Interview de Stephen Hunter par Barbara Peters. 1/6
Non sous-titré.
Une arme de sniper doit être particulièrement chargée en traces microscopiques, non ? Elle est généralement rangée dans un étui ou un coffre. Elle ne ramasse donc pas de saletés. On s’en sert rarement, et quand on s’en sert, c’est dans des conditions spéciales.
À vingt-trois ans, il était fort comme un taureau et prêt à tout. Il vouait un culte à la mort.
Nii du Shinsengumi était un parfait samouraï.
Il enfoncerait violemment la lame au creux de son propre ventre du côté gauche, de huit centimètres au moins, plus probablement dix ou douze. Quinze centimètres, ce serait encore mieux, bien que très peu réussissent à pousser si loin. Puis il remonterait la lame en oblique, jusqu'au nombril. Le tanto était toujours bien affûté en vue d'une pareille éventualité.
[...]
On disait qu'on avait encore huit secondes de lucidité à partir du moment où la lame atteignait sa destination. Ces huit secondes-là devaient être passionnantes. Hurlait-on ? Suppliait-on pour que la douleur cesse ? Était-on vidé de son humanité ?
Quelqu'un d'autre peut-être mais pas Nii du Shinsengumi. Il ne pouvait perdre sa dignité devant son seigneur. Il demeurerait silencieux. Il puiserait dans la douleur la joie extatique d'une mort de guerrier authentique. Telle était la voie du combattant. La voie, c'était la mort, et pas autre chose...
_ Ces mots ont été écrits en 1645. Ils signifient "L'acier coupe la chair, l'acier coupe l'os, l'acier ne coupe pas l'acier." Vous comprenez ?
Bob comprenait.
_ Les autres, ils sont faits de chair et d'os, dit Philip Yano. Le sabre peut les transpercer. Ce sont les gens du commun. Les dormeurs, les rêveurs. Les mous. Mais nous, nous sommes les durs, les guerriers. L'acier ne nous coupe pas. C'est notre travail. C'est pour cette raison qu'ils ont besoin de nous, même s'ils sont incapables d'imaginer à quel point.
quand on voulait faire carrière à Washington, il fallait respecter certaines règles.
Ces règles étaient les suivantes : l’information, c’est le pouvoir. Mais le pouvoir, c’est aussi le pouvoir. Il ne fallait pas tant lui obéir que l’approuver, le cajoler, le rassurer. La clé de toute transaction était le membre du Congrès, qui obtenait à ses donateurs et partisans des audiences privées avec des fédéraux importants. Il en avait toujours été ainsi et il en serait toujours ainsi.
_ Je ne peux pas vous suivre.
_ Pas "suivre". Maladie de l'ego, ça. Pas gagner, pas perdre. Se battre d'un seul esprit.
D'un seul esprit. Qu'est-ce qu'il pouvait vouloir dire par là, bordel ?
_ Se concentrer sans se concentrer. Voir sans voir. Gagner sans gagner.
Qu'est-ce que c'était que ce putain de langage ?
Comment se fait-il que les enfoirés comme moi réussissent toujours, alors que les bons garçons comme vous n’y arrivent jamais vraiment ? C’est parce que nous, les enfoirés, on n’a pas peur de lécher les bottes d’un grand patron, de le flatter, de faire le sale boulot et de s’en mettre plein les poches. Certes, c’est la vie que j’ai choisie et je ne prétendrai pas le contraire. Mais un homme bien comme vous… Si vous rendez cet unique petit service au grand patron, vous n’imaginez pas à quel point il peut stimuler votre carrière, peut-être même jusqu’au septième étage. Imaginez le bien que vous feriez, là-haut. Et votre fierté ! Vous dépasseriez votre femme, et je sais que c’est important à vos yeux.
Quand on manipule une lame vivante, on doit s'attendre à se couper avec. Ni plus ni moins. Ce n'était qu'un détail. Le sang, il faut savoir s'y habituer. Ça passe tout seul, ou bien il faut recoudre. Pas de moyen terme.
Mais un tanto recelait une autre possibilité. Dans la disgrâce ou l'encerclement, il restait un espoir de dignité. Nii du Shinsengumi savait ce qu'il aurait à faire dans un cas pareil pour s'épargner la honte de la défaite et gagner à jamais l'estime et l'affection de Kondo-san. Et il savait qu'il en serait capable il ne lui faudrait qu'une seconde.
Au-dessus du volcan
une lune d'enfer
fait luire les visages
des damnés agonisants.
Des soldats ensevelis dans le sable noir
sur l'île du désespoir
attendent leur destinée.
Nous sommes le jade brisé
sur l'île du Soufre. (1)
(1) Traduction littérale des deux mots japonais Iwo Jima