Vous me demandez donc d'écrire quelle est, à mon avis, la forme de courtisanerie la plus convenable à un gentilhomme vivant à la cour des princes, par laquelle il puisse et sache parfaitement les servir en tout chose raisonnable, pour acquérir leur faveur et les louanges des autres ; bref, de quelle sorte doit être celui qui mérite le nom de parfait Courtisan, de manière que ne lui manque rien.
Mais quant aux mots, certains restent bons quelque temps, et puis vieillissent et perdent leur grâce ; d'autres prennent de la force et deviennent appréciés, car, de même que les saisons de l'année dépouillent la terre de ses fleurs et de ses fruits, et puis de nouveau la revêtent d'autres, de même le temps fait choir ces premiers mots, et l'usage en fait renaître d'autres à nouveau et leur donne grâce et dignité, jusqu'à ce qu'étant peu à peu rongés par la morsure envieuse du temps, ils finissent eux aussi par mourir, parce que, finalement, nous-même et tout ce qui nous appartient, nous sommes mortels.
D'aucuns disent aussi que j'ai cru me dessiner moi-même, en me persuadant que les qualités que j'attribue au Courtisan sont toutes en moi. Je ne veux pas nier à ceux-là que je n'aie pas essayé tout ce que je voudrais que le Courtisan sût, et je pense que quelqu'un qui n'aurait pas eu quelques connaissances des choses qui sont traitées dedans le livre, nonobstant toute son érudition, n'aurait pas pu bien les écrire. Mais je ne suis pas dénué de jugement dans la connaissance de moi-même au point de présumer savoir tout ce qui, je le sais, me fait défaut.
« C’est bien plus souvent dans les petites choses que dans les grandes que l’on connaît les gens courageux. »
de Baldassare Castiglione
Extrait du Le Parfait Courtisan
En pardonnant trop à qui a failli, on fait injure à qui n'a pas failli .
« […] Faire preuve en toute chose d’une certaine sprezzatura, qui cache l’art et qui montre que ce que l’on a fait et dit est venu sans peine et presque sans y penser. »
Le Livre du courtisan, 1528