation à Dieu ; pour les autres, elle est inhérente à la nature humaine. D'autres encore estiment qu'elle résulte d'un projet politique commun : vivre ensemble en France. La fraternité n'est pas la variable d'ajustement des principes laïcs. Elle est intrinsèque à la laïcité par la volonté de garantir la liberté de conscience, mais aussi celle de protéger les groupes de convictions même s'ils sont minoritaires, non pas en tant que communautés mais comme un ensemble d'individus libres parce que citoyens.

Nous avons le choix de détruire l'humanité et son environnement. Le libre- arbitre de l'homme est ce qui a permis les plus grands massacres de l'histoire. La capacité de choisir le pire comme le meilleur : c'est là toute la tragique puissance de l'être humain. Et c'est peut-être d'ailleurs l'un des plus beaux mystères anthropolo-giques. Le libre-arbitre de l'homme est d'autant plus fascinant qu'il lui laisse le choix entre la guerre de tous contre tous et la construction de liens fraternels par le « faire-ensemble ». Le choix de la fraternité ne dissout pas les identités, mais les augmente, les élargit. L'autre nous altère, c'est-à-dire - et c'est un paradoxe - qu'il nous blesse et nous enrichit en même temps, nous rend «manquants », « en quête ». ll nous reconnaît à la fois comme irremplaçable, singulier et incomplet. Alors finalement, pourquoi vivre ensemble ? Parce que nous avons le choix.

L'Autre est toujours un autre que celui que l'on croit. Au début quand on prend l'avion, l'Autre, c'est eux. Ce sont tous ces gens, ces milliers d'inconnus qui nous attendent, parfois sans le savoir, dans la cinquantaine de pays où le programme doit nous mener. Puis, dès le décollage, l'Autre, c'est vous. Ceux qui restent, je veux dire (...) Ce sont ceux qui restent en bas, que l'on observe par le hublot (...) Au moment de l'atterrissage, quand on fait ma queue pour obtenir son visa, l'Autre, c'est nous. Nous, les étrangers qui endossons le statut de touristes ou d'immigrés (...) Tout au long du parcours, comme ça, l'Autre n'est jamais le même. Toi, moi, nous, eux, vous... On ne sait jamais trop qui est qui et, pourtant, il faut se redire qui l'on est.

Exister ensemble ou vivre ensemble ? Quel est le plus constructif ? Difficile à dire. On peut dire que la coexistence est au vivre-ensemble ce que la tolérance est au respect. Une situation insuffisante mais nécessaire.
L'intérêt réside dans le fait de choisir l'existence commune comme prérequis, mais bien évidemment d'y ajouter la notion d'action. Ainsi la coexistence est-elle insérée dans une dynamique qui la relie au vivant, à l'actif. Dans ce cas, si la coexistence pacifique est déterminée par la contrainte et la menace, la coexistence active découle de la volonté et de la liberté.

J'ai voulu consacrer ma première décennie d'engagement à la paix. Pourquoi ne pas consacrer les dix prochaines à la justice ?

Quand nous ressentons une intuition négative à l'égard des autres, prenons le temps d'aller chercher l'informa tion à la source. Cessons de prêter de mauvaises intentions à quelqu'un sous prétexte quil est musulman, juif, chrétien ou athée. La bienveillance dans le regard est en premier lieu libératrice pour celui qui regarde. Avec un regard positif, on chasse la peur et l'angoisse qui interprètent toutes les situations à notre détriment. Le sentiment d'insécurité culturelle en particulier nait souvent d'un regard négatif sur tout ce qui est étranger ou nouveau. Beaucoup de peurs et de phobies se dissipent par une transformation du regard. Un proverbe tibétain raconte : "Un jour, en marchant dans la montagne, au loin très loin j'aperçus une bête. En m'approchant, je me suis rendu compte que c'était un homme. En arrivant tout près de lui, j'ai vu que c'était mon frère. "

C'est la pluralité qui permet la rencontre. Quand cette pluralité est élevée, les obstacles sont certes plus nombreux, mais les perspectives plus riches.