Thierry Balloy

Ce psychopathe commet toujours d’affreuses conneries quand il se sent contrarié. Passionné d’armes blanches, ce gars se fait appeler dans le milieu « l’homme aux couteaux », c’est assez banal, a contrario du monstre qu’il est, un faux prophète auto-proclamé. Peu de gens le connaissent en réalité, les quelques voyous qui roulent pour lui baissent les yeux quand ils le croisent, par crainte de mauvais sort, sauf ces deux-là, ses fidèles acolytes de toujours. Chose rare ici, il n’a jamais été inscrit à l’état civil. Il n’est personne, sauf un marginal qui hante les recoins de nos campagnes et cités, caché nul ne sait où, un mafieux des ténèbres.

Sa main tremble devant son désir inassouvi, et il plante la lame à plusieurs reprises pour se punir comme s’il devait atteindre le point de paroxysme, l’orgasme désiré de son délire. Se venger. L’hémoglobine dégobille, le schizophrène de la nuit saigne avec abondance, la débauche le satisfait, amusé et siphonné, aliéné.

Le monde est un piège fermé, sans air, où mal et bien se disputent sa destruction ou sa survie, depuis la nuit des temps.

La mort plane comme une menace, nos morts restent en nous, écœurés de la folie des êtres humains vivants, ceux qui jouent des coudes, trompent leurs semblables et marchent comme une armée, contre une autre armée, obstinés à se détruire les uns les autres, avec un chef de file à son éminente droite qui la téléguide. Ici, on n’ose évoquer son nom, il dérange et fait baisser la garde.

Telle la foudre, le malheur peut frapper partout, sans prévenir, impossible à contenir. Jusque dans nos campagnes et en nos institutions les plus respectueuses, le mal sévit de l’intérieur, avec une rage déboussolant tout de nos êtres. Il n’a pas de limites, ni de lois, ni de logique comptable que celle de nous rayer un à un de la surface du globe, après nous avoir fait souffrir de multiples épreuves plus funestes les unes des autres. Arrive cette heure glaçante de tous les dangers qui lacèrent nos plus épais retranchements, nous laissant à la peine échafauder les pires scénarios. L’horreur. Depuis ceux liés aux commerces de gosses, à la pédophilie qu’on redoute et débecte, le sexe luxurieux ou encore la mutilation, le trafic d’organes. Inimaginable est de subir la perte de ce petit corps, ce petit être si jeune et impuissant, l’agonie qui s’accapare l’univers, l’imaginer cantonné dans une geôle insalubre et pisseuse ou bien déjà mort, sacrifié.

La quiétude ne saurait durer. On le sait, on le sent, cette impression d’angoisse orageuse qui se malaxe et rumine au plus profond de notre purgatoire, désireuse de remonter à la surface terrestre, à l’air libre, s’extraire de nos bouches. Pour preuve, un vent de panique va tout renverser. L’innommable calamité va frapper. Des cheveux voleront dans une ambiance tourmentée, froide, sans s’annoncer.

Ce n’est pas son heure, elle vivra. Découverte presque morte par un paysan, plus de deux heures plus tard, elle est secourue et transportée à Avignon, où elle sombre dans un coma profond. Elle ne se réveillera pas de sitôt. Dieu a décidé de la garder en vie. Et en ce qui concerne le diable ? Il vient de perdre une bataille, mais pour sûr, il sera de retour, avec ou sans orgues, pour tout prendre.

Le serpent te vaincra, tu seras fait comme un rat, comme les autres. À quoi me fais-tu penser ? À pire qu’un résidu de sperme et de merde mélangés dans la même feuille de vigne répugnante qui dissimule l’humanité !

Il se noie de chagrin dans cette contemplation et se met à pleurer tel un enfant, un diable aux gènes maudits, devenu un ange vulnérable et innocent posté au carrefour d’un redoutable traquenard.

Le contrat qu’il doit honorer est inhumain. Repenti, en guerre contre lui-même, l’homme plus âgé s’enfonce dans une colère indescriptible, à la perspective de redevenir ce qu’il déteste le plus au monde, un caïd immonde et cruel. Un bandit. Avec la question centrale de savoir s’il peut se rendre complice d’un enlèvement de môme, s’accuser malgré lui, bien que convaincu que toute cette histoire est une vaste mascarade, une folie sortie d’un cerveau dérangé.

Catherine Constant, assistante maternelle à domicile, et son mari, Luc, agent immobilier, vont se réveiller. Ils n’ont pas connu le bonheur d’avoir l’enfant qu’ils désiraient. Cathy, jeune femme dynamique, consacre sa vie à ses engagements associatifs et aux joies que lui procurent les trois anges dont elle s’occupe avec passion. Parmi eux, Pablo Ruiz, un bébé de huit mois.

Que fait cet homme ici ? Comment en est-il arrivé là ? Se retrouver dans la peau d'un barjot au précipice de sa déprime, au point de rompre avec la chose la plus précieuse au monde : la vie. La gueule de travers et les mains en sang.