Citations de Wouter van der Veen (18)
De plus en plus, j'ai la conviction que les plus grands spécialistes de Van Gogh ne sont pas ceux qui sont rémunérés pour l'être, mais ceux qui se déplacent pour aller regarder les tableaux dans les yeux. Ceux qui reconnaissent des émotions qui font écho à leur propre histoire, et non à l'histoire de l'art.
Trop de détails effacent la rêverie - p. XI
La différence entre ce qui est classique et novateur, au fond, ce n'est tant ce qui est, mais ce qui est perçu. Le classique d'aujourd'hui est le novateur de d'hier, et le novateur d'aujourd'hui est le classique de demain. Il y a peu de chances que cela change un jour.
La valeur de l'art et du savoir, p. 105
À l'exception de ce qui est vrai, tout ce qui suit est rigoureusement faux.
En ce début de XXIe siècle, on entend souvent que l'art serait avant tout une affaire subjective ; ce qui compte, c'est ce que l'on sent. L'artiste peut se contenter d'avoir idée, sans même toucher à ce qu'il produit. Ou ne pas avoir d'idée. Il peut crier, nu et recroquevillé, dans une bassine remplie d'urine entourée de papier journal froissé sans avoir besoin de se justifier. Un critique, un commissaire d'exposition ou un élu trouveront les mots pour lui.
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N'importe quel numéro du magazine Art Press témoigne des profondeurs de ce monde-là.
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Lettre à Théo 22 janvier 1889 : « Ce que tu sais que je cherche, moi, c’est de retrouver l’argent qu’à coûté mon éducation de peintre, ni plus ni moins. Cela c’est mon droit avec le gain du pain de chaque jour. »
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Il est impossible de saisir à quel moment précis Van Gogh prit la décision de tourner le dos à la religion organisée et de vouer sa vie vie à l'art. Ne serait-ce que parce qu'il s'agit d'une évolution graduelle et non d'un coup de tête. Tout comme sa reconversion vers la chose religieuse avait été précédée de longs mois de dévotion fanatique, son glissement de la religion vers l'art s'est opérée progressivement tout au long de la seconde moitié de l'année 1879. Les doutes ont dû le gagner assez rapidement, mais sa décision définitive lui a été imposée par ses employeurs, comme chez Goupil & Cie.
Theo, le petit frère du pauvre, p. 67
Aux Pays-Bas, cette bourgeoisie urbaine nouvellement enrichie ne construisait pas de palais, de monuments à sa propre gloire ou d'amphithéâtres pour se divertir, faute de place, de pierres de taille et surtout d'ambition terrestre. Car le Néerlandais du XVIIe siècle, en plus d'être commerçant, entrepreneur, prêt au compromis et marin dans l'âme, était calviniste.
Les Pays-Bas et l'invention du capitalisme - p. 47
L'image d'un peintre aux prises avec une panique intérieure permanente est le levier utilisé le plus souvent pour le présenter au public, qu'on prive ainsi de sa propre liberté d'interprétation. Ce qui est montré dans ces cas-là, ce n'est pas le Van Gogh historique. C'est le Van Gogh mémoriel, l'idée erronée et littéralement aberrante que d'autres ont déjà colportée.
L'affront - p. 11
Il rêvait de publier des séries de gravures bon marché : l'art avait à ses yeux le pouvoir d'élever moralement les humains et pouvait les aider à voir le monde d'un œil toujours renouvelé ; une transposition quasi littérale de la pensée évangélique, qui est à son tour à l'origine de l'ordre économique capitaliste.
Le syllogisme de la gloire de Van Gogh semble inspirer aussi ceux qui ont renoncé à la pratique d'un art, peut-être parce que, comme le disait Musset : "Il se trouve, en un mot, dans les trois quarts des hommes, comme un poète qui meurt jeune, tandis que l'homme survit". Les mythes de Van Gogh permettent de faire le deuil de son "poète mort jeune", puisqu'ils suggèrent qu'il faut être fou, pauvre et alcoolique pour être un grand artiste. Casser ces mythes, c'est aussi casser les excuses de ceux qui ne créent plus rien.
Ne pas avoir en mémoire toutes les horreurs commises et subies par nos anciens est salutaire, et ne pas saisir en détail ce qui nous est raconté au détour d'une bière est nécessaire. Cultiver le souvenir, et l'arroser d'oubli.
Histoires - p. VII
La mémoire semble perpétuellement reconstruite et transformée, par ceux qui la reçoivent comme par ceux qui la transmettent.
Histoires - p. VI
Quand j'ai appris que mon travail connaissait quelque succès et que je lus l'article en question, j'ai immédiatement craint que cela me jouerait des tours - il en va presque toujours ainsi dans la vie d'un peintre que tout compte fait, le succès est ce qu'il y a de pire.
À sa mère Anna Van Gogh-Carbentus et sa soeur Willemien van Gogh, Saint-Rémy-de-Provence, mardi 29 avril 1890 [traduction de l'auteur].
Ce n'est pas à l'abri qu'on fait les meilleurs tableaux.
C'est une limite aussi vieille que l'humanité, rageante au premier abord, mais rassérénante lorsqu'on l'accepte : savoir que l'on ne sait pas tout, qu'on ne saura jamais tout, et que cela n'empêche pas la Terre de tourner.
Depuis quelques années, c'est Van Gogh en tant que phénomène perçu qui m'intéresse, et non plus les détails innombrables, et interminablement discutés, de sa vie et de son œuvre.
Trop de détails effacent la rêverie - p. X
Le souvenir est fragmentaire par essence, la mémoire est recyclée par défaut et l'anecdote est transformée par nature, avant de se perdre à jamais.
Histoires - p. VII
Convaincus que leur union ferait leur force, les Néerlandais fondèrent ainsi en 1602 la Compagnie unie des Indes orientales, ou Vereenigde Oostindische Compagnie (VOC), qui fut non seulement la première multinationale de l’histoire de l’humanité, avec à son apogée plus de vingt-cinq mille employés, mais qui fut aussi à l’origine des premières spéculations boursières. La puissance de l’entreprise était telle qu’elle battait sa propre monnaie, entretenait sa propre armée et gérait ses territoires indépendamment de tout pouvoir étatique.
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Max Weber, économiste et père de la sociologie moderne, voua une étude fascinante avec son « Ethique protestante et l’esprit du capitalisme » en 1904. Le penseur allemand y présente non seulement le rapport particulier entre la Réforme protestante et le développement du capitalisme, mais aussi la notion de la juste position de chaque chrétien dans sa société : il relève du devoir de chacun de trouver sa voie et d’y réussir, selon la volonté et le projet de Dieu.