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Citation de Bolinas


J'appartiens à un pays que j'ai quitté.
Tu ne peux empêcher qu'à cette heure, si épanouisse au soleil, toute une chevelure embaumée de forêts. Rien ne peut empêcher, qu'à cette heure, l'herbe profonde y noie le pied des arbres d'un vert délicieux et apaisant, dont mon âme a soif.

Viens, toi qui l'ignore, viens que je te dise tout bas, le parfum des bois de mon pays égale la fraise et la rose! Tu jugerais, quand les taillis de ronces y sont en fleurs, qu'un fruit mûrit on ne sait où, -là-bas,cic, tout près, - un fruit insaisissable qu'on aspire en ouvrant les narines. Tu jugerais, quand l'automne pénètre et meurtrit les feuillages tombés, qu'une pomme trop mûre vient de choir et tu le cherches et tu le flaires, ici, là-bas, tout près...

Et si tu passais en juin, entre les prairies fauchées, à l'heure où la lune ruisselle sur les meules rondes qui sont les dunes de mon pays, tu sentirais, à leur parfum, s'ouvrir ton coeur, tu fermerais les yeux, avec cette fierté grave dont tu voiles ta volupté, et tu laisserais tomber la tête lourde d'un muet soupir... Et si tu arrivais, un jour d'été, dans mon pays au fond d'un jardin que je connais, un jardin noir de verdure et sans fleurs, si tu regardais bleuir, au lointain, une montagne ronde où les cailloux, les papillons et les chardons se teignent du même azur mauve et poussiéreux, tu m'oublierais et tu t'assoirais là, pour n'en plus bouger jusqu'au terme de ta vie.
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