Citations de Tara Lain (21)
— Alors avec qui est-ce que tu sors ? demanda-t-elle en poussant sa chance. Vas-tu bientôt nous présenter une nouvelle jeune femme ?
— Maman, dit-il en posant lentement sa fourchette. Je ne veux pas te manquer de respect, mais je suis un homme adulte et ça depuis un bon moment déjà. Je vis ma vie et je ne ressens aucun besoin de m’expliquer ou de me justifier vis-à-vis des autres. Si ça te pose un problème, excuse-moi, mais, dans ce cas, arrête de m’inviter à l’avenir.
Il repoussa la chaise, se leva et sortit de la maison. Il pouvait presque sentir l’onde de choc qui émanait de la salle à manger.
Une fois dans son camion, il regarda ses mains qui tremblaient comme s’il était atteint de cette maladie dont Teresa parlait. Il n’avait même pas dit à sa mère qu’il était gay.
Il vint récupérer les assiettes de leur entrée en essayant de ne pas laisser transparaitre son envie irrépressible d’en finir avec cette insupportable soirée. Il retourna chercher la soupe en cuisine en remerciant le ciel pour la longueur de sa veste qui dissimulait l’érection évidente qui commençait à tendre son pantalon. Comment était-il censé survivre à la soirée dans cet état ? Il fallait qu’il reste calme.
Il n’avait dû parler du baiser à personne. Le baiser… L’esprit de Mark s’égara dans ce souvenir. La bouche d’Ash contre la sienne, la chaleur de sa langue. Il avait un goût de citron, légèrement sucré. Il avait le goût du péché. Et Mark avait nettement senti son intérêt, rigide contre sa cuisse. Ce n’était sans doute rien de plus que l’adrénaline, mais il n’était pas prêt d’oublier ce détail.
— Non. J’avais quatorze ans quand j’ai compris que j’étais gay. Je l’ai tout de suite dit à ma famille. Ma mère m’a accepté sans poser de question, mais le reste de la famille a très mal réagi. Elle est morte peu de temps après et ils m’ont mis à la porte.
— Mon Dieu… Quel âge avais-tu ?
— Je venais tout juste d’avoir seize ans.
— Et depuis l’âge de seize ans, tu te débrouilles complètement seul ?
— Oui.
— Je voudrais lancer une agence d’adoption internationale pour les enfants de la communauté gay, commença-t-il timidement, ses yeux bleus brillant de sincérité. Ce serait un moyen de sauver des enfants qui vivent dans des pays où l’homosexualité est illégale. Je sais que ça ne sera pas simple, que je vais rencontrer des obstacles politiques et religieux, et que je vais devoir graisser la patte de plus d’un dirigeant véreux pour sauver ces enfants, mais ça en vaudrait la peine.
Il était gay, impossible de le nier. Et devoir cacher ce secret avait teinté toutes ces relations avec ses proches d’une amertume qui rongeait petit à petit son âme. Chaque fois que ses parents lui disaient l’aimer ou être fiers de lui, il se prenait à penser qu’ils changeraient d’avis s’ils connaissaient la vérité. Seule Ronnie savait vraiment qui il était. Elle et… Mark. Ash soupira en pensant au jeune homme. Il était entré dans sa vie comme un tourbillon, avec son bonnet et ses lunettes, et depuis Ash remettait toutes ces décisions en question. Il savait qu’il pourrait très vite tomber amoureux de lui.
— Il peut être le Premier ministre, j’en ai rien à carrer !
Pourquoi l’avoir ramené ici ?
Gareth sourit d’une façon que David décrivait comme « béate ».
— Parce qu’il est mon ami.
— Ton ami ? C’est un putain de pédé !
Un instant passa.
Une pause. Le monde retint son souffle. Ou peut-être était-ce seulement David.
Gareth souriait encore.
— Oui, Edge. Comme moi.
Sur les visages, toutes les bouches s’ouvrirent, si bien qu’on aurait dit un banc de poissons. Eh bah, bon sang, comme qui dirait, la messe était dite.
Il avait été choqué d’entendre Gareth mettre fin à toute une vie d’adulte passée à se cacher, en une seconde de révélation. David se souvenait encore de ses sentiments mitigés, entre panique et soulagement, à sa première annonce, mais il avait alors treize ans, pas vingt-deux. Edge s’était figé tel un glaçon devant l’aveu de Gareth. Comme la plupart de leurs co-équipiers. Ensuite, plusieurs âmes courageuses avaient rompu les rangs pour venir lui serrer la main en le félicitant de son courage. D’autres s’étaient éloignés, comme craignant d’attraper la peste. Edge avait semblé abasourdi, puis dévasté par la nouvelle. Tenant son ventre d’une main, il s’était enfui de la tente, pris de nausée. Voilà qui ne mettait pas en confiance.
— J’ai cette image d’un gros mâle alpha caché dans sa salle de bains avec un gode rose dans le cul…
— Presque aussi triste que ça.
Gareth éclata de rire, mais David y percevait une souffrance. Sans doute ne partirait-elle jamais.
— Mais… Mais tu ne me connais pas !
— Si, je te connais. Tu le sais. Comme toi, tu me connais. Tu connais mon passé, mon futur. Tu me vois comme seule ma mère a pu me voir. Peut-être que ça ne fonctionnera pas, David, mais j’adorerais essayer. Si ça ne marche pas, oui, on aura le cœur brisé, mais n’est-ce pas mieux que de ne jamais savoir si ça aurait pu être merveilleux ? Je vais un peu vite, je sais, mais il me reste peu de temps avant mon retour en Australie. Ensuite, je reviendrai pour la fac, en automne. Je ne peux pas partir sans savoir. Impossible.
Un seul mot pulsait dans ses veines comme son propre sang.
— Oui.
Gareth souriait tant que ses joues semblaient prêtes à éclater.
— Oui ?
— Oui.
Et ainsi, la folie avait pris corps en la personne de David Underwood.
David croisa les doigts sous le menton.
— Tu réalises, j’espère, que très peu d’hétéros iraient jusqu’à… se frotter à moi pour satisfaire leur curiosité !
Le grognement se fit entendre à nouveau.
— Tu avais dit « embrassé », précisa Gareth en les regardant l’un après l’autre.
— Oui, ben, M. Beau Gosse, là, avait tellement la trique qu’on tenait à peine à trois dans la boutique, expliqua David en dégustant sa soupe.
— Plutôt à quatre, oui, grommela Edge. Dans ton pantalon aussi, c’était plutôt dur, vieux.
— Je commence à croire que le pelotage a été mutuel, ajouta Gareth, qui paraissait troublé, mais aucunement horrifié. Tu l’as déjà fait avec un autre homme, Edge ?
— Jamais de la vie !
David prit une gorgée de thé et étudia le rebord de son verre.
David croisa les doigts sous le menton.
— Tu réalises, j’espère, que très peu d’hétéros iraient jusqu’à… se frotter à moi pour satisfaire leur curiosité !
Le grognement se fit entendre à nouveau.
— Tu avais dit « embrassé », précisa Gareth en les regardant l’un après l’autre.
— Oui, ben, M. Beau Gosse, là, avait tellement la trique qu’on tenait à peine à trois dans la boutique, expliqua David en dégustant sa soupe.
— Plutôt à quatre, oui, grommela Edge. Dans ton pantalon aussi, c’était plutôt dur, vieux.
— Je commence à croire que le pelotage a été mutuel, ajouta Gareth, qui paraissait troublé, mais aucunement horrifié. Tu l’as déjà fait avec un autre homme, Edge ?
— Jamais de la vie !
David prit une gorgée de thé et étudia le rebord de son verre.
— Dans ce cas, aimes-tu aussi les femmes ?
— Aussi ? — Tu aimes coucher avec les femmes ?
— J’ai couché avec beaucoup de femmes.
— Là n’est pas la question.
— Il fallait toujours que je me soûle un peu avant et quand je n’arrivais pas à, tu sais, bander, je rejetais la faute sur l’alcool.
Réponse : il se voilait énormément la face.
— Tu te rendais donc compte de ton attirance envers les hommes ? continua David.
— Je croyais que c’était juste Gareth, avoua-t-il, parce qu’il est magnifique…
— Tu n’as donc jamais été avec un autre homme ?
— Enchanté, bredouilla-t-il, réussissant même à lui serrer la main.
Et quelle main, grande et chaude. Rêche et calleuse, sans doute à force de manipuler les tuyaux d’incendie. Et justement, Rod en avait un prêt à l’emploi qui, s’il ne faisait rien, risquait de s’épancher dans son pantalon.
Ils s’assirent et Hunter prit place en face de lui, repoussant les limites de sa sensibilité artistique. Sa beauté m’aveugle. Maintenant qu’il avait des renforts, Jerry ne semblait plus accablé.
— Alors, vous faites quoi dans la vie, Bill ? Les yeux toujours écarquillés, Bill fixa Jerry.
— Euh, j’enseigne. Je suis professeur, en fait. À L’université de Californie d’Irvine.
— Ouah, génial ! Rod choisit toujours les plus brillants.
Évidemment, Rod adorait être gay. C’était sa nature. Elle ne le définissait pas, du moins pas totalement en tant qu’individu, mais occupait une place importante dans sa vie. Néanmoins, qui d’entre eux ignorait que la vie d’un homosexuel, aussi unique et spéciale qu’elle puisse être, présentait ses défis ? Certains terriblement blessants. Alors les mots sortirent d’eux-mêmes :
— Est-ce difficile d’être gay et pompier ?
Hunter baissa ses yeux clairs.
— Oui. Très difficile, avoua-t-il, en levant les yeux et affichant un sourire. En fait, j’ai attendu longtemps avant de faire mon coming out, car même à Laguna, les homophobes ne manquent pas. J’essaye de ne pas trop m’afficher devant eux. Mais il y a un gars…
— D’accord, mais si tu veux qu’on reste amis, j’ai une condition.
Bill fronça les sourcils.
— Laquelle ?
— N’emploie plus jamais des termes comme « mignon » ou « adorable », etc. pour me décrire. Plus jamais.
— Pourquoi ? Tu es…
— Je suis un artiste, Bill. « Mignon » et « adorable », c’est pour les amateurs.
Bill réfléchit.
— Je comprends. Vraiment, je comprends. Et je voudrais qu’on soit amis, dit-il en tendant une main que Rod serra.
— Dis donc, chéri, je n’ai jamais dit qu’on devait se transformer en agents de change, s’offusqua Rod, le prenant dans une grande embrassade.
Ils se rassirent tous les deux en riant. Bill but une nouvelle gorgée.
— Et si un jour tu veux qu’on devienne des sex-friends, tu sais où me joindre.
— Je n’y manquerai pas.
Nous avons officiellement le droit et l’occasion de faire l’amour quand on veut, et ce, jusqu’à la fin de nos jours.
Il faut qu’on garde cette idée de multitude de couleurs en harmonie. C’est la diversité, la diversité ethnique, la diversité des genres. Je veux que cette pub soit l’emblème de la nouvelle génération.
Il n’était parti que quelques heures, et pourtant il avait l’impression qu’il venait de faire un terrible bond dans le passé. Combien de fois était-il rentré de l’école et avait trouvé sa mère avec une bande d’inconnus, en train de se droguer, de jouer de la musique ou de lire de la mauvaise poésie, pendant que son petit frère et sa petite sœur jouaient par terre sans surveillance, au milieu des mégots de cigarettes et des cadavres de bouteilles.
C’était stupide, et il savait déjà qu’il allait le regretter. Il ne pouvait pas se permettre de placer toute sa confiance entre les mains d’un artiste inconstant. Il ne savait que trop bien ce qui en découlerait. Autant compter sur une luciole pour éclairer New York.