Vincent Cordonnier

Sans plus croire au miracle, il fouille Plongé dans les papiers, il ne prête pas attention au raclement de gorge derrière lui. Le bruit se faisant plus insistant, il finit par se retourner.
L'Homme à la Barbe braque sur lui un pistolet !

Les murmures se taisent aussitôt. Charles remercie longuement son ami du regard avant de lui tourner le dos. Alphonse n'insiste pas : le temps des questions et des réponses viendra plus tard.

Alphonse sort une orange de son sac. Le vieil homme l'enfourne dans son manteau et lui dit en clignant de l’œil :
- T'es p't-être pas un vrai Parigot, mais tu mériterais de l'être.
- Bien sûr que je suis un vrai Parisien. Je suis né ici !
Et sans plus attendre, il plante là son compagnon pour rejoindre la rue Linné.

Sur le marchepied, Charlotte adresse un petit signe de la main aux garçons.
- Tu crois que ça voulait dire oui ? demanda Gédéon en regardant la voiture s'éloigner.
Alphonse hausse les épaules.
- Tu sais moi, les filles... Ces temps-ci, je ne suis pas sûr de les comprendre...

- Tu trouveras une lettre dans ma veste. Toutes les choses importantes dont je t'ai parlé y sont écrites.
- Ne dites plus rien. Vous gaspillez vos forces.
Et, sans se préoccuper du sang et du vin qui maculent ses vêtements, Alphonse s'agenouille et le prend dans ses bras. Il sent le corps de son parrain se relâcher. Lompret ferme les yeux. Sa tête roule sur le côté. Il a perdu connaissance.

- Toi ! Qu'est-ce que tu fais ici ? ne peut-il s'empêcher de dire.
Ce moment d’inattention lui est fatal. Un bruit de pas se rapproche. Alphonse comprend, mais trop tard, que le gros homme est venu au secours de son camarade. Il reçoit un coup violent sur le crâne et s'évanouit.

- Tu lui a volé son passe-partout ?
- Pas d'injures, s'il te plaît. Cette clé a seulement été égarée par le père supérieur il y a bien des années. Depuis, elle se transmet de pensionnaire en pensionnaire. Celui qui la reçoit doit promettre de garder le secret, d'en faire bon usage pour aider ses camarades et de l'offrir au bout d'un an à un garçon plus jeune qui la méritera. Peut-être que tu en seras digne un jour, quand tu auras fait ton chemin...

On voudrait être comme les autres, des enfants du coin. C'est ce qu'on est d'ailleurs... Mais ici, tout le monde connaît l'histoire de Papa et Maman, et du coup, c'est impossible. On nous appelle les "Parigots", alors que j'ai passé la plus grande partie de ma vie à Julles.