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Citation de Nastasia-B


Où Mrs. Browning voyait, Flush sentait ; il flairait quand elle eût écrit.
Ici le biographe se doit d'arrêter son récit. Deux ou trois mille mots se montrent impuissants à traduire ce que voient nos yeux : ainsi Mrs. Browning dut s'avouer battue par les Apennins. « Je ne puis vous en donner la moindre idée », admit-elle. Or nous n'avons guère que deux mots et demi pour désigner ce que sent notre nez. L'odorat humain est pratiquement inexistant. Les plus grands poètes du monde n'ont connu que le parfum des roses et la puanteur des bouses. Entre ces deux extrêmes, un infini de gradations demeure informulé. C'est pourtant dans ce monde des odeurs que Flush vivait le plus ordinairement. L'amour pour lui était surtout odeur ; odeur la couleur et la forme ; odeur la musique et l'architecture, le droit, la politique, les sciences — et la religion même. Traduire sa plus simple expérience — côtelette ou biscuit quotidiens — dépasse nos possibilités. Mr. Swinburne lui-même n'aurait pu dire ce que signifiait pour Flush l'odeur de Wimpole Street par un chaud après-midi de juin. Quant à décrire l'odeur d'une épagneule, mêlée à celle des torches, des lauriers, de l'encens, des drapeaux, des bougies de cire et d'une guirlande de roses écrasée par un talon de satin qui a longtemps macéré dans le camphre — Shakespeare seul, peut-être, s'interrompant d'écrire Antoine et Cléopâtre… Mais Shakespeare ne s'est pas interrompu. Confessant donc notre impuissance, nous noterons seulement que l'Italie apparut à Flush au cours de ces années qui furent les plus riches, les plus libres et les plus heureuses de sa vie, surtout comme une succession d'odeurs.

Chapitre V : L'Italie.
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