Chaque jour, quand il arrivait à la maison, à sept heures vingt-cinq exactement, notre monde aimable et ordinaire se paralysait, comme pétrifié par un sortilège. (...) Les choses se taisaient, s'arrêtaient d'elles-mêmes, comme s'il n'existait plus rien que cet homme à la présence omnipotente, s'abattant de tout son poids sur notre monde et nous.
Elle avait inconsciemment pénétré dans la grotte sombre de la peur, ce lieu terrible où la victime préfère se sacrifier plutôt que de risquer de provoquer la colère de son bourreau.
Elle voulait que Sao garde espoir, qu'elle conserve le désir de lutter et ne tombe pas définitivement dans le piège de la résignation, aussi dangereux qu'un marécage.
Elle était pauvre et dans le livre des pauvres, il était écrit que ces derniers n’avaient pas accès à la connaissance, qu’ils devaient travailler depuis l’enfance pour obtenir une miette de ce que les riches possèdent à foison : juste de quoi se nourrir et se vêtir, quatre murs et un toit pour se protéger de la pluie et du soleil torride
J'ai toujours envié ceux qui croient pouvoir contrôler leur vie. Qui affirment avec satisfaction l'avoir construite, pierre après pierre, alternant réussites et erreurs, bonnes ou mauvaises expériences, recouvrant la douleur du bonheur, comme s'ils s'élevaient, sur une hauteur, une solide et indestructible forteresse. Une vie régie par leur propre décrets et menée avec une volonté de fer, qui coule dans leurs veines comme le sang. Et au fond de leur tripes, du courage.
Au lieu de ça, j’ai vécu en vase clos, prisonnière de mes peurs, voulant à tout prix éviter l’angoisse du changement et de la prise de risque. Aussi rigide et blême qu’une statue. Comme si mon sang avait coagulé. De sales caillots de pierre entravant tous mes mouvements.
La tristesse était pour ma mère comme une seconde peau : elle la portait avec résignation et splendeur.
Lorsqu'on entendait cette musique [la sonate en si mineur de Liszt], il était impossible de ne pas croire que l'homme était l'égal des dieux, maître et seigneur de son propre destin, digne de vivre et de mourir en liberté. (p.191).
Elle avait compris que la cruauté des gens arrogants était un des attributs les plus destructeurs de l'être humain, et que la soumission des faibles équivalait à leur anéantissement en tant que personnes. (p.91).
Elle ne put s'empêcher de continuer à le voir, se sentant à la fois si heureuse et si triste qu'elle ne parvenait pas à se comprendre elle-même. (p.60).