Tard dans la nuit, l’alarme s’est déclenchée.
Il ne pleuvait pas, mais le vent soufflait, depuis la campagne environnante, de la poussière contaminée dont la limite maximale avait été dépassée. Le son continu et presque corporel de l’alarme n’a pas duré longtemps avant que les portes ne s’ouvrent et que les hôtes, des manteaux par-dessus leurs pyjamas ou à moitié habillés, chaussures à la main, ne se bousculent les uns les autres pour descendre les escaliers.
C’est davantage le son angoissant de l’alarme que l’alerte elle-même qui crée les premières vagues de panique.
Nous nous étions attendus à trouver un monde complètement anéanti. C’était ce contre quoi nous nous étions assurés en nous inscrivant à Termush.
Personne n’avait pensé à se prémunir contre les survivants et leurs exigences à notre égard. Nous avions payé pour continuer à vivre comme si nous avions payé une assurance maladie, nous avions acheté la marchandise appelée « survie » et, selon tous les contrats existants, personne n’avait le droit de nous la reprendre ou de nous la réclamer.
Et voilà que des étrangers arrivaient et s’attendaient à partager notre protection.
Lorsque je me suis inscrit à l’institution il y a quelques années, pour « une garantie d’aide », c’était en raison de l’isolement de l’hôtel, du stockage souterrain des aliments, de l’accès à des sources d’eau sûres, et à des abris, et de l’assurance d’avoir un service de sécurité et des éclaireurs.
[...] Ce qui comptait au moment de l’inscription, c’était l’accès à une chambre protégée, à un hôtel doté d’un personnel formé, à des médecins et à un yacht à moteur prêt à éloigner les hôtes de la terre si celle-ci devenait inhabitable pendant une période prolongée.
Nous parlons avec compassion des malades. Mais leur maladie nous a remplis d’une excitation particulière. C’est comme si nous, qui n’avons pas été envoyés dans les abris, avions été diagnostiqués : en bonne santé, aptes à survivre, non infectés. Nous en avions réchappé, nous ne nous étions jamais sentis aussi remplis de vitalité depuis la catastrophe. Quelque part dans les abris au-dessous de nous réside la partie malade du membre amputé qui garantit la bonne santé du reste de l’organisme.
Nous avons été installés dans les abris, chacun dans notre section et à notre place. Nous nous sommes enfoncés dans notre passivité habituelle, sans aucun signe de réaction ou d’émotion.
Mais j’ai dû me demander si cette fois l’alarme avait été réellement nécessaire, ou si elle avait été décidée par la direction comme une thérapie pour faire baisser la tension.
Dès le début de soirée, le signal de fin d’alerte a été donné.
Quatre personnes ont été retrouvées mortes sur l’escalier principal de l’hôtel.
Apparemment, les hôtes n’étaient pas censés en être informés, mais l’un des agents de sécurité a vendu la mèche. Il a raconté qu’il était présent lorsque les cadavres ont été emportés et enterrés. Quand ils ont soulevé le dernier corps, les cheveux sont tombés sur les marches, comme s’il s’agissait d’une perruque. C’était une jeune femme, son visage était boursouflé et son corps recouvert de petites plaies purulentes. Les trois autres étaient des hommes, ils n’étaient pas blessés, mais l’un d’eux avait les mêmes petites plaies sur la poitrine que la femme.
Ils avaient sûrement cru pouvoir trouver de l’aide à l’hôtel et s’étaient allongés dans l’escalier, personne n’ayant réagi à leurs coups sur la porte. Ils venaient sans doute de l’un des villages voisins, situés à une dizaine de kilomètres à l’intérieur des terres. Ils étaient tous morts des suites du syndrome d’irradiation aiguë