Wendy Webb

Tous les Hill avaient habité l'île. C'était là qu'ils avaient vu le jour, grandi et rendu l'âme. Et maintenant j'étais l'une des leurs. Pour la première fois de ma vie je me sentais appartenir à une grande famille. Oui, ils étaient tous morts, mais c'étaient mes miens, mon histoire,mes racines. Même ma propre tombe me rassurait presque, comme si j'avais enfin su où je finirais. J'étais chez moi.

« C’est un scénario d’épouvante que tu me racontes là, commenta-t-il. Une grande bâtisse inquiétante, perdue dans une île au cœur d’un terrible hiver… Un crime non élucidé. De ténébreuses rencontres avec des fantômes et des insulaires acerbes… Sans oublier la vieille servante maléfique… »
Je lui ai confirmé le tableau en riant.
« Je suis d’accord avec toi, c’est une ambiance complètement gothique. Si tu voyais la maison, Rich, elle est sublime. Il faudra que tu viennes un de ces jours. »

- […] Je songe souvent à l’ambiance de villes comme New-York ou Chicago il y a un siècle : pas de voitures, des gens qui allaient et venaient sur les attelages les plus variés, les marchandises qu’on livrait sur des charrettes tirées par des chevaux… Partout, le claquement des sabots. Le boucan de la circulation, à l’époque, c’était ça : des sabots par milliers. Les gens n’y faisaient sûrement pas attention, ils ne les entendaient même plus. C’était un bruit de fond, à chaque fois qu’ils sortaient. Nous l’avons remplacé par le vrombissement des moteurs.
- Et des autoradios.
- Et, plus récemment encore, par le caquetage incessant des gens dans leur téléphone portable. C’est mon cauchemar, je dois l’avouer.

Il faut que tu oses prendre un risque. Tu dois prendre le risque de te briser le cœur, encore et encore. C'est la seule façon de trouver le bonheur, mon amour. La seule façon.

Time and experience have a funny way of altering one’s recollections of the past.

L’histoire de cette famille ne se limite pas à la chronique banale des naissances et des décès, des noces et des succès, même si elle en compte également. Non, les destinées de mes aïeuls rappellent plutôt les contes de fées, ceux de Grimm, malheureusement, avec leur cortège de sorcières, de spectres et de malédictions, toujours accompagné d’avanies douloureuses, parfois sanglantes.

Et puis la vérité a commencé à poindre, comme cela arrive toujours tôt ou tard; la vérité cherche la lumière du jour. Elle en a besoin, tout autant que nous avons besoin d'oxygène. c'est ainsi qu'elle réussit à s'échapper des coffrets les mieux scellés, les mieux cachés aussi, fussent-ils enfouis au plus profond du cœur des morts.

Au bout de quelques pas dehors, j’allais attaquer la colline, à très petites foulées, quand j’ai remarqué qu’un épais brouillard estompait peu à peu les contours du monde qui m’environnait.
Certains prêtent à la corne de brume des vertus romantiques ; sa sonorité leur évoque d’exotiques contrées aux dénominations insolites. Personnellement je n’ai jamais aimé le brouillard, qui opacifie la réalité avec une certaine malveillance et gomme sans vergogne tout ce qui ne se trouve pas à portée de main.

La catastrophe s'abat en un fragment de seconde, sans prévenir pendant qu'on est affairé au train-train quotidien.

The redbrick façade rising three stories tall, the parapets jutting out from the roof, the enormous stone patio running the entire length of the house facing the lake, the stairs down to the gardens that framed the property …