Bruno Doucey lit un texte de
Breyten Breytenbach, extrait du recueil "La main qui chante" ! Traduit de l'afrikaans par
Georges-Marie Lory et paru en octobre 2020.
Le coeur- étoile
Les nuages resteront
entre eau et vent
pour forger la lumière
en un noeud plongeant
dissolvant les rêves dont on se souvient
Savez-vous ce qui constitue le cauchemar des jeunes hommes des classes moyennes d'Afrique du Sud aujourd'hui ? Être arrêtés pour excès de vitesse ou sous influence de drogue, et être mis dans la même cellule que des criminels endurcis avant d'être libérés quelques jours plus tard - le plus souvent avec le virus du sida.
eine kleine Nachtmusik
(où la langue change : un chant de confession)
extrait 2
je me figure que l’encre a absorbé les rêves
des gens qui comme des caillots d’argile
s’accrochent encore enrobés dans des chiffons
et dorment du sommeil des morts
arrivé par la nuit
marmonnant sachant
que la vie n’est pas une option,
l’œil quelconque du videur de lune,
qu’il ne suffit pas d’écouter
le couloir de respiration tremblante,
toi l’accompagnateur qui doit partir en éclaireur,
passant le visage de la nuit derrière la frontière
où se trouvent lumière du jour, mer, humains
(en mémoire de Benedix Schönflies)
Testament d’un rebelle
donne-moi une plume
que je puisse chanter
que la vie n’est pas vaine
donne-moi une saison
pour regarder l'air dans les yeux
lorsque le pêcher vomit sa plénitude blanche
une tyrannie s'écroule
laisse pleurer les mères
laissent les seins dessécher
tarir les girons
lorsque l'échafaud sèvre pour la dernière fois
donne-moi un amour
qui ne pourrisse jamais entre les doigts
donne-moi un amour
comme celui que je veux te donner
donne-moi un cœur
qui batte sans arrêt
batte batte plus fort que le battement blanc
d’un pigeon craintif dans la nuit
battra plus sec que les plombs amers
donne-moi un cœur, une petite fabrique de sang
qui peut cracher
des fleurs de joie
car le sang est doux est beau
jamais vrai ou faux
je veux mourir avant d'être mort
lorsque mon sang est encore fertile
et rouge
avant que ne tombe la lie noire du doute
donne-moi deux lèvres
et de l’encre claire pour ma langue
qui couvrira de lait
une grande lettre d’amour pour la terre
qui sera de jour en jour plus douce
exorcisera toute l'amertume
qui brûlera plus doux comme l'été
laisse alors venir l'été
sans bandeau ni corbeau
laisse le pilori le pêcher
donner ses fruits rouges en paix
et offre-moi un lai
de colombes de satisfaction
que je puisse chanter de mon pis
que la vie n'est pas vaine
car comme je meurs les yeux ouverts
ma chanson rouge ne périra pas
22.2.66
(pp. 36-37)
La liberté, c'est le minotaure en dehors des murs.
si tu lèches le sable d'un pays étranger
quand tu arrives là-bas en visite
tu repousse ses mauvais génies et tourments
Monsieur l'Interrogateur, si vous êtes vraiment ce que je pense, comme vous auriez aimé rencontrer Nails Van Byleveld. Quels romans cet homme doit avoir dans le cercueil de sa mémoire ! Quel paradoxe, quelle joie, on doit éprouver à effilocher l'écheveau de vêtements dont il est habillé ! On en reparlera plus tard.
[...]
tu apprends à mendier
à donner en pâture aux bureaucrates insatiables
le remords cru de ton peuple
à tous les Fonctionnaires de la Conscience du Monde
tu regarde dans leur trou-du-cœur : à l'intérieur du miroir
de sorte que tu es encore éveillé le matin
avec un grommellement gris dans la bouche
les mots essaiment
comme des parasites sur ta langue
tes mots bâtissent des nids dans ta gorge
en foule tu es un réfugié professionnel
tu ne bois ni ne fumes
car ta vie est une arme
tu crèves d'un poison nommé désespoir
tu es battu dans un cul-de-sac comme un chien
[...]
(extrait du poème « Exilé, porte-parole », p. 59)
Raconter des histoires est un système de connaissance, un essaim de mots qui sur la page rassemble "l'autorité"; (...) L'imagination n'est-elle pas la première expression de l'identification et par conséquent, de la générosité?
your letter is delightful, larger and lighter
than thoughts of a flower when the dream
is the earth of a garden