C'est en voyant combien vagues et incomplètes sont nos notions sur un peuple de l'importance des Chinois que nous sentons l'immensité de la tâche à remplir ; la connaissance de la Chine est une partie considérable et presque inexplorée de cette histoire universelle qui racontera les étapes successives de l'humanité en marche vers son but inconnu.
Toute littérature peut être regardée comme un ensemble de faits qu'il est intéressant d'étudier en eux-mêmes et pour eux-mêmes. Sous un autre aspect, une littérature nous apparaît comme un ensemble de forces qui exercent une action puissante sur les esprits des hommes ; il importe de mesurer cette influence pour déterminer quel rôle elle joue dans l'immense concours de causes qui produisent un état social. C'est à ce second point de vue que nous considérerons les œuvres littéraires chinoises.
Assurément la critique remplira quelque jour sa tâche en montrant dans ces livres quelles sont les parties authentiques, en dénonçant les interpolations et en retrouvant la civilisation primitive dont nous n'avons plus qu'une image embellie. Mais dans l'état actuel, grâce aux remaniements dont ils ont été l'objet, ces textes présentent un tableau, non pas fidèle, mais idéalisé de l'antiquité, une leçon de morale en action. Ce n'est plus le passé tel qu'il fut, mais tel qu'on voudrait qu'il eût été et par là se justifie le point de vue de l'Extrême-Orient qui place encore son âge d'or à la jeunesse du monde.
..., parmi les causes qui ont comme consacré l'autorité des classiques, il faut noter l'importance qu'ils attachent aux rites. A vrai dire, les prescriptions rituelles sont, pour un lecteur européen, ce qu'il y a de plus insipide dans les livres de la Chine ; nous ne comprenons pas quel intérêt peuvent avoir des règles infiniment minutieuses sur les vêtements de deuil, sur les différentes manières de saluer, sur le maintien que doit avoir un lettré ; nous voulons plus de spontanéité et il nous semblerait absurde de déterminer à l'avance en détail nos attitudes et nos sentiments. Aux yeux d'un Chinois, au contraire, il faut apprendre à se bien conduire, parce que c'est ainsi qu'on en viendra à bien penser ; les rites ne sont que les symboles de divers états d'âme, si donc on les observe avec exactitude, on sera par là même porté à concevoir les idées qu'ils supposent. De même que les châtiments répriment la perversité, ainsi les rites suscitent la vertu. La sagesse étant conçue comme une qualité qu'on acquiert par le seul fait qu'on accomplit les actes qu'elle inspirerait, on a donc été amené à écrire des volumes sur la manière dont se comporte le sage dans toutes les circonstances de la vie ; on a rédigé une longue casuistique de la bienséance. Ce code moral est le premier et le plus sérieux enseignement qu'on inculque aux jeunes Chinois.
Les attributions générales d’une divinité-montagne sont de deux sortes : d’une part, en effet, elle pèse par sa masse sur tout le territoire environnant et en est comme le principe de stabilité ; elle est le régulateur qui empêche le sol de s’agi ter et les fleuves de déborder ; elle met obstacle aux tremblements de terre et aux inondations. D’autre part, les nuages s’accumulent autour du sommet de la montagne qui semble les produire et qui mérite l’épithète homérique d’ « assembleur de nuages » ; la divinité-montagne a donc sous ses ordres les nuées fécondes qui répandent la fertilité sur le monde et elle fait pousser les moissons.
En 651 cependant, Ho-lou s’était emparé des territoires de Che-koei kagan [18] et de Tou-lou kagan. En 657, il fut battu par les Chinois, mais il ne fut fait prisonnier qu’en 658.
A partir de cette date, les Tou-kiue occidentaux ne forment plus un empire uni et puissant. Tombés sous la suprématie de la Chine, plus tard attaqués par les Tou-kiue septentrionaux, ils cessent de jouer un rôle politique important et finissent par être complètement évincés par les Karlouks vers le milieu du VIIIe siècle.
Nous abandonnons maintenant la Mandchourie et nous nous transportons dans le Chan-tong central, terre âpre et rocheuse où il n'y a plus de routes pour les chars, mais où on suit des pistes étroites qui ne livrent passage qu'aux brouettes à une roue, aux cavaliers et aux mules de bât. C'est dans cette région austère de la Chine qui naquit, en l'an 551 avant Jésus-Christ, Confucius, le sage de la doctrine sociologique constitue encore aujourd'hui comme l'armature morale de l'esprit chinois.
Les deux itinéraires dont nous donnons ici la traduction et le com-mentaire sont reconstitués au moyen de passages disséminés dans la partie géographique du T’ang chou. Le premier décrit la route méridionale qui passait au sud du T’ien-chan, traversait cette chaîne de montagnes à la passe Bédel, arrivait à Tokmak, au sud de la rivière Tchou et aboutissait à Aoulie-ata, sur la rivière Talas. Le second itinéraire est celui de la route septentrionale qui passe par Ouroumtsi, Manas, Kour-kara-oussou, traverse les monts Iren-chabirgan, débouche dans la vallée de l’Ili et se dirige de là sur Tokmak. Ces deux routes sont celles qui furent habituellement suivies par les voyageurs et par les armées et qui mirent en relations pacifiques ou guerrières la Chine et les Tou-kiue occidentaux ; sur leur parcours, nous trouvons quelques localités qui jouèrent un rôle historique important et nous pouvons placer ainsi un certain nombre de jalons qui orientent et délimitent nos recherches.
Si les grands fondateurs dans l’ordre religieux et moral ne sont pas des raisonneurs subtils, ils ne se glorifient pas non plus de la rareté ou de l’originalité de leurs conceptions. Ce qu’ils annoncent aux hommes leur est apparu avec l’évidence des vérités éternelles, et leur voix éveille de longs échos dans le coeur innombrable de la multitude parce qu ’elle n’est que la révélation de ce qui existe confusément dans les profondeurs inconscientes de toute âme. « Je n’invente rien, disait Confucius, je ne fais que transmettre. » Ce qu’il transmettait ainsi à la postérité, c’était la réponse qu’avaient balb utiée avant lui pendant des siècles les plus sages parmi les Chinois, lorsqu’ils se de - mandaient quel est le but de l’activité humaine et par quels moyens il convient de la guider.
Les premiers siècles de l’histoire de Chine sont fort obscurs ; la raison principale de cette imperfection de nos connaissances est que l’archéologie n’a pas jusqu’ici apporté aux textes littéraires le complément d’informations dont ils ont besoin. Cet état de choses changera sans doute lorsqu’on aura entrepris de faire des fouilles dans le vieux sol où gisent enterrés les vestiges des époques disparues. A défaut de ces recherches méthodiques qui n’ont pas encore été pratiquées, un hasard heureux a fait découvrir, il y a une dizaine d’années, tout un ensemble de documents qui méritent au plus haut point de retenir notre attention, car ils paraissent être antérieurs au premier millénaire avant notre ère.