Sophie parle de son livre "Sans antécédents", premier livre de fiction qu'elle écrit.
Comme cela s’était avéré avec tous les chroniqueurs littéraires prétentieux que je côtoyais, je sentais qu’une fois le sujet des livres entamé, il serait suffisamment
stimulé sans jamais se sentir menacé. Alors, quand il m’a relancé sur Houellebecq, j’ai rebondi avec du David Roth. Il a aimé, alors il a poursuivi avec J. M. Coetzee. Dès qu’il avançait le nom d’un auteur, je pouvais en résumer les meilleurs titres,d’autres plus obscurs et faire le lien avec un autre écrivain.Comme on passe parfois, en suivant un chemin gustatif évolutif, de la syrah au pinot noir. Puis, j’ai bifurqué sur Emmanuel Carrère. Bingo! C’était son auteur préféré malgré son succès commercial. Quand j’ai cité un passage d’une cruelle authenticité – il faut rendre à Carrère ce qui appartient à Carrère –, je crois qu’il a eu un début d’érection. Sans blague,on aurait dit qu’il s’éveillait d’un long sommeil comateux!
De par mon métier, je les connaissais tous. Marianne Williamson, Neale Donald Walsh, Scott Peck. Ils ont une certaine profondeur, mais je n’ai jamais rien appris de nouveau en les lisant, si ce n’est quelques trucs pour faire fondre le cœur d’une femme. Quand le livre Le secret a envahi le marché, n’importe quel idiot pouvait faire un tabac avec sa recette miracle du bonheur. Je me suis donc claqué tous les Joe Vitale, Wayne Dyer, Pierre Morency après la vague déferlante des explications de plus en plus nulles de la fameuse loi de l’attraction.
Quoi que je fasse ou dise, je sentais que Roxanne ne serait jamais rassasiée. C’était une vraie machine à demander.Elle était en plus constamment négative. Alors que je croyais avoir épousé une femme autonome, j’étais face à une fillette dépendante affective, manquant de confiance en elle et capricieuse.
Une famille, c’est ce qu’il y a de plus important dans la vie. Prends-en soin, de Roxanne. Une femme,faut pas négliger ça. Ça prend des petites attentions, pis pas mal d’efforts. Crois-moi, tu parles à quelqu’un qui sait que c’est difficile, de vivre seul.
Je lui donnais tout ce qu’elle me demandait, mais ce n’était pas encore assez. On aurait dit qu’elle préférait m’extorquer de l’amour plutôt que d’attendre que ce dernier se manifeste naturellement.
Certaines femmes timides avaient beau me parler de Dostoïevski, je savais d’instinct que le dernier roman de Marian Keyes les comblerait le soir dans leur lit parsemé de peluches.
Je n’avais pas l’ambition de devenir «quelqu’un», dans le sens où la plupart des gens l’entendent. J’étais déjà là où je voulais être, à l’aise dans le monde que je m’étais créé uniquement pour moi-même. Je pouvais ainsi regarder
n’importe qui dans les yeux sans jamais me sentir inférieur,tout en étant conscient que, en raison de mon statut social, je ne leur apparaîtrais jamais supérieur.
On dit que ce sont les qualités qui plaisent au début qui finissent par détruire un couple.
Plutôt que de me réjouir de vivre avec ma future femme, je sentais que j’allais perdre ma liberté une fois pour toutes. Je ne comprenais pas ce sentiment de panique en moi.
Je sentais mon cœur battre plus fort à chaque pas que je faisais vers elle. J’étais complètement sous l’emprise de cette excitation. Tout devenait possible, même l’amour.