Citations de Zaü (52)
Je te donne un corps fait de baisers
sculpté de caresses
hâlé de soleil
qui désire
qui embrasse
et jouit
je te donne deux bras
je te donne des mains
des doigts
je te donne deux jambes
je te donne un nid
je te donne un dos
je te donne
je te donne
une âme
- Maram al-Masri
le te donne deux seins
emplis de désir
emplis de tendresse
emplis de crainte
et de lait
deux seins emplis
d'un liquide débordant
de vie
je te donne un ventre doux
qui souffre
conçoit
enfante
un ventre qui désire
embrasse
et jouit
- Maram al-Masri
Je te donne une oreille
qui perçoit les voix secrètes
qui ouvre ses portes au tumulte de la vie
qui croit les promesses
et danse sur chaque rythme
une oreille qui pleure
et sourit
une oreille qui désire
qui embrasse
et jouit
- Maram al-Masri
Je te donne des yeux aux pupilles ouvertes
je te donne leurs paupières
leurs cils
leur eau
et leur huile
je te donne
l'éclat des joies
et des chagrins
des yeux qui regardent et voient
des yeux qui désirent
qui embrassent
et jouissent
- Maram Al-Masri
Je te donne une bouche propre
parfumée de musc
et de secrets
je te donne une bouche qui mange
qui mâche
qui boit
qui avale
je te donne une bouche qui raconte des histoires
qui clame des poèmes
qui sourit métaphores
et pleure de douleur
une bouche qui désire
qui embrasse
et jouit
- Maram al-Masri
Elle est
supplique de tous les dons
des connaissances
des souvenirs
des baisers vécus
et rêvés
la jouissance
qui nous a saisis
elle est
le bruit
de l'eau qui jaillit
qui vient de loin
de la tête d'une montagne
du ventre d'une vallée
qui gravit
descend
roule
trébuche
se dénude et se couvre
parvient à son dernier souffle
et devant toi
se repose
- Maram al-Masri
Je me tiens comme la terre m'a créée
avec la poésie de mes forêts
et le vent de mes blessures
je vous livre
l'odeur de la cuisine
et de la chambre à coucher
la graisse
et le miel
un rêve découpé par un couteau
qui écorce
une orange
- Maram al-Masri
Tu t'éveilles parmi les éclats d'obscurité
tu reviens du vaste sommeil qui t'étreint
plus fort que mes bras, chaque soir
je me dépouille et t'abandonne
aux herbes hautes de la nuit.
Les heures qui nous engendrent
nous séparent, et je renonce à toi
jusqu'à l'aube qui dissout l'absence.
- Hélène Dorion
Lorsque je me suis éveillé
tu n'étais plus à mes côtés
Il faisait nuit c'était l'été
J'ai gravi le petit escalier qui mène dans un roulis
sur le pont de bateau de notre maison
Tu n'étais pas dans la cuisine, tu n'étais pas dans le salon
Une porte était restée entrouverte
je l'ai poussée comme un soupir
L'ombre de l'oranger a mangé mon visage
Tu dormais dans le jardin
Sur un grand drap bleu de nuit
Le vent jouait encore avec les étoiles
Un instant j'ai vu la branche de jasmin
venir effeurer ton corps
Je n'ai pas dit La vie est belle
Elle était belle et je n'ai pu la retenir
qu'en posant sur ta peau les doigts de rose d'un poème
Bruno Doucey, La vie est belle
À l'heure
où le soleil
laisse glisser sa tête
dans la mâchoire des agaves
une lionne se jette à l'eau
l'ombre de sa crinière
flotte à ses côtés
sa crinière rougeoie comme la mer
sa crinière s'embrase et charme les murènes
elle offre un abri au silence
je la regarde
le vent se lève
arc-en-ciel de passions tropicales ouvre
une route à nos émois
mes racines s'enchevêtrent dans le sol de la véranda
mes bras se dressent brisant les vitres
I'un d'eux déjà s'allonge vers la rive
ma lionne ne le regarde pas
ma lionne nage dans l'eau de feu
sans se soucier du monde qui l'entoure
j'attends
la nuit tombée
elle viendra
offrir aux volcans de mon île
son flanc d'argile et de feuillages
- Bruno Doucey, Les volcans de mon île
Par tes fougères de granit rose
ton regard frappé de feu
tes hirondelles aux mains de vent
Par ta présence dans la roche
la canopée de tes sourires
la houle continue du printemps
Par ton visage l'avenir
la haute route du soleil
et les coulées de sable chaud
Je vais, je viens
Par le séquoia de tes hanches
et les cabris de ta poitrine
Par tes fougères au gré du vent
le granit rose de ton front
Par les lichens de ton suc
et les larmes d'or du feu
Je vais, je viens, je vole
Jusqu'à planter mon corps dans la blessure du sommeil
- Bruno Doucey, Caprera
Je ne dors pas à tes côtés je glisse
dans le sommeil comme une ombre s'allonge
sur les draps de la mer jambes d'étrave
bras de cordage mes chants de marin fou
rêvant ton môle à chaque escale
Tu ne dors pas à mes côtés tu vogues
en caravelle sur la peau des étoiles
l'ombre qui te visite provient des mots
que tu écris pour un marin perdu
la voie lactée est ton opium
Nous sommes l'un et l'autre en voyage
dans un grand lit toutes voiles ouvertes
le vent y souffle histoires et poèmes
tissés de nuit habillés de lumière
où sont serments d'amour en mer
- Bruno Doucey, Ulysse rêvant
Les mots te touchent
mais tardent encore
ils tardent encore à te déshabiller
livrant mes gants
je t'écris les mains nues
au fil du temps et du rasoir
mes mots te touchent
mais moi j'espère
j'espère bien mieux que te toucher
je t'écris les mains nues
au fil du temps et du rasoir
ma langue brûle d'un boucan muet
le clair du temps pèse tes yeux
et toujours le même silence
insoutenable des lettres mortes
mes mots te touchent
encore j'espère
j'aspire encore à te chanter
- James Noël, Les mains nues
Un jour la poésie sortira du marché de la poésie
la poésie sortira de sa tanière
et prendra la route toute seule
comme une grande
ce sera un jour de fresque
un jour peint
sans chevalet
avec des nuances hautes en couleurs
ce jour se boira clair comme une source
se mangera par grappes
mûres de fruits
de beaux fruits qui exploseront de rire
dans le jus de la bouche
l'horizon se donne couché
en toute déraison devant la phrase
un jour viendra
où les muses poseront nues pour les poètes
- James Noël, Un jour les muses poseront nues pour les poètes
tes cils disent au jour
tes cils
disent à la nuit
tes cils disent
à la lune
au soleil
de tomber
et de se lever
roulent tes yeux sur l'horizon
pour voir si tout va
dans le sens de tes cils
si longs
que les papillons viennent
s'y poser
le temps d'un baiser-papillon avant
de partir ailleurs
avec le sentiment du devoir
accompli
paysage élargi dans tes yeux étonnés
si tu me donnes tes cils
je te mangerai les yeux
- James Noël, Langage des cils
Je jette
un
deux
trois cailloux
dans l'eau
trois cailloux dans l'eau
pour dessiner tes hanches
rondes fugitives
désirer
ton sexe
marché triangulaire
route des épices
où ma gueule s'enfonce
en quête des caravelles
je jette
un
deux
trois cailloux dans l'eau
- James Noël, Trois cailloux
Ta chevelure
boucle de nuit
dessine des paysages
pour mes mains
je dis algues
et la mer tremble
rougit
d'un bleu profond
ressac des caresses
mises à sac
par les navires de ton sang
je dis algues
tu divagues
dans ma bouche
unie au désordre fertile
de tes cheveux
- Les algues de ta chevelure, James Noel
Trop d'absence
Ainsi sommes-nous parties
Lèvres longtemps tachées
Du jus des muselières
Graver dans nos vieilles mains
L'ombre poudreuse de nos voiles
Assouplir nos yeux
Grevés de trop de ciel
Tant de bruit ne peut
Que taire la lumière
Ainsi pliées nous voyageons
Sur nos orteils brisés
Femmes de sable le vent nous efface
Nous ne danserons plus sur les ronces.
- Ananda Devi - Quand la nuit consent à me parler
Elle est arrivée des Amériques
avec le train,
avec la mer,
avec l'été et ses valises luisantes.
Dans ses cheveux, une parure qui happe des papillons d'or.
Ses cils posés comme un voile sur ses yeux de feu.
- Aurélia Lassaque, Saint-Jean Le jour
Nous sommes nées
Coeur de femme rouge
Nos visages cuivrés par le soleil des ancêtres
Nos mains liées par le savoir
Nos regards perdus dans la montagne sacrée
Le passé n'est pas le passé
C'est le temps que nous mettons à grandir
Les yeux fermés
C'est l'amour que l'on donne à tous les jours
Ton enfant est le mien
Je ne me pose pas de questions quand je te vois
Tu es la mère qui navigues sur une rivière de grande tendresse
Tu es la scœur de mes frères
Quand tu touches encore le sapinage
C'est comme remuer le temps
Tu parfumes toute la maison du souvenir
La grande maison du nomade
Il est au nord il t'attend
J'étais là pour y respirer
Je suis là poury respirer
Je serai là poury respirer
- Rita Mestokosho, Femme du matin rouge