La danse du mandala nous révèle que le sujet est porteur d'un monde collectif ordonné selon des principes très précis, autrement dit, il comporte une dimension politique, non pas de manière métaphysique, mais psychologique et physique.
Ainsi est-il permis d'affirmer que la causalité n'est pas la seule loi selon laquelle les phénomènes s’articulent. L'univers forme un tout indissociable. C'est cette totalité, reposant sur une relativité de l'espace et du temps, qui va conduire Pauli et Jung à développer conjointement le concept de synchronicité.
L'expérience du mandala se présente ainsi comme une espèce de réminiscence : les deux plans, central et primaire, peuvent être considérés comme les étapes d'un cheminement au cours duquel le moi non-moi est devenu le moi. Cette expérience corporelle nous place, en quelque sorte, à l'origine des phénomènes, à cet instant de l'apparition de la subjectivité et du monde.
Lors de nos ateliers sur la danse du mandala, nous avons pu effectivement observer une structure géométrique, caractéristique des mandalas, apparaître spontanément – à l’insu des sujets impliqués qui, en état de transe, n’avaient aucune conscience de l’architecture du mandala que leurs déplacements rendaient manifeste. Comme nous l’avons dit, cette structure consiste, tout d’abord, en une limitation de l’espace par l’apparition de frontières et de chemins nécessaires : les individus impliqués ont l’impression de buter contre des parois invisibles, mais bien tangibles, se révélant à travers le « contact » de la main ou du pied, et impossibles à franchir ; et d’être entraînés selon des chemins qu’ils se sentent contraints d’emprunter. Il y a là une rupture de l’isotropie de l’espace naturel. Or, ces frontières ne valent pas uniquement pour chaque individu pris isolément, mais aussi pour l’ensemble du groupe, de sorte que le groupe s’ordonne spontanément selon des formes géométriques complexes et en deçà de leurs perceptions sensibles – sans aucune consigne et alors même que les individus ne se regardent pas. Elles semblent ainsi manifester une forme d’instinct (archétype) et un lien ontologique permettant l’ordonnancement spontané du collectif. (pp. 134-135)
En science physique, le monde quantique représente un autre niveau de Réalité en plus de celle de la macrophysique, chacun de ces niveaux possédant ses propres lois. « Deux niveaux de Réalité sont différents si, en passant de l’un à l’autre, il y a rupture des lois et rupture des concepts fondamentaux (comme, par exemple, la causalité). »
En psychologie, Carl Gustav Jung, en découvrant sous les couches personnelles de l’inconscient une strate collective – indépendante de l’histoire de l’individu – peuplée d’instances autonomes, dévoile une structure hiérarchisée en niveaux de Réalité et qui redonne une place à l’âme. Dès les années 1930, il publie un recueil « La réalité de l’âme – Manifestations de l’inconscient » dans lequel il définit l’âme comme « lieu propre de l’homme, bordé d’une part par l’être intelligible, et de l’autre par l’existence du monde sensible. » Sous l’influence de Wolfgang Pauli, sa conception va évoluer pour faire des couches profondes de l’inconscient, non plus des couches psychiques, mais des couches neutres – c’est-à-dire se situant au-delà de la distinction physique/psychique. (pp. 103-104)
L'expérience de l'inconscient que fait Pauli se déroule en deux étapes. Tout d'abord, d'une étape proprement personnelle et psychologique, et ensuite, lorsque celle-ci est achevée, d'une seconde impersonnelle à « caractère physique » : « Peu après que je me suis marié en 1934 et que j'ai eu fini ma thérapie analytique, cette symbolique physique des rêves a commencé. » [...] « Je fis alors entre autres le rêve suivant qui m'a occupé pendant des années : […] le rêve me montrait la mécanique quantique, et par là même la physique officielle, comme un morceau unidimensionnel d'un monde bidimensionnel plus sensé dont la deuxième dimension était sans doute l'inconscient et les archétypes. »
TAKUAN écrit qu'« entre le moment où mon adversaire me frappe de son sabre et où j'agis », l'on ne peut pas introduire même un cheveu. Il pose simplement les deux événements, les deux propositions, et précise que de l'un à l'autre, il n'est pas d'intervalle possible. A aucun moment, il n'est question de réaction, de réponse ou de succession temporelle. Il faut au contraire, selon lui, non pas être plus rapide que son adversaire, mais bel et bien supprimer ce temps de réponse, qui correspond à l'agir d'une personne ayant son esprit fixé sur les choses, – ici, le sabre – pour atteindre à une simultanéité parfaite.
« Il n’y a qu’une seule âme et chaque âme est totale. » Plotin, Ennéade
Toute vraie éducation repose [...] sur une autorité respectueuse et bienveillante, destinée à élever l'autre et non à le rabaisser ou à le soumettre et l'élève doit trouver dans la maîtrise non un modèle à singer mais une voie à s'approprier en l'adaptant à sa subjectivité et à son individualité. C'est pourquoi l'éducation véritable échappe à la fois au dogmatisme répressif ancien qu'au laxisme puero-centré contemporain. (J. J. Wunenburger, p. 63)
Pour celui qui en fait l'expérience, la danse Kagura Mai représente une expérience de dissociation : « l'unité apparente de la personne qui dit avec insistance : « je veux, je peux », etc. éclate en morceau sous l'effet du choc avec l'inconscient. » La dimension impersonnelle, ressentie dans l'ordre de l'agir, n'étant assignable à aucune cause (extérieure) conduit immanquablement le sujet à envisager qu'il existe en lui-même une instance autonome. Cet autre qui, dans le cadre de la danse, s'oppose à la volonté particulière du moi n'est pas une volonté particulière mais une grandeur proprement universelle. En effet, lorsqu'il fait l'expérience de l'impuissance de sa volonté propre, soit à travers certains mouvements qu'il se voit exécuter « malgré lui », soit à travers certains gestes qu'il ne peut pas faire, il reconnaît également que ces gestes qui, en lui, s'imposent à lui, se retrouvent chez tous de manière identique et, plus encore, participent à un ordonnancement précis, géométrique, du collectif dont il fait partie. (p. 218)