Les ombres d'Adelaide Hills de
Kate Morton et
Laurent Bury aux éditions Charleston
https://www.lagriffenoire.com/les-ombres-d-adelaide-hills.html
Chinez & découvrez nos livres coups d'coeur dans notre librairie en ligne lagriffenoire.com
Notre chaîne Youtube : Griffenoiretv
Notre Newsletter https://www.lagriffenoire.com/?fond=n...
Vos libraires passionnés,
Gérard Collard & Jean-Edgar Casel
#lagriffenoire #bookish #bookgeek #bookhoarder #igbooks #bookstagram #instabook #booklover #novel #lire #livres #conseillecture #editionscharleston
+ Lire la suite
La maison état une vieille dame des plus autoritaires, un peu décrépite, c'était certain, et bougonne à sa manière - mais qui ne l'eût été dans sa situation ?
Son déplorable état, Dorothy le sentait, cachait une immense dignité.
Bien qu'elle fût momentanément solitaire, Greenacres était de ces demeures qui se nourrissent de rires d'enfants, d'affection familiale et de bonnes odeurs de gigot d'agneau au romain.
Son squelette était solide, sain ; elle voulait aller de l'avant et non pas se complaire dans le passé, accueillir une nouvelle famille et grandir avec elle, se pénétrer de leurs coutumes...
La lumière...
J'ai pris l’habitude de la chercher dans les arbres au printemps, où elle magnifiait le vert des jeunes feuilles délicates.
Mais aussi dans les ombres qu'elle répandait sur les murs, les poussières d'étoile qu'elle jetait à la surface de l'eau, les filigranes qu'elle traçait sur le sol à l'ombre des grillages...
C'est toujours un choc que de se voir lorsqu'on n'est pas sur ses gardes. (...)
La femme de la vitre était tout ce que Eleanor avait jadis juré de ne pas devenir. Elle n'avait rien de l'adulte que promettait d'être Eleanor l'Aventurière. Eleanor y songeait, de temps en temps à son double enfantin, la fillette aux grands yeux farouches, à la chevelure indisciplinée, hantée par le désir de tout explorer. Cette enfant-là, aimait à penser Eleanor, n'avait pas entièrement disparu. Elle n'avait pas été absorbée par le monde : non, elle s'était transformée en perle, avait roulé quelque part. Là, elle attendait que les fées la trouvent et que la forêt la ramène à la vie.
Lorsqu'il avait poussé la grille, il était resté un long moment pétrifié, fasciné par le spectacle qui s'offrait à lui : tant de perfection ! C'était trop beau pour être vrai.
Entre les dalles de l'allée et la maison, un jardin luxuriant prospérait : les digitales se balançaient, rouges et vives, dans la brise; les marguerites et les violettes conversaient de part et d'autre du chemin de pierre.
Le jasmin qui couvrait le mur d'enceinte s'étendait jusqu'à la façade, assiégeant les fenêtres à petits carreaux pour s'allier aux fleurs écarlates et voraces du chèvrefeuille qui poussait sous l'auvent du porche.
Le jardin vibrait de mille insectes, de mille oiseaux, et la maison, à l'arrière-plan, parut soudain aussi silencieuse, aussi immobile que le château de la Belle au bois dormant.
Ah! Si toutes les relations pouvaient se mener par le seul truchement du papier! Quel bonheur!
Dans mon cas, ce n'est pas seulement un vain souhait : des amis, j'en ai des centaines, qui vivent à l'abri des couvertures de livres, baignant dans l'encre splendide des pages, des histoires qui se déroulent toujours de la même façon sans jamais perdre leur éclat.
Innombrables compagnons qui me prennent par la main, me font franchir le seuil de leur maison,et me conduisent en des mondes de sublimes terreurs et de profonde extase.
Ils ne déçoivent jamais, sont toujours présents, jamais ennuyeux, parfois de bon conseil - mais quand il s'agit de vous héberger un mois ou deux, histoire de vous dépanner, ils ne peuvent pas faire grand-chose, hélas.
Il nous l'a bien caché, Papa, disait Clemmie.
- Il ne voulait pas nous accabler.
- Mais tout de même, un tel silence ! Il n'a jamais rien raconté. Rien. Je ne comprends pas comment on peut subir tout cela et le mettre de côté aussi radicalement une fois la guerre finie. Quand je serai une très vieille dame, je raconterai mes aventures de guerre à mes petits-enfants jusqu'à ce qu'ils meurent d'ennui. Mais Papa...rien. Comme s'il n'avait jamais vécu l'enfer des tranchées. La boue, les rats, tes hommes qui meurent les uns après les autres. Il t'en a parlé ?"
Alice avait secoué la tête.
J'ai vu le gouffre immense entre ce qu'il avait enduré et ce que j'avais vécu, moi, de mon côté. Alors, j'ai compris : il ne pourrait jamais me raconter.
Certaines images, certains sons, ne pouvaient pas se communiquer à autrui, mais on ne pouvait pas non plus s'en débarrasser.
Ils se manifestaient inlassablement dans l'esprit de quelques malheureux puis s'enfonçaient peu à peu dans les replis de la mémoire, de plus en plus profond, et laissaient provisoirement place à l'oubli...
L'être humain est un conservateur. Chacun, chacune prend soin de ses souvenirs préférés et les assemble afin de créer un récit susceptible de plaire. Certains évènements sont réparés et astiqués, pour qu'on puisse les mettre en vitrine ; d'autres, jugés sans valeur, sont laissés de côté et croupissent dans les profondeurs des entrepôts bordés de l'esprit. Avec un peu de chance, on les y oublie rapidement. Le procédé ne relève pas de la malhonnêteté : c'est la seule façon dont on peut vivre avec soi-même, avec le fardeau de ses expériences.
Toi et moi, Sparrow, (...) on a fait l'école de la vie. Et ça vaut tous les bouts de papier qui expliquent au monde à quel point un type est intelligent.
On aurait dit un insecte gracieux et scintillant sur le point de prendre son envol. Il bondissait comme si cela ne lui demandait aucun effort, demeurant dans les airs bien plus longtemps qu'il n'était possible. Touchait-il jamais terre ? Cette nuit-là, je me suis dit que l'homme pouvait voler, que tout était possible.