— Alors, à l’arrivée des soldats, les esprits emprisonnés les ont attirés dans les arbres avant de pouvoir les utiliser comme des… des fiacres. (Se rendait-il seulement compte à quel point il paraissait ridicule ?) Et c’est à ce moment que le lapin blanc a fait son apparition et les a menés, eux ainsi qu’une petite fille, dans un jardin où les fleurs parlaient ?
Plutôt que de s’énerver, il sourit légèrement.
— C’est à peu de chose près ce que j’ai dit à Jack.
- Quand nous arriverons, dois-je me débattre et résister, ou rester calme et silencieuse ?
Il haussa ses sourcils sombres.
- Savez-vous seulement rester calme et silencieuse ?
— Il est très progressiste, vous savez. Il estime même que nous devrions avoir le droit de vote, Dieu le bénisse.
Mais je supposais que jamais il n’engagerait de femme dans sa banque, et qu’il ne les croyait même pas capables de gérer leurs propres comptes.
— Tant mieux pour votre mari.
Les gens qui font commerce de la magie ont dû mémoriser les sortilèges, apprendre à manipuler les pierres et le reste, mais ils n’ont aucun pouvoir propre à exercer. Ils ne supportent pas d’être limités, alors que nous ne le sommes pas.
Le fantôme qui hantait la boutique d’un cordonnier s’avéra être un chat qui s’introduisait la nuit à l’intérieur pour se protéger du froid ; je dénichai le félin criminel en train de ronfler dans une corbeille de lacets. La preuve de son forfait, des morceaux de cuir qu’il avait arrachés aux chaussures et mâchouillés, se trouvait encore coincée entre ses griffes. Le poissonnier qui m’avait engagée pour dissiper la malédiction qui s’abattait sur son stand à quai ne fut pas heureux d’apprendre que la fuite de ses plus fidèles clients n’était pas causée par une quelconque magie démoniaque mais, en réalité, par les prix ridiculement élevés pratiqués par sa nouvelle épouse avare. Celle-ci nia en bloc et m’accusa de chercher à escroquer son époux et à ruiner leur mariage avec de fausses accusations.
À la maison, j’aime écrire de longues lettres, broder des couvre-lits en patchwork, me livrer à d’interminables promenades et peindre des aquarelles assez horribles, sans jamais apprendre à minauder, socialiser ou chanter de manière convenable.
Cette image de femme en détresse dévouée aux bonnes œuvres et irrémédiablement destinée à finir vieille fille m’a permis de conserver ma réputation intacte ; ce que je considère comme mon deuxième avantage le plus précieux. Cela dit, le néant de ma situation conjugale et mon manque total de charisme n’ont jamais suscité beaucoup d’invitations de la part des grandes familles résidant sur la Colline.
Je ne suis pas, en réalité, devenue vieille fille après avoir été cruellement plaquée et avoir eu le cœur brisé ; c’est ma mère qui m’a brisé le cœur, et celle qui a plaqué, c’est moi. Dans ma lettre à Percival, j’avais mis un terme à notre engagement en annonçant que je ne désirais plus devenir sa femme, ce qui était pertinent, et je lui avais assuré que ce n’était en rien sa faute, ce qui était vrai également. Bien plus tard, j’ai découvert que Percy avait essayé plusieurs fois de me voir après la réception de la lettre, sans doute dans l’espoir de me faire changer d’avis.
Mon père était boucher, comme son père et le père de son père avant lui. Je n’ai pris ce poste que parce qu’il paie mieux, et parce que je ne suis pas obligé d’être soigneux ou de vendre ce que je coupe.
Un horloger ou un bijoutier auraient aussi le savoir-faire ; ils possèdent toute la minutie nécessaire. En revanche, ils ne sauraient pas forcément installer la charge ou les fusibles.
- Possédez-vous des genoux magiques, milord ?
- Pardon ? (Dredmore dévisagea Démolisseur) Non.
- Alors ne me forcez pas à les briser. C'est plutôt douloureux.