Citations de Su-Kyung Huh (32)
"Dorénavant je vais me livrer à la futilité
aussi longtemps que la futilité pourra me prendre
en charge"
AUBERGE CAMÉLIA
« La neige est venue
Le revenant - pleureur
ma retenue longuement
au téléphone rouge comme un camélia
Le temple
s’éparpillant comme la neige
La montagne
sanglotait comme la neige
La chambre où personne ne pouvait s’endormir
s’en est allée comme la neige » ….
Lilas
Comment faire ,
pour vivre jusqu'au bout
passionnément ce printemps?
Il faudra rire joyeusement , lilas,
Face au vent, à toute cette fausse tendresse
qui a soufflé sur le printemps de ma vie
il faudra finir en riant joyeusement
La vieille photo dans l'album
même si elle est véritablement morte
il faudra en rire, lilas
Il faudra en rire pour de bon
Dans le ciel, des papillons parfumés folâtrent
comme au temps du zéphyr
Lilas, ils se fanent en riant
Mes lilas
« Regarder le feu »
« Regarder le feu
Comme si je regardais une étoile lointaine , une étoile
aveugle
Ce calme , qu’en faire ?
Regarder le feu
Comme si je regardais une volée d’oiseaux entraînés
vers le soleil couchant
Ce cri , qu’en faire ?
Comme une forêt naissante au milieu du feu
Comme les pattes de vieux moutons revenant au bercail
Ces arbres qui retiennent leur souffle blanc , qu’en faire ?
Toi qui brûles entièrement la mémoire de l’eau qui reste
dans ton corps
Moi qui regarde s’effacer la mémoire de cette eau
Que pouvons - nous faire ? » ….
LUMIÈRE SUR L’EAU
« Dans ma tendre enfance
je remplis d’eau
une cuvette de toilette
Je joue
avec la lumière sur l’eau
Elle vibre
Lumière sur l’eau
Lumière du jour
Lumière sur mon visage
S’envole l’ombre
sur l’ombre qui s’envole fond
une autre lumière
Puis une lumière sur l’eau
lumière sur l’eau qui caresse mon visage
Je regarde
par delà la lumière vacillante
qui clapote
mon jeune visage fatigué
devenu déjà lumière sur l’eau
visage où erre la lumière claire inquiète
Lumière sur l’eau
Lumière …. »
UN CONCOMBRE
« OH LÀ LÀ !
Le chemin de l’été n’est pas encore bien ouvert
mais la vrille du concombre de sa main tâte déjà le ciel
Aussitôt une fleur jaune fait son apparition
Le chemin de l’été est à peine ouvert
mais avant la fin du soir les oiseaux sont de retour
au village
rapportant de leur promenade en mer le parfum
du concombre
La fleur de concombre sent la mer
Dans les bavardages des oiseaux , rayons de soleil noyés
par la mer
la fleur se fane et sur le calice une boule de concombre
naît
Le chemin de l’été s’ouvre , et au bord de la fleur jaune
un papillon défait ses dessous en douceur et
s’accroupît
Il se fiche qu’un concombre naisse ou non , enfin
recourbé , comme un amour lointain » …..
LILAS
« Lilas
Comment faire,
pour vivre jusqu’au bout
passionnément ce printemps ?
Il faudra rire joyeusement, lilas
Face au vent, à toute cette fausse tendresse
qui a soufflé sur le printemps de ma vie
il faudra finir en riant joyeusement
La vieille photo dans l’album
même si elle est véritablement morte
il faudra en rire , lilas
il faudra en rire pour de bon
Dans le ciel, des papillons parfumés folâtrent
comme au temps du zéphyr
Lilas , ils se fanent en riant
Mes lilas » ….
PRINTEMPS
« Là où une fleur est née
Là où une fleur a disparu
Lointain
Obscur
S’il vous plaît
Éteignez - moi ça
C’est si lumineux
Je peine à m’endormir » .
« En quelle année buvait- on un verre à l’ombre
Du printemps?
En m’écroulant étais - Je ébouriffée ou non sous ses rayons?
Pourtant je n’ai pas souvenir d’avoir laissé partir
Mon cœur .
Nos cœurs étaient - ils ou non face à face?
Ai- Je pleuré , en enfouissant mon visage
Dans l’ombre du printemps ?
Peut- être ai- Je marché de nouveau en cessant de pleurer ?
Mais je n’ai pas souvenir d’avoir laissé partir mon cœur ... »
Le sourcil de quelqu’un oublié
depuis longtemps .
« Le poirier tremble dans les bras de la brume bleue
Une poire prête à tomber est restée accrochée
à sa branche
La brume se dissipe et le vent se lève
Le parfum de la poire très mûre s’égrène délicatement
Croyant entendre un son de cloche
L’âme du poirier vibre dans un écho lointain
Quelque chose comme le sourcil d’une personne oubliée
depuis longtemps
pénètre mon cœur » …
LILAS
« Comment faire,
pour vivre jusqu’au bout
passionnément ce printemps ?
Il faudra rire joyeusement , lilas
Face au vent , à toute cette fausse tendresse
qui a soufflé sur le printemps de ma vie
Il faudra finir en riant joyeusement. »
UNSOIR, EN REMUANT LA TERRE
« Un soir, en remuant la terre, j’ai vu un papillon
Un soir , en touchant doucement la terre
pour prendre soin d’une jeune pousse de dahlia
j’ai vu le papillon
Tandis que je regardais voler le papillon l’esprit absent
les larmes me vinrent , sereinement
Je ne sais depuis quand
lorsque je voyais un avion avec ses feux de nuit dans le ciel
les larmes me venaient sereinement
comme un droit à la survie sur terre
Peut - être y- a - t- il là une maison âpre comme une gousse
d’ail
car des papillons passent à côté , munis de leurs feux
de nuit
En voyant disparaître le papillon dans les rayons
du couchant
j’ai même pensé
tant mieux , ce n’est pas une libellule
Quelle malchance
s’il avait eu ces ailes qui laissent passer même
un rayon fragile
comme si elles tamisaient des larmes ! » ….
Mères à l’âme qui se dilate
« Des mères d’un jeune âge courent au bord de la mer
Des oiseaux aquatiques soulèvent ces jeunes mères
qui courent
Mères à l’âme qui se dilate » …
Une fleur de parole drôle
« J’aimerais pouvoir aller au plus triste de mon être
pour y cueillir une fleur de parole drôle et la rapporter
Frêle comme cette fleur attendrissante
Je resterais de bout en bout chagrine
J’aimerais vivre et mourir
comme le papillon, qui disparaît en volant » ….
Je danse
le visage appuyé sur l'épaule d'une plaine inconnue
comme si j'avais été enlevée par une étoile mystérieuse
LE PAYS NATAL
« Sur la flaque d’eau du temps s’était posée un instant
une libellule
De la profondeur du cœur du temps était né un cercle
Des gens qui n’avaient pu encore rentrer chez eux ont
regardé debout
le cercle fragile sur la flaque d’eau
Un enfant est né dans le pays natal
Tout le monde connaissait l’enfant
Pourtant personne ne connaissait son visage
Ça sentait les feuilles d’Agastache mentholée
C’était l’odeur du corps d’une ville vieille de mille ans ,
le chant du squelette
la danse du corps et son souffle
C’´était le commencement de toutes les trahisons
commises durant ma vie
la matrice du mensonge et le commencement d’une
lointaine mort que je ne peux encore connaître
Pour le tango monotone de ces mille ans
je désire comme une gloire une petite après - midi pluvieuse.
Ah , dans le pays natal vivrait une femme laide comme
une citrouille qui ferait bouillir la soupe à la manière
du poète Bae Seok » …..
ET LA MER
« Une mer profonde est venue à pied
En l’accueillant , je veux la saisir à pleines mains
Les mains me manquent , je les ai laissées quelque part
Quelque part ailleurs, je les ai laissées chez quelqu’un
Ne pouvant la saisir sans mes mains, je veux pleurer
Les yeux me manquent
Je les ai laissés quelque part
Quelque part ailleurs , je les ai laissés chez quelqu’un
Ne pouvant être prise dans mes bras, la mer hésite puis
s’en retourne
J’ai envie de lui dire « Ne t’en va pas, ne t’en va pas » ..
La langue me manque , quelque part ailleurs
Chez quelqu’un , j’ai laissé tout chez lui.
Je veux avoir les larmes aux yeux , j’aurais voulu briller ,
noire
Pourtant j’ai tout laissé , tout
Chez quelqu’un » ,…..
Les jours où l'on riait ainsi ont persisté Pendant que les étrangers parvenus ici circulaient sur le dos d'un grand oiseau bleu acier, les enfants déambulaient avec des bombes dans leurs poches De l'huile noire jaillissait partout où passait l'âne Des gens disparus depuis belle lurette surgissaient tout visqueux de l'huile noire et demandaient où se trouvaient les maisons démolies depuis si longtemps Au même moment, les fleurs s'ouvraient sur la rive, rouges ou blanches Quand le vent se levait, les fleurs se fanaient Là où les fleurs disparaissaient, naissaient des fruits Ces fruits avaient la forme de la pupille d'une femme qui pleure Lorsqu'on mangeait ces fruits, les élans de chagrin accumulés au fond du coeur disparaissaient d'un coup Pour rire à grands éclats, on allait vers la rive et l'on riait ainsi Les bombes dans les poches des enfants ont explosé et les enfants se sont dispersés dans le vide Pourtant les jours où l'on riait ainsi ont persisté Le fruit semblable à la pupille d'une femme qui pleure nous observait
( "Les jours où l'on riait ainsi ont persisté", p.52 )
Une mer profonde est venue à pied
En l'accueillant, je veux la saisir à pleines mains
Les mains me manquent, je les ai laissées quelque part
Quelque part ailleurs, je les ai laissées chez quelqu'un
Ne pouvant la saisir sans mes mains, je veux pleurer
Les yeux me manquent
Je les ai laissés quelque part
Quelque part ailleurs, je les ai laissés chez quelqu'un
Ne pouvant être prise dans mes bras, la mer hésite puis
s'en retourne
J'ai envie de lui dire : " Ne t'en va pas, ne t'en va pas"
La langue me manque, quelque part ailleurs
Chez quelqu'un, j'ai tout laissé chez lui
Je veux avoir les larmes aux yeux, j'aurais voulu briller,
noire
Pourtant j'ai tout laissé, tout
Chez quelqu'un
( "Et la mer", p.28 )
Un vieil oiseau s’envole
« La guerre a éclaté
Des gens passent la frontière
Des tanks creusent des routes et des avions barrent
les routes
C’est l’automne
Les feuilles claires tombent dans le village où la guerre
a éclaté
Les enfants naissent
et rient en rampant par terre de leurs deux mains et
de leurs deux pieds
Au dessus de la tête des enfants s’envole un vieil oiseau
aux pattes invisibles
D’où vient - il ce vieil oiseau,
vient - il du ventre d’un prêtre qui aurait allumé une
bougie gigantesque ?
La guerre éclate et des gens rentrent à l’intérieur
des terres froides en se coupant la tête
il s’envole , le vieil oiseau » ….