Gagnant d’une masse critique, Bestioles de Vincent Wackenheim est un ouvrage magnifique derrière sa couverture brochet, d’une blancheur immaculée, une pureté innocente et farouche, ornée d’un dessin de Denis Pouppeville, centré sur la largeur et celle de la moitié de sa longueur, sur cette couverture cartonnée, le croquis où se profile une exquise d’un bec rose , proéminent de sa base supérieur, de son œil agar perdu dans le sombre coup trait de crayon noir, ce regard fixe se perd, surmonté d’un calot jaune , cette caricature animale de cette forme humaine s’entremêle dans une dualité amusante. Retournant le livre, le quatrième de couverture s’aventure dans un cache-cache surprenant entre les bêtes et nous l’humain, résumant parfaitement par cet adage, la saveur du recueil de textes, sacrifiant à l’hommage animalier, cette prose acide salive les papilles et étourdit les sens, caresse de temps à autres les zygomatiques, et s’enivre d’une érudition particulière et spécifique, dérangeant le cercle de ma culture toujours en éveil. Vincent Wackenheim est un auteur Français d’origine Alsacienne, de Strasbourg, fort d’études de lettres, de droit, et d’histoire, il s’oriente dans l’édition, pour diriger actuellement les éditions du Rocher, il collabore aussi pour La Documentation française, il est l’auteur de plusieurs romans, son premier édité en 1996 Le Voyage en Allemagne, puis pêle-mêle, Petit éloge de la première fois, Josef Kaspar Sattler, ou la tentation de l'os son dernier livre édité en 2016.
La genèse de ce livre est le dessinateur Denis Pouppeville et ces croquis qui ont permis la création de Bestioles, souvent les mots entrainent un dessin, là c’est la contraire, la fleur créative est cette imagination que l’on a d’un tableau comme le roman de Gaëlle Josse, L'ombre de nos nuits, un récit s’enchevêtre autour du tableau de Georges de La Tour, comme le dit Vincent Wackenheim en relatant l’œuvre de son ami Denis Pouppeville et tout ce qui gravite auteur de l’artiste « De tout cela, Bestioles est redevable, il a aussi illustré Louis Calaferte, un auteur que j’apprécie beaucoup.
Ce livre est composé de onze recueils, ou petites nouvelles, toutes aussi croustillantes et inattendues, laissant l’imagination de Vincent Wackenheim transpirer son univers et celui de son collaborateur et ami Denis Pouppeville et ces dessins en noir et blanc, avec cette sauvagerie brute qui caractérise ces Bestioles. Le titre Bestioles est une représentation manichéisme, presque bestiale du rapport animal et être humain, lorsque notre auteur submerge notre lecteur de recettes carnivores sur le bœuf, comment le cuisiner à toutes les sauces et le décorer le rendant comme juste une recette, comme un repas sans valeur de vie, c’est cette fatalité que symbolisent ces Bestioles. Au grès des petites histoires, nous allons retrouver, le lapin d’Albert Dürer, Le tatou de Jean Paulhan, des cochons, Un poisson amoureux d’une humaine, une girafe animale de compagnie, la pieuvre de Victor Hugo, des rhinocéros en libertés, et des volailles en bataille.
Dans sa première nouvelle, le chat vient à nous comme un funambule, errant dans son univers, ou celui de son maitre, lequel des deux est le dominant, Vincent Wackenheim pose la question du langage des animaux avec sa fille de 4 ans, sur notre compréhension de ce dialogue, il est vrai qu’un cheval ne pourra pas dire son prénom, et bien entendu un enfant ne pourra le savoir, Vincent s’interroge sur la force incroyable du langage. La deuxième, le cochon dans tous ces états, du groin au porc dans l’assiette, avec une destinée sanglante, magnifique fatalité porcine selon Vincent Wackenheim, dans le cochon tout est bon…La troisième plus intime à l’auteur, avec ce Tatou chère à Jean Paulhan, ce personnage inconnu à mon cercle de connaissance, un écrivain, critique littéraire et éditeur français du XIXème siècle. La quatrième est culinairement un éveil aux papilles gustatives pour les carnassiers, où les livres de cuisine développent des astuces extraordinaires pour sublimer la viande bovine à toutes les sauces, serais-je indigeste pour les nouvelles âmes protectrices animales, devenues végétariennes et végans, défendant la cause animale, Vincent Wackenheim serait-il un Rabelaisien épicurien à l’appétit Gargantuesque, avec cette liste pléthorique de recettes qui éclaboussent ces pages de sa prose Un déjeuner à la fourchette. Le lapin d’Albrecht Dürer est une nouvelle qui ressemble de beaucoup à celle précédente, Le tatou de Jean Paulhan, beaucoup trop naturel à la culture de Vincent Wackenheim, cette immarcescible beauté du savoir culturel propre à chacun, comme Albrecht Dürer pour notre Alsacien de cœur et de culture, il lui rend hommage le nomme dans son dernier récit de Bestioles, celle d’une planche représentant « un fou parlant aux oies et aux pourceaux », cet artiste allemand du XVIème siècle, inspire encore certain contemporain comme notre auteur de Bestioles, avec sa peinture Le lièvre en 1502, exposé palais Albertina à Vienne, lapin ou lièvre c’est l’humanité qui l’artiste qui embrase l’œuvre de ce peintre. Fatale idylle chez George&Rozie est l’une des nouvelles, la plus amusante et romanesque dans cette recherche d’amour si fondamentale pour cette jeune femme Mademoiselle Roll, prenant des cours de danse chez George&Rozie, avec le chef de cérémonie Monsieur Lent-Vite-Vite-Lent, cette farce débute par la tenue vestimentaire de notre héroïne, toute nue pour plaire de sa plastique les hommes de ce cours de danse, sans que personne lui fasse la remarque, la pudeur bourgeoise du savoir vivre, puis Monsieur Mops, un poisson, depuis peu sorti du banc, Vincent Wackenheim aime jongler avec les mots, j’aime me souvenir de Boris Vian et de cet acrobate prosaïque, et ces néologismes fabuleux. Cette petite mascarade amoureuse entre un poisson et une jeune rêveuse, est une petite ironie sombre d’une banale amourette entre un poisson et une femme, le poisson étant un Don Juan menteur, libertin laissant se faner cette mademoiselle Rolls devenu infertile à procréer pour son plus grand désespoir. Cette septième histoire, Cinq mètres cinquante, est d’une ironie croustillante, lorsque qu’un couple décide d’avoir une Girafe naine comme animale domestique, mais celle-ci sera une Girafe normale, qui aura une taille destructrice pour cette famille, Vincent Wackenheim, s’amuse de cette satire contemporaine. Lorsque la pieuvre de Victor Hugo vient de ces tentacules imagée une dédicace assez goguenarde sur cet animale, Victor Hugo dira, Pour croire à la pieuvre, il faut l’avoir vue. L’antépénultième est celle que j’aime le plus, dans sa tragicomique, La consolation des rhinocéros est une fable féroce de la communauté humaine plongée dans une convenance sociétale des bonnes mœurs à se comporter dans les méandres d’un vestige du passé de l’écho frisonne les rois antérieurs à ce Louis XV, ce roi « Bien-Aimé », emportant dans ces terres lointaines un Rhinocéros pour agrémenter ces jardins, de ce fantôme hante l’esprit humain s’exhibant sur ces ruines qui jalonnent leur parade vacancière, d’un festin Rabelaisien, ces humains se disputent d’une vision, d’une réalité, d’une allégorie où Ionesco sourit encore de sa pièce de l’absurde, celle du Rhinocéros, Vincent Wackenheim emprunte cet animal du combat du communautarisme dictatorial, ce fachisme gangrénant l’être humain, ce mammifère périssodactyle prend enfin sa vengeance, l’animal de sa férocité humaine fait taire l’absurdité, c’est une nouvelle capricieusement dévorante…Les deux dernières ont un parfum de la fable de La Fontaine, les animaux sont héros de leurs propres histoires, Théodulon le Grand, chef volatile d’un passé glorieux de guerre, perd au profit de Fridelon le Pur, poète dans l’âme, dans une guerre de prestige, sa gloire laissera place à la poésie délaissant les armes, pour réciter des vers de José-Maria de Heredia et Stéphane Mallarmé. La dernière est une nouvelle sur la folie humaine qui n’atteint pas l’animalité qui nous entoure, avec sa drôlerie !
Le contraste des nouvelles est certain selon l’humeur du lecteur, et sa façon de percevoir la subtilité de Vincent Wackenheim, la drôlerie se diffuse dans toutes, elle est même la substance même de ce livre, et naturellement les bestioles, celles humaines ou animales !
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