" Et pendant que nous attendions la mort,
certains d'entre nous habitaient
dans la chimère des mots (...).
Écrire c'était vivre, survivre. "
Rose Ausländer (1901-1988).
Nous allâmes chez nous
sans roses
elles étaient restées à l’étranger
Notre jardin est
enterré dans le cimetière
Beaucoup de choses
se sont transformées
en beaucoup de choses
Nous sommes devenus des épines
dans les yeux des autres.
Munie d'une valise
en soie
je parcours le monde.
Un pays austère
l'autre formidable,
le choix m'est difficile –
Je reste sans patrie.
*
ALICE
Quand l’herbe s’éveille
des doigts verts frappent à ma tempe
ALICE
et on s’en va par la galerie entre les pins
dans le domaine des cerfs et des lièvres
Je bois le lait des champignons
et me fais toute petite
minuscule scarabée je grimpe le long d’une tige
Audibles ruissellent des conversations d’abeilles
Audibles ruissellent des conversations d’oiseaux
mes langues maternelles
Une belette en fuite me met en garde
contre le lynx aux aguets
Arrive mon craintif ami
le chevreuil
qui me tient au courant
Je mange de la chair de champignon
et me répands partout dans les bois
Des miroirs font toilette dans la rosée
l’arc-en-ciel en chaque goutte
colore de sept manières le mystère de la sphère
À quel moment es-tu arbre
À quel moment es-tu oiseau
À quel moment es-tu chant
ALICE
-
ALICE IN WONDERLAND
Wenn das Gras aus dem Schlaf steigt
klopfen grüne Finger an meine Schläfe
ALICE
und es geht durch den Kiefernschacht
ins Gebiet der Hirsche und Hasen
Ich trinke Milch aus dem Pilz
und schrumpfe zusammen
Käferklein erklimm ich einen Halm
Deutlich rieselt Bienengespräch Vogelgespräch
meine Muttersprachen
Ein flüchtendes Wiesel warnt mich
vor dem lauernden Luchs
Hier kommt meine schüchterne Freudin
das Reh
und gibt mir Bescheid
Ich esse Pilzfleisch
und wachse waldweit
Spiegel waschen sich im Tau
Der Regenbogen in jedem Tropfen
färbt siebenfach das Geheimnis des Kreises
Wann bist du Baum
wann bist du Vogel
wann bist du Lied
ALICE
'Alice' traduit de l’allemand par Michel Lemercier in Revue Po&sie no 82, 1997.
Je suis le sable
du sablier
et je m'écoule
dans la vallee du temps
qui m'étreint
(" Je compte les étoiles de mes mots")
LE SILENCE
Si tu vis
dans un monde de bruits
qui un jour se taisent
où les roues s’arrêtent
les avions ne vrombissent plus
il se trouve soudain devant toi
ange de cristal
mais pas muet
car le silence
a une voix.
DIRE OUI
Dire oui
à la vie
qui joue
avec toi
et avec tes mots
jeux de mots
pleins de secret
de ruses et de miracles
Comédie et tragédie
de ton existence
Réconciliation
Encore un matin
sans fantômes
l'arc-en-ciel luit dans la rosée
en signe de réconciliation
Tu peux te réjouir
du dessin parfait de la rose
tu peux dans le dédale vert
te perdre te retrouver
sous une forme plus claire
Tu peux être homme
en toute simplicité
Le rêve du matin te raconte
des histoires tu peux
réordonner les choses
distribuer les couleurs
et redire
bon
ce matin tu es
créateur et créature
-
Versöhnung
Wieder ein Morgen
ohne Gespenster
im Tau funkelt der Regenbogen
als Zeichen der Versöhnung
Du darfst dich feuen
über den vollkommenen Bau der Rose
darfst dich im grünen Labyrinth
verlieren und wiederfinden
in klarerer Gestalt
Du darfst ein Mensch sein
arglos
Der Morgentraum erzählt dir
Märchen du darfst
die Dinge neu ordnen
Farben verteilen
und wieder
schön sagen
an diesem Morgen
du Schöpfer und Geschöpf
Traduit de l'allemand par Dominique Venard
(pp.56-57)
Je ressens
le clair attrait
de ta présence
(" Je compte les étoiles de mes mots")
Reste
à ton mot
Fidèle
Il ne
t'abandonnera
pas
J'aimerais
égaler une constellation
qui doucement
m'éclaire
comme un chant
Traduit de l'allemand par Edmond Verroul | pp. 39 & 87
Les jours de silence
ne sont pas encore passés
Il neige le désespoir
la glace se transforme
en fleurs
je dévale en carrousel
le Raréu
Avril est tapi quelque part
et appelle les colombes
Le
vent du Nord
enlace ma
peur
J'ai
jeté
l'ancre
dans le ciel
La mousse d'étoile
me borde
à vie
*
Die Tage des Schweigens
sind noch nicht vorbei
Es schneit Verzweiflung
das Eis verwandelt sich
in Blumen
ich sause im Karussell
den Rareu hinab
irgendwo hockt der April
und ruft die Tauben
Der
Nordwind
umarmt meine
Angst
Hab
den Anker
in den Himmel
geworfen
Sternenmoos
bettet mich
lebenslänglich
Traduit de l'allemand par Alba Chouillou | pp. 57 & 147