Le deuxième bataillon de préparation militaire groupait six cents jeunes. Jamais encore l'accordéon* n'avait joué dans la propagande un aussi grand rôle qu'ici, au cours des soirées en plein air. Grâce à lui, Korchaguine devenait aussitôt un "copain", et plus d'un gars de la campagne trouva la voie du komsomol en commençant par écouter l'accordéon enchanteur, tantôt passionné et faisant battre les cœurs au rythme endiablé d'une marche, tantôt caressant et tendre dans les tristes ritournelles des chansons ukrainiennes. On écoutait l'accordéon, on écoutait aussi l'accordéoniste, l'ancien ouvrier devenu commissaire politique et "secrétaire" du Komsomol. Le chant de l'accordéon et les paroles du jeune commissaire pénétraient ensemble dans les cœurs. De nouvelles chansons résonnèrent dans les villages, et d'autres livres que les psautiers et les clés des songes firent leur apparition dans les isbas.
Dans les rangs des gardes rouges Antonina Vassilevna et Valia reconnurent Serejka, tête nue, cartouchières à la ceinture, le fusil à l'épaule….Indignée, Antonina Vassilevna éclata. Serejka, son fils, dans la bagarre! Ah! mais non! Ca ne pouvait pas se passer comme ça! C'était à ne pas y croire : en plein jour, en pleine ville, le fusil à l'épaule!