Yves Agid

Contrairement aux idées reçues, les neurones peuvent se renouveler dans le cerveau de l'homme adulte. Jusque dans les années 1990, le dogme était que, chez l'adulte, les neurones ne se renouvelaient pas.
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C'est il y a seulement un peu plus de vingt ans que la communauté scientifique a fini par accepter l'idée que, chez l'adulte, un certain nombre de cellules souches pouvait se diviser et donner naissance à des neurones nouveau-nés (Mori et al., 2005 ; Aimone et al., 2014 ; Eriksson et al., 1998).

Malgré les progrès remarquables de la psychologie moderne, notamment grâce aux méthodes d'imagerie cérébrale, il faut dire et redire qu'on ne sait toujours pas répondre à des questions aussi fascinantes que : comment donner du sens à notre monde et nous-même ? ou : quel est le fondement physiologique de notre "soi" ? Toutefois, la présence des astrocytes est possiblement ou probablement une condition nécessaire pour expliquer le fait d'"être conscient", même si elle n'est pas suffisante.

La maladie d'Alzheimer est la démence dégénérative la plus commune puisqu'elle touche en France près de 800 000 personnes.
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Or nous n'avons aujourd'hui aucun moyen thérapeutique pour enrayer l'évolution de cette "maladie du siècle" ! Songeons que plus de 1000 essais de traitements nouveaux ont été réalisés dans le monde au cours des dix dernières années, avec un taux d'échec de 99,6% !

Si le nombre des neurones avoisine 85 milliards dans le cerveau de l'homme, comme chaque neurone fait plusieurs dizaines de milliers de contacts avec ses voisins, et comme un neurone propage environ un millier de signaux par seconde, il apparaît - chiffre consternant - que nous produisons chacun environ 1 milliard de milliards de signaux par seconde !

On attribue la découverte des cellules gliales au neuropathologiste Rudolf Virchow en 1856
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Il faudra presque un siècle de travaux scientifiques pour montrer que les astrocytes permettent : 1. d'assurer la fourniture d'énergie pour le fonctionnement optimal des neurones ; 2. de participer à la communication entre toutes les cellules nerveuses ; 3. de contrôler la formation des synapses et la création de nouveaux neurones ; 4. de jouer un rôle dans la production de nos comportements...

N.D.L. : Astrocyte = L'un des trois principaux types de cellules gliales, celui qui est principalement traité dans ce livre.

La vision classique d'une communication entre neurones par l'intermédiaire des synapses s'est étendue pour inclure une communication entre neurones et astrocytes et une autre communication au sein même du réseau astrocytaire. Et les surprises ne s'arrêtent pas là : les astrocytes libèrent des molécules qui agissent sur les neurones et peuvent même moduler l'activité synaptique. Un nouveau terme a même été formulé pour définir ce type de communication : la "gliotransmission" - par opposition à la neurotransmission.

Des travaux récents ont montré que les cellules microgliales ont également un rôle physiologique dans la plasticité synaptique. En effet, au cours du développement et même chez l'adulte, les cellules microgliales éliminent certaines connexions non fonctionnelles et sculptent ainsi les circuits neuronaux pour en optimiser l'efficacité.

La myéline est une membrane protectrice et isolante qui entoure la plupart des fibres nerveuses à la manière de la gaine plastique qui isole les fils électriques (Zalc et Rosier, 2016). Elle est faite d'oligodendrocytes et entoure les axones des neurones. À quoi sert-elle ? À accélérer le petit courant électrique (influx nerveux) qui court le long des axones.
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Combien de temps un conducteur d'automobile met-il pour freiner devant un obstacle ? Réponse : 2/100 de seconde environ ! Pourtant, entre l'oeil qui perçoit l'obstacle et le muscle de la jambe qui freine, il y a presque 2 mètres...
La raison ? La myéline qui entoure les différentes fibres nerveuses qui vont de l'oeil au cerveau et de celui-ci aux muscles. Si ces fibres nerveuses n'étaient pas myélinisées, il faudrait 2 secondes avant que le conducteur freine !

N.D.L. : Les oligodendrocytes sont des cellules gliales.

(p. 90)

L'utilité de l'inutile.

Dans un monde où dominent bien souvent l'irrationnel et la haine, n'est-il pas curieux que des individus se consacrent à accroître la connaissance, à réduire la souffrance, à vaincre les maladies - à faire de la recherche ? Le font-ils en fonction de la satisfaction intellectuelle qu'ils en tirent ou parce qu'ils se sont donné pour but d'améliorer le sort de la civilisation ? pour les "savants" du passé, c'était la liberté totale, simple curiosité sans obligation de résultat. Aujourd'hui, nos institutions attribuent les contrats de recherche sur appels d'offres à thèmes, avec une perspective d'utilité, pour la médecine, pour l'entreprise, pour la société. C'est leur rôle, mais on peut se demander si les résultats concrets qui résultent de ces recherches à court ou moyen terme ne limitent pas une réflexion théorique et ambitieuse sur le long terme. L'expérience montre que l'accumulation de connaissances conceptuelles à priori inutiles peut permettre de résoudre des problèmes pratiques avec une grande efficience. En d'autres termes, est-ce que le simple désir de satisfaire =sa curiosité n'est pas plus efficace pour faire les plus grandes découvertes ? N'était-ce pas le cas de Galilée, Leibniz, Newton, Laplace, Faraday, Hertz, Maxwell, Mendeleïev, Rutherford, Gauss, Bohr, Darwin, de Broglie et autres Einstein ?

Si l'on considère que quelqu'un a une intelligence limitée, on dit de lui qu'il n'a que "deux neurones". Il peut aussi avoir une "case en moins", mais jamais des "cellules gliales en moins". Il est vrai que même les plus érudits ne connaissent pas toujours le mot "glie". Tel n'est pas le cas des biologistes qui, dans le domaine des neurosciences, se classent en deux catégories: les spécialistes des cellules gliales (qui on un journal scientifique international de spécialité, appelé Glia) et les spécialistes des neurones, plus nombreux (qui ont aussi leur journal de spécialité, appelé Neuron). On croit rêver, ils se parlent peu...
Les neurones ont un rôle essentiel dans la propagation des signaux qui concourent à nos fonctions mentales, quel peut bien être le rôle des cellules gliales? Celui de simple tissu de soutien au service des neurones pour les nourrir et les débarrasser de leurs déchets? Du "petit personnel" en somme... Et si c'était l'inverse? Et si les neurones étaient au service des cellules gliales? Une provocation? Non, un questionnement. Car si la science des neurones a fait des progrès remarquables au cours des dernières années, c'est encore plus la cas pour la science des cellules gliales, et plus particulièrement des astrocytes. De fait, depuis une vingtaine d'années, les travaux sur les cellules gliales et notamment sur les astrocytes ont pris une réelle envergure.