Avec le recul, il est frappant de constater le rôle symétrique qu’eurent les deux démagogues, Mitterrand et Le Pen dans cette histoire. Le premier proposa une démagogie progressiste adaptée à l’évolution des moeurs.
Le second proposa une démagogie réactionnaire accompagnant cette même évolution. Pour le premier, le slogan " changer la vie " ne servira qu’à réenchanter, tout en le masquant, un bouleversement effectif de toutes les conditions de la vie passée, afin de réconcilier définitivement les citoyens devenus individus avec l’ideé de la consommation et du progrès tel qu’il va. Jamais le slogan " laisser-passer laisser-faire " ne s’appliqua aussi systématiquement.
Pour le second, il s’agira d’en appeler à la nostalgie de la grandeur et d’une identité perdues, en faisant passer un processus de décomposition des moeurs avant tout interne pour la conséquence d’une invasion extérieure. Ce faisant, Le Pen entérinait tout autant l’évolution des moeurs, les siennes d’ailleurs ressemblaient étrangement à celles d’un enfant de 68, et il ne proposait aucun contre-modèle pour les instituer autrement.
L’alliance du technocrate et du démagogue aboutit à la profonde dépolitisation du peuple, renvoyé à son incapacité politique (p. 151)
Depuis de Gaulle, nos gouvernants sont devenus progressivement des administrateurs, l’administration des choses s’étant substituée au gouvernement des hommes. Le peuple n’est pas une chose morte qui demande à être administrée. Le peuple est une réalité vivante dont l’être-ensemble est politique. (p. 20-21)