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4.6/5 (sur 10 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Tours , 1930
Mort(e) le : 10/2006
Biographie :

Spécialiste français de la langue et de la culture arabes et de l’histoire de l’islam (1930-2006).

Né à Tours en 1930, Alfred-Louis de Prémare a passé son enfance au Maroc où il a appris l'arabe. Il fait des études de langue et de littérature arabes à l’Institut des hautes études marocaines et à l’Université Mohammed V de Rabat. De 1963 à 1965, puis en 1968, il avait été accueilli à l’Institut dominicain d’études orientales du Caire. Il a passé une partie de sa vie au sein de l'ordre des franciscains où il a étudié la philosophie et la théologie. Il a terminé sa carrière comme professeur à l'Université de Provence, enseignant-chercheur à l'IREMAM. Ses spécialités : les textes fondamentaux de l'islam et les langues et cultures du Maroc. Il a notamment publié Les Fondations de l’islam. Entre écriture et histoire (Le Seuil, 2002). Alfred-Louis de Prémare est décédé en octobre 2006.
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Source : http://www.bibliomonde.com
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Bibliographie de Alfred-Louis de Prémare   (4)Voir plus

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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Sept siècles après la charte de Yathrib, l'historien maghrébin Ibn Khaldoun essayait d'analyser l'origine du pouvoir et les facteurs sociaux qui président à la naissance des dynasties et des empires. Un chapitre de ses Prolégomènes (al-Muqaddima) est intitulé : « Du fait que la souveraineté n'échoit aux Arabes que sous un aspect religieux émanant d'un prophète ou d'un saint personnage ou, d'une manière plus générale, sous une forte influence de la religion ».

« La cause en est, poursuit-il, que les Arabes, en raison du caractère sauvage qui est en eux, sont le peuple le moins accessible à la subordination des uns aux autres. Cela est dû au fait qu'ils sont rudes, fiers et ambitieux et qu'ils rivalisent pour la suprématie ; aussi est-il rare que leurs désirs s'accordent. Mais s'ils adhèrent à une prophétie (nubuwwa) ou au charisme d'un saint (walâya), la régulation se produit à l'intérieur d'eux-mêmes. Le tempérament d'orgueil et de rivalité disparaît de leur comportement, ils deviennent faciles à soumettre et à rassembler. Ils sont totalement investis par la religion qui fait disparaître leur rudesse et leur arrogance, qui réfrène leur jalousie et leur compétition mutuelles. Dès lors qu'il y a chez eux un prophète (nabî) ou un saint (walî), celui-ci les incite à soutenir la cause de Dieu, fait disparaître ce qui, dans leurs mœurs, mérite la désapprobation au profit de ce qui y mérite la louange. Il fait régner entre eux l'accord pour faire triompher la vérité. Alors leur union s'accomplit parfaitement. Et se réalisent alors pour eux la domination et la souveraineté (al-taghallub wa l-mulk). »

Cette analyse, qui semble bien refléter l'esprit de la charte de Yathrib, lui était inspirée par ce qu'il connaissait des débuts de l'islam à travers les récits transmis d'Ibn Is'hâq, qu'il appelle Siyar (pluriel de Sîra). Ceci apparaît dans les mentions qu'il fait de ce dernier. Ainsi consacre-t-il un autre chapitre des Prolégomènes à l'ancrage initial du pouvoir politique dans la tribu des Quraysh. Ceux-ci, estime-t-il, pouvaient d'abord se prévaloir de leurs attaches généalogiques avec le prophète (wuslat al-nabî). Mais, surtout, parmi tous les Arabes, c'était à leur capacité de vaincre et de dominer que l'on se soumettait; et il concluait : « Ibn Is'hâq, dans son livre des Siyar, l'a souligné, comme bien d'autres. »

Depuis Muhammad, en effet, et durant plusieurs siècles, les Quraysh furent les détenteurs du pouvoir politique. Parenté avec le prophète, esprit de corps et capacité de vaincre, telles étaient, selon Ibn Khaldoun, les bases sociales de leur pouvoir. L'historien trouvait là une illustration de plus à sa théorie générale du pouvoir. Le pouvoir, selon lui, est basé essentiellement sur la force de « l'esprit de corps », c'est-à-dire sur la solidarité interne d'un groupe lié par une parenté commune et capable de s'imposer aux autres. Il est un fait que presque tous les grands généraux de la conquête appartenaient aux Quraysh. (pp. 111-112)
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La mise en place des corpus scripturaires islamiques - Coran et Hadîth - fut donc une opération complexe et progressive. Son histoire et celle de ses scribes restent encore entourées d'incertitudes dues au caractère disparate des informations qui nous en sont parvenues dans des ouvrages généralement tardifs, où le mode de transmission des informations est souvent aléatoire et les contradictions souvent surprenantes. Il faut cependant savoir gré aux auteurs de ces ouvrages, souvent habiles dans l'art du sous-entendu, de n'avoir pas lésiné sur les versions différentes d'une même histoire, sur les points de vue contrastés concernant les mêmes faits et sur les jugements contradictoires relativement aux acteurs des mêmes opérations.

Cependant, la vision globale qui était la leur se trouvait généralement commandée par des schémas déjà bien établis de leur temps : celui d'un Coran transmis directement du ciel au prophète durant la période relativement courte de sa carrière, et celui de traditions dont on affirmait qu'elles reproduisaient « les paroles mêmes » du prophète, ses ipsissima verba, en remontant les chaînes de transmetteurs identifiés et authentifiés. Il n'empêche que, par le jeu même de leur mode de transmission, et par le fait que les écritures islamiques se sont mises en place dans une atmosphère de conflits entre des courants politiques antagonistes, les compilateurs nous ont souvent livré, à travers leurs « Un tel a dit », leurs propres interrogations sur des réalités qui allaient très souvent à rencontre des schémas théoriques simplificateurs qu'ils avaient en tête, ou qu'ils affichaient dans leurs écrits. C'est dire que les fondations scripturaires de l'islam ne sont pas à considérer indépendamment de l'ensemble des conditions générales qui ont présidé à leur élaboration au cours des deux premiers siècles de l'hégire [7 e -8 e s. de notre ère]. Les conditions internes de la première umnia, avant, au cours ou après les premières conquêtes, ne peuvent être isolées du contexte général d'un Proche-Orient terre de conquête d'une part, et déjà bien fourni en écritures religieuses d'autre part. Cela se voit à travers les textes islamiques et leur contenu dès les débuts de leur élaboration ; cela se voit à travers les hommes qui nous en sont présentés comme les acteurs principaux du vivant de Muhammad et sous les règnes de ses successeurs tout au long du 7 e siècle.

Cela ne signifie pas que les Écritures islamiques soient en tout point un simple remake de versions scripturaires antérieures, même en ce qui concerne les Traditions Israélites dont le Coran et le Hadith sont pourtant truffés. Les musulmans ont retaillé ces traditions antérieures à la mesure de ce qu'ils ont choisi comme étant leur monothéisme propre, le mode d'affirmation de leur umma et l'expression de ce qu'ils considéraient comme leur suprématie politique et religieuse sur toutes les autres communautés.

C'est précisément en ayant une meilleure connaissance de ces conditions générales que nous nous mettons en mesure de percevoir plus finement ce que les Écritures islamiques peuvent avoir de spécifique par rapport aux sources auxquelles elles se sont largement abreuvées à travers les hommes et leurs textes. Ce n'est pas autrement que peut prétendre procéder l'étude sérieuse des fondations scripturaires de l'islam. (pp. 338-339)
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Ibn Is'hâq, en effet, fut une personnalité contestée et ses récits semblent donc avoir eu besoin d'amendements. À Médine, il serait entré en conflit d'abord avec le gouverneur car il s'était permis d'interviewer sa femme ; ensuite avec Mâlik, un représentant éminent de la Tradition musulmane, dont il s'était permis de déprécier les informations, et qui le traitait d'imposteur. On lui reprochait ses tendances chi'ites, comme on lui reprochait de « transmettre à partir des juifs et des chrétiens ». Le bibliographe du 10 e siècle Ibn al-Nadîm ne semblait connaître les relations d'Ibn Is'hâq qu'à travers deux recensions autres que celles que nous ossédons. Quant au texte original, il n'en parle que sur le mode du « on dit », pour évoquer la « scandaleuse » (fadîha) propension d'Ibn Is'hâq à y insérer des vers apocryphes sur la suggestion de faussaires qui travaillaient pour lui.

Connaissant, dans la tradition historiographique arabe primitive, l'importance des citations poétiques pour appuyer, sinon la véracité, au moins l'importance que l'on accorde à ce que l'on raconte, on ne peut que remettre à sa place un mode d'écriture qui est beaucoup plus une forme d'expression littéraire que le support de documents d'histoire. Ibn Hishâm, en dépit de ce que l'on dit des « amendements » et des « résumés » qu'il fit subir au travail d'Ibn Is'hâq, fut finalement fidèle à ce même mode d'écriture. Nous connaissons deux autres recensions de ce qui est attribué à Ibn Is'hâq : celle d'Ibn Bukayr [m. 814-5] est souvent originale et parfois assez différente de celle d'Ibn Hishâm. (p. 16)
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Les premières conquêtes islamiques furent donc dirigées par des hommes d'Arabie, principalement de Quraysh, qui, pour la plupart, étaient déjà en contact habituel avec les différentes contrées du Proche-Orient. C'est ce qui apparaît dans les chroniques externes les plus anciennes comme dans les sources islamiques internes, plus tardives. L'Arabie, en effet, n'était pas isolée d'un ensemble auquel elle était étroitement reliée à la fois par les mouvements de population du Sud vers le Nord, les échanges commerciaux incessants et la politique d'influence et de contrôle menée par les grands empires par l'intermédiaire de leurs alliés, les rois arabes du Nord. Comment est donc né ce mouvement dynamique qui devait mettre fin à l'empire des Perses sassanides, et s'emparer dès le 7 e siècle de plusieurs provinces de l'Empire byzantin d'Orient, en attendant de nouvelles conquêtes ? (p. 79)
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