Yvan Leclerc

Le mot "liberté" ne serait-il pas aujourd'hui un peu galvaudé, brandi qu'il est à toutes les sauces des peurs et des intérêts de chacun ?

En 1936, Valery Larbaud , dans la magnifique introduction de son "Domaine anglais", a écrit de la lecture qu'elle était un vice impuni, ce qui n'était plus alors pour lui que badinage et licence littéraire.

Mais il fut un temps où l'écriture pouvait mener devant le "magistrat au livre" ; celui-là même qui, l'oeuvre jugée dans une main et le code pénal dans l'autre, osait soutenir l'accusation pour outrage à la morale et à la religion.

Et, le passant honnête pouvait dormir sur les deux oreilles de sa bonne conscience, Ernest Pinard veillait sur la bonne moralité, armé qu'il était de la loi du 17 mai 1819.

Du second empire à la troisième république, de Béranger à Richepin en passant par Verlaine, Maupassant, les deux frères Goncourt, Eugène Sue, Lucien Descaves, Barbey d'Aurevilly et bien d'autres, l'art était soumis à la morale ...

"Crimes écrits" est un livre d'Yvan Leclerc paru en 2021 aux éditions "classiques Garnier".

Il est dédié aux mânes d'Ernest Pinard, lecteur redoutable.

C'est un essai sur la littérature en procès au XIXème siècle.

Le propos est édifiant et captivant.

C'est parfois un peu ardu à suivre, un peu touffu mais au final l'intérêt ne faiblit pas dans la lecture.

C'est bien écrit, précis, érudit et très documenté.

Une longue liste d'annexes, un tableau synoptique, une bibliographie et deux index des personnes et des oeuvres viennent étayer l'essai.

"Crimes écrits" est une véritable remise en perspective, une démonstration brillante de la force de la littérature du XIXème siècle.

C'est aussi une profonde réflexion sur l'Art et la morale.

Et, la lecture de ce livre, si elle en dit beaucoup sur le passé, en vient aussi à déborder sur le présent, et même l'avenir :

l'archevêque de Paris n'a-t-il pas fait écrire le 25 octobre 1988 dans "Le Monde" que ne pas respecter le sacré, c'était déchaîner le diable" ?

Dans le journal "Libération", la veille, un abbé intégriste ne réclamait-il pas une police des Arts ?

Je remercie bien sûr l'auteur de ce livre, Yvan Leclerc, pour ces quelques 400 pages d'intelligence et d'analyse, mais aussi les amis de la masse critique qui, une fois de plus, en parvenant à élargir, à enrichir ma lecture, m'ont fait juge, lecteur et interprète du sens d'un livre édifiant et puissant...

Ouvrage que tout amoureux de Flaubert se doit de posséder

Les nombreux livres se comptant par milliers de sa grande bibliothèque´ après la disparition de la propriété de Croisset, vendue et abattue pour laisser place à une usine, qu’allait donc en faire la nièce Caroline ?

Nous suivons ici le devenir de cette bibliothèque, tous ces ouvrages inestimables feuilletés et disséqués par Flaubert pour ses romans, leur parcours, les difficultés encourues, l’amour de ceux qui ont tenu à ce que ces livres ne subissent ni détérioration… voire pire.

Des péripéties, des efforts, des inquiétudes, mais à l’arrivée un grand soulagement et une fierté d’avoir sauvé un patrimoine.sentimental et littéraire qui n’a laissé ,personne indifférent dans le milieu littéraire comme chez les affidés du Grand Maître

Flaubert est à ce jour le seul écrivain qui ait eu l'honneur d'être le sujet de deux albums pléiade, en 1972 et en 2021.

Ayant récemment lu l'album de 1972, de facture assez classique, iconographie commentée par une biographie très factuelle et chronologique, j'étais curieux de savoir quel serait l'apport de l'album 2021.



Je n'ai pas été déçu, et pas seulement parce que l'iconographie proposée par cette merveilleuse collection est en couleur. Le nouvel album permet de découvrir un Flaubert plus intime. Nous y trouvons moins de commentaires sur l'époque et sur les faits de la vie de Flaubert, mais nous comprenons mieux le cœur de l'homme et la genèse de l'œuvre. Une belle découverte, et une belle complémentarité d'approche, cinquante ans après la parution du premier album.

Dans le cadre d’une masse critique Babelio, j’ai reçu l’essai Crimes écrits : la littérature en procès.



Crimes écrits : La littérature en procès au XIXe siècle par Leclerc

Cet essai aborde les rapports entre littérature et justice au XIXème siècle et plus particulièrement à travers les célèbres figures de Baudelaire, Flaubert dont les procès résonnent encore dans les programmes de français au lycée. Il était pour moi intéressant d’apporter un éclairage universitaire aux savoirs que je m’efforce de transmettre à mes élèves puisque je travaille depuis deux ans sur Les Fleurs du Mal et le nom d’Ernest Pinard est venu plusieurs fois ponctuer mes cours.



Cette collection n’est pas une lecture de vacances et j’ai pris plaisir à replonger dans des écrits universitaires, à réactiver les savoirs un peu endormis par les années. L’ouvrage est érudit et complet, il dresse un panorama intéressant des rapports entre les lettres et la justice et apporte sur notre monde actuel un éclairage plutôt éloquent !



En résumé : un ouvrage universitaire complet.

Un beau catalogue d'une exposition ancienne au musée de Fécamp. Un ouvrage qui apporte de nombreuses informations même si l'exposition n'existe plus depuis longtemps.

J'ai eu l'opportunité de lire ce livre à l'occasion d'une Masse critique, et pour cause, ce n'est pas le genre de livre qu'on ouvre par hasard. Cette édition austère en dépit de sa couverture dorée laisse présager, à raison, les lourds travaux universitaires que chacun connaît, avec leurs bataillons d'abréviations, de renvois, de guillemets et de notes en bas de page, des annexes aussi longues que l'oeuvre à proprement parler, et une cascade de livres de référence. Que l'on ne s'y trompe donc pas : c'est un livre d'étude, où la recherche occupe toute la place et le divertissement aucune.

Le livre est paru en 1991 et réédité en 2021. Il est le fait d'un ancien professeur de littérature qui fait notamment autorité sur l'oeuvre de Flaubert. A ce titre, les enseignements du livre sont denses. J'ai pu rectifier beaucoup de bêtises inculquées au lycée, d'abord sur le rapport entre littérature et justice, ensuite sur les auteurs eux-mêmes. On apprécie plus particulièrement la mesure de l'auteur, capable de concessions voire d'éloges au procureur Pinard, ainsi que le niveau de détail, qui va jusqu'à l'analyse graphologique. La première partie, très théorique, étudie la légitimité des tribunaux à traiter ce genre d'affaires, puis les procès de Flaubert, Baudelaire et Barbey d'Aurevilly sont narrés de façon chronologique, à grand renfort de citations. Une dernière partie, en annexe, déploie un large éventail d'oeuvres traduites en justice au cours du siècle, d'où transparaît une diversité de styles beaucoup plus forte que prévu. Comme l'atteste le réemploi de nombreuses citations, le livre se prête à la lecture ponctuelle de quelques sous-parties pour les lecteurs qui cherchent des choses bien précises sur la question.

De manière générale, bien que j'aie vécu cette lecture comme un travail et non comme un plaisir, mon impression générale est plutôt positive, dans le sens où elle a été indéniablement enrichissante.

Mon gros point noir, c'est la conclusion. Comme l'on s'y attend, l'auteur fait le lien avec le présent. Intéressant : comment se manifeste donc aujourd'hui la censure en littérature ? Et voilà que l'auteur nous cite les déclarations de deux malheureux ecclésiastiques écoutés de personne, qui n'ont entraîné aucun procès littéraire, et nous présente cela comme la menace d'une résurgence inquisitoriale. Quelle déception... Ce ne sont pourtant pas les livres qui manquent devant les tribunaux. On aurait préféré lire l'auteur, sur une approbation comme sur une dénégation, s'exprimant sur la question suivante : "l'outrage aux bonnes moeurs et à la morale publique" d'aujourd'hui ne s'appelle-t-il pas "incitation à la haine" et "apologie de crime", au sein d'un nouvel ordre moral qui n'est plus celui du catholicisme bigot et du clientélisme impérial ? Les procès du XIXe siècle s'inscrivaient dans un certain politiquement correct ; celui du XXIe siècle est radicalement différent. Il eut été heureux de prendre cette nuance en compte.

Merci à Babelio pour cette belle découverte !

Lecture pas mal, on accroche plus ou moins avec certains des contes, mais il y en a des moins bien

Un très bon album, bien illustré malgré la difficulté de l’absence de portraits de Flaubert qui ne voulait pas être photographié ni d’illustrations de ses œuvres. Le texte est très intéressant avec une analyse pertinente de la genèse des plus grands romans de Flaubert.

A la fin de cette passionnante biographie croisée, figurent quelques documents, tels les contrats d’édition de ­Madame Bovary et Salammbô.
Lien : https://www.lemonde.fr/livre..