Les carnets retrouvés de Dang Thuy Tram
Oh mon frère, je t'aime immensément, mais quand on aime, il ne peut pas y avoir que des matins splendides et ensoleillés et de paisibles après-midi. L'amour c'est aussi l'orage après une calme journée d'été.
Incapables de repérer les maquisards parmi la population qui leur apportait son soutien, les Américains utilisèrent leur formidable puissance de feu contre les villages. La tactique des Marines consistait à bombarder ou arroser d'obus les hameaux d'où provenaient les coups de feu ainsi que ceux dont ils pensaient qu'ils fournissaient de la nourriture et du travail à l'ennemi. « Les Marines américains n'hésiteront pas à détruire immédiatement tout village ou tout hameau qui donne asile aux Viet Công », lisait-on sur un tract lâché au-dessus des villages.
Il y a plus d'un an que j'ai quitté ma ville natale, cette année sera-t-elle la dernière loin de la maison ? Soudain je me souviens des jours d'avant le soulèvement du Sud, des jours pleins de bonheur et d'espoir. Comme je voudrais que ces jours reviennent, comme je voudrais ressentir la joie des
vainqueurs, entendre le chant de la révolution que l'on se transmet à travers les générations : « En route, camarades, en route… même s'il faut mourir, prenons le pouvoir pour le peuple. »
J'ai appris de mes contacts avec les gens qu'il ne fallait pas être trop confiant. L'affection doit être démontrée par l'action et pas seulement par des mots dans une lettre. Retiens bien cela, Thuy. La vie est pleine de ces êtres insignifiants qui cherchent à se faire une place, de cette graine de petits ambitieux qui rivalisent et se jalousent pour un peu plus de prestige, un peu plus de pouvoir. Tu n'as pas à t'en étonner, sois seulement sur tes gardes et plus vigilante que jamais.
Le chagrin a creusé mon cœur comme la pluie de mousson, impitoyable, creuse un sillon profond dans la terre. Je voudrais connaître une joie insouciante, mais je n'y parviens pas. Mon cerveau est empreint à jamais de sinistres pensées, pas moyen de les effacer. Sans doute n'y a-t-il qu'un moyen d'y arriver, c'est de n'avoir qu'une exigence : soigner les malades et améliorer l'hôpital. Pourquoi suis-je toujours cette enfant rêveuse qui exige trop de la vie ?
Quant au Parti, il va falloir qu'il reconnaisse ma valeur. Ceux qui m'aiment et me respectent sont plus nombreux que ceux qui me détestent. Finalement, ils me détestent seulement parce qu'ils sont jaloux.
Combien de mères comme la mère de Duong pleureront des larmes de sel jusqu'à ce que ces larmes se tarissent…
Si je tombe, moi aussi, ma mère, comme celle de Duong, souffrira éternellement parce que son enfant est tombée sur le cruel champ de bataille.
Maman, comment te dire que je t'aime des centaines de millions de fois mais qu'il fallait me résigner à partir loin de toi ? L'ennemi est toujours là, combien de mères vont perdre leur enfant, combien de maris vont perdre leur femme ? Notre souffrance est infinie.
Et j'ai compris tout d'un coup pourquoi on peut sacrifier toute sa vie pour notre cause, comment on peut rester fidèle à jamais à la révolution. La révolution a forgé des êtres admirables, les a réunis en un bloc plus solide et plus durable que n'importe quoi ici-bas. Faire partie de la famille révolutionnaire, y a-t-il quelque chose qui peut vous rendre plus fier que ça ?
Le 16 mars 1968, une section de la 11e Brigade entra dans le village de Son My au nord de la ville de Quang Ngai, rassembla les vieillards, les femmes et les enfants dans un fossé et en tua 504. Ce drame, tenu secret pendant plus d'un an, fut connu sous le nom de « massacre de My Lai ».
7 mars 1970 - Il y a aussi les déceptions et ceux qui ne m'aiment pas. Mais... tout compte fait, c'est à cause de moi. Dans la vie, quoi qu'on fasse, on ne pourra jamais satisfaire tout le monde. Cela empêche pas de remédier à ses faiblesses.
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