Les petits bonheurs de lecteurs, c'est aussi d'ouvrir sa boîte aux lettres en rentrant un soir du travail, d'y trouver une enveloppe qui laisse peu de doute sur ce qu'elle contient, et de sourire béatement en découvrant un polar dédicacé. Un grand merci à Vicente Ulive-Schnell et à son éditeur Les Editions Intervalles pour cette surprise et cette attention.
L'auteur m'invitait donc à un départ pour le VENEZUELA, loin, bien loin de la météo morose de ce début juillet et du climat politique totalement plombant. Je rêvais littoral caribéen et jungle amazonienne mais dès les premières lignes, c'est dans la Guaire, la rivière de Caracas qui charrie immondices, odeur pestilentielle et cadavres encombrants, que m'a fait plonger Vicente Ulive-Schnell.
Enrique Davila est policier à Caracas. Enfin, policier, c'est beaucoup dire de cet homme qui ne se fait plus d'illusions depuis longtemps sur l'utilité de sa fonction. Un meurtre, c'est la routine, on farfouine pour la forme mais on sait qu'on trouvera pas le coupable, c'est déjà bien si on identifie la victime, l'affaire finira classée et on passera à autre chose. Trop d'assassinats et d'enlèvements pour espérer être efficace et de toute façon, Enrique, lui, il voulait enseigner la mythologie grecque et écrire des livres.
Il ne s'affole donc pas quand, avec son co-équipier Miguel, il se voit chargé d'un cadavre retrouvé dans la Guaire. Sauf que les services secrets militaires veulent un peu trop récupérer le dossier; que pour une fois, ses investigations ouvrent des pistes et qu'il reçoit des messages menaçants d'individus qui ont enlevé son voisin et ne lui rendront qu'en échange d'une mystérieuse clé USB. Enrique Davila va donc s'entêter.
Les poissons de Caracas est une très jolie découverte, ce genre de romans que j'aime parce que l'histoire est bonne, évidemment, mais aussi parce qu'il m'amène là où je ne serai pas allée seule et me fait apprendre plein de choses.
Donc non, le VENEZUELA n'est pas un endroit paradisiaque; en tout cas pas que, et l'auteur, franco-vénézuélien, est bien placé pour le savoir.
A travers ce roman ancré au temps du commandant Chavez et son culte de la personnalité, Vicente Ulive-Schnell fait une critique cynique d'un pays paralysé par la corruption et le régime autoritaire, où les vénézuéliens doivent faire la queue pendant des heures au marché populaire pour un peu de viande, où l'eau et l'électricité sont régulièrement coupées et où le taux de criminalité a explosé.
L'enquête d'Enrique Davila est le théâtre du détachement feint, de la désillusion d'un homme qui voit son pays sombrer et refuse de se résigner tout en sachant qu'il ne peut pas lutter, et reflète certainement le sentiment de l'auteur sur ce pays qui est le sien. Tristesse et désespoir mais pas de résignation.
C'est une histoire sans concession, où les super-héros n'existent pas, où la lucidité d'un homme et son instinct de survie se heurtent à la fougue et l'idéalisme de sa nouvelle partenaire, persuadée qu'elle peut changer ce monde et qui devra pourtant, comme les autres, composer avec.
C'est un très très bon roman, très enrichissant.
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