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    Larissaa le 04 juin 2018
    Vous avez été nombreux à participer au défi d'écriture Babelio du mois de mai, un grand merci à toutes et à tous ! 

    Pour ce mois de juin, nous vous proposons un nouveau thème, encore plus ouvert : "Un lot de 20 millions". 

    Un lot de 20 millions.. de quoi ? Que ce soient des plumes, des carottes, des euros, ou des ordinateurs, à vous d'en décider, nous n'en dirons pas plus !

    C'est simple... ou pas ! Laissez-vous porter par votre clavier et votre imagination :).
      


    Votre inspiration et interprétation est libre, et la taille de votre texte ne dépend que de vous.
    Pour participer, il vous suffit de publier votre histoire en cliquant sur "publier" avant le 30 juin à minuit.

    Comme chaque mois, un ouvrage est à gagner pour le/la vainqueur !

    Bon courage à toutes et à tous :)
    Rennath le 09 juin 2018

    - Tu te rends compte, depuis trois mois, il me trompait avec ma colocataire, on devait se mettre ensemble ...

    Je continue à pleurnicher même si je me rends compte de l’air las du barman qui lance des coups d’oeil au patron Mike.

    - Je crois qu’il faut que tu rentres, dit ce dernier, je vais te raccompagner.

    - Même qu’on devait enfin vivre ensemble !

    - Vous ne viviez pas ensemble ? là ils semblent tous éberlués.

    - Il m’avait dit que je le troublais et qu’il ne pouvait pas travailler quand j’étais là, alors je lui payais une chambre et je vivais en colocation. J’ai même arrêté mes études pour qu’il puisse suivre les siennes.

    - Alors là c’est la meilleure, n’a pu s’empêcher de s’exclamer Jo le barman.

    - Je suis une vraie conne, hein, je l’ai cru ... Il venait de s’acheter un superbe loft et on devait vivre ensemble, je suis vraiment conne hein ?

    Là je crois qu’ils sont prêts à dire oui tous les deux.

    - Mais tu comprends Lucas et moi on est amis d’enfance, on est voisins, nos parents se connaissent, pour moi, tout allait bien ... Et Mélissa elle est tellement belle, toujours bien habillée toujours bien maquillée. Et ses cheveux ... ils sont noirs, lisses et ils brillent, tandis que moi, ils sont tout moches, tout frisés et ils vont dans tous les sens ...

    Mon patron marmonne un truc que je n’entends pas, je crois qu’il vaut mieux.

    - Allez, prends ta veste je te raccompagne !

    - Je ne veux pas rentrer chez moi, c’est là qu’ils étaient.

    - Ils sont partis ?

    - Tous les deux, dans son beau loft, et Mélissa elle avait tellement peu de bagages que ça devait faire un moment que c’était prévu.

    Je vois son air apitoyé.

    - Comment peux-tu être aussi efficace au travail et aussi niaise dans la vie, ça me dépasse.

    Il passe sa main dans ses cheveux, enfin il est rasé plutôt sur son crane, je crois que je le désespère. Me traînant plus ou moins, il me mène vers sa vieille voiture de je sais plus quelle année. Je travaille dans son bar depuis quelques années, je m’occupe de l’intendance, de la comptabilité et je suis serveuse quand il manque du personnel.

    - Est ce que tu crois que je suis folle ? je lui demande installée dans la voiture.

    - D’être restée avec un abruti pareil ?

    - Non, tu vois j’ai des tas de dépenses sur ma carte bleue mais je ne me rappelle pas les avoir faites. Et ma carte bleue, elle est toujours dans mon sac et c’est dans des bars ou des boîtes de nuit, les soirs où je suis à la maison.

    - Peut-être quelqu’un te l’emprunte ou peut-être es tu vraiment folle, dit-il avec un sourire.

    La seule qui peut l’utiliser est Mélissa et d’un seul coup, ça me revient, les sommes sont toujours en dessous de 30 €, pas besoin de code. La garce, elle sait que j’ai le sommeil lourd !

    - Tu crois que ça peut être Mélissa ? On est coloc depuis 3 ans ...

    - Et alors ? Elle t’a pris ton mec, elle peut bien te prendre du fric !

    - Vu comme ça, je suis vraiment conne ...

    Mike tempère, il a vu que je me sens mal !

    - Tu es une gentille et tu penses que tout le monde est gentil autour de toi. Reste comme tu es mais sois plus méfiante quand même.

    - La prochaine coloc que je prendrai, je la choisirai très très laide.

    Il va ajouter quelque chose mais il ne dit rien.

    - On pourra peut-être en rediscuter.

    - En tout cas, ça va me faire de sacrées économies de ne plus verser la moitié de mon salaire à Lucas.

    - Oh non, à ce point-là.

    Là, je crois que mon patron est carrément au bord du suicide.

    - Est-ce que tu crois que je suis une joueuse compulsive ?

    - Je n’en ai pas l’impression, mais tu me surprends tellement aujourd’hui ...

    - Tu sais je reçois des relances sans arrêt, de la loterie des monuments historiques, ça doit encore être une arnaque ... Ils me disent que j’ai gagné ... mais j’ai jamais joué.

    - Tu regardes la télé, tu lis les journaux ? me dit-il hébété.

    - Bin non, il y a que des mauvaises nouvelles ...

    - Et bien, ils cherchent le gagnant des 20 millions d’Euros, c’est demain dernier délai pour encaisser le chèque.

    - Bin oui, mais je me rappelle pas avoir joué et j’ai pas de tickets,

    Après un moment d’intense réflexion, j’ai un peu de mal au coeur, je commence à voir des couleurs inconnues et j’ai une envie de vomir. J’essaie de parler mais Mike a été rapide il a freiné, ouvert la porte de mon côté et m’a poussé. Je vomis sur le trottoir. Il ne m’a pas entendu marmonner :

    - En plus c’est Mélissa qui va toucher le gros lot ...

    Mike me dépose devant chez moi et m’aide à monter l’escalier. Je glousse, il n’y a pas d’autres mots et j’essaie d’articuler des choses mais je vois qu’il ne comprend rien de ce que je raconte. Il m’entraîne dans ma chambre,  me retire mes chaussures et la veste. Il revient avec une bassine qu’il pose près du lit.

    - Je repasserai demain si tu veux et quand tu iras mieux, on reparlera. Bonne nuit.

    J’ai toujours trouvé mon patron beau garçon même si il ne s’est jamais intéressé à moi ni à aucune autre fille d’ailleurs. Ce n’est pas mon style, lui il est plutôt baraqué et tatoué alors que Lucas était plutôt élégant en costard. Pour ce que ça m’a réussi ...

    D’un seul coup, je me relève, je vais dans la chambre de Mélissa, je veux détruire cette chambre ou quoi que ce soit qui me la rappelle. Tout est vide, il reste les draps sales témoins de la partie de jambes en l’air et j’aperçois sur l’armoire une boîte qui a été oubliée. Je grimpe maladroitement sur la chaise, et la tire d’un geste brusque. Le contenu s’étale sur le sol. Il y a une perruque blonde et frisée comme moi, et des tas de relevés de carte bleue et des reçus de loterie. Je regarde plus attentivement, j’ai un peu de mal à me concentrer, mais je le vois là, celui de la loterie des monuments historiques. Je me rappelle vaguement de ce que m’a dit Mike, demain dernier délai. Il faut que je me réveille, je n’ai pas de temps à perdre. En titubant je vais prendre une douche, j’ai beaucoup de mal à la régler, mes gestes n’étant pas vraiment coordonnés.

    Le lendemain matin, j’ai envoyé le préavis pour mon appartement que je ne supporte plus, et je me présente à l’adresse indiquée pour retirer le chèque. J’écoute avec patience tous les conseils qu’on me donne pour gérer une telle somme d’argent et prends rendez-vous avec le psychologue pour couper court aux discours. Ensuite, je me rends chez mon banquier. Je veux déposer mon chèque en mains propres, le guichetier me montre nonchalamment la machine automatique pour encaisser les chèques.

    - Je veux rencontrer quelqu’un pour encaisser mon chèque.

    - Les machines sont très fiables, il n’y a jamais de problème.

    - Je veux rencontrer quelqu’un.

    - Vous me voyez moi, mais je vous dis d’aller à la machine.

    Le type va répliquer quand je lui brandis le chèque. En le voyant, ses yeux lui sortent de la tête.

    - J’appelle tout de suite votre conseiller bancaire !

    Ce dernier est un homme sinistre qui m’a convoqué à plusieurs reprises et m’a autorisé royalement un découvert de 100€. Je vois bien que je le dérange et il regarde le chèque avec méfiance.

    - Je vais vérifier si c’est un vrai.

    Il revient le sourire aux lèvres.

    - Chère Madame, tout va très bien, nous pouvons prendre rendez-vous, nous avons quelques produits très intéressants à vous proposer ...

    - Je vais voir si j’ai le temps, là j’ai d’autres occupations qui m’attendent.

    Je vois avec bonheur ses yeux cligner de contrariété mais il reprend bien vite son ton le plus onctueux.

    - A très bientôt chère Madame, je vous contacte dans la semaine afin de convenir d’un rendez-vous.

    Je sors d’une manière très classe mais je manque de me casser la figure en me prenant les pieds dans la lanière de mon sac à main.

    Je prends le taxi, c’est la première fois de ma vie, pour aller vers l’aéroport. Je tirerai au sort la direction où j’irai. En attendant, je m’achète le dernier portable à la mode et un nouvel abonnement. Je regarde mon ancien avant de le jeter. Trois SMS m’ont été envoyés. « Pourrais- tu venir ce week-end pour annoncer aux parents que nous nous séparons d’un commun accord ? » me demande Lucas. Certainement pas mon cher, pour une fois assume ! Je ne lui réponds pas. Sans surprise, Mélissa me dit qu’elle est désolée et qu’elle voudrait qu’on en discute, elle peut passer dans la matinée, elle a une proposition très urgente à me faire. Je textote un  «Merci beaucoup de m’avoir pris un ticket de loterie» et je lui ajoute trois smiley, elle mérite au moins ça. Le dernier message est de Mike qui me demande si ça va et si il peut passer. C’est le seul avec qui j’ai envie de rester en contact. Je lui envoie un SMS de mon nouveau portable. «Je pars quelques jours, mais j’aimerais bien qu’on discute à mon retour de ton bar et d’autre chose». Son bar a besoin d’un bon lifting, et moi j’ai envie d’une histoire avec quelqu’un de gentil, un patron de bar par exemple ...

    Mais, je vais d’abord prendre mes premières vacances au hasard et au soleil !
    Jackske le 12 juin 2018
    UN LOT DE 20.000.000

    - Où vas-tu?

    - Je pars visiter le monde.

    - Avec un sac à dos pour tout bagage?

    - Oui, c'est plus facile pour transporter mon Laptop.

    - Pourquoi le Laptop?

    - Je veux 20.000.000 de signatures. Sur papier, il me faudrait un camion suiveur!

    - 20.000.000 rien que cela. De quoi s'agit-il?

    - De sauver la planète Terre; de cesser la déforestation à outrance, de protéger l'habitat naturel de la faune, de cesser la pollution de l'air que nous respirons, de renoncer à emballer n'importe quoi dans du plastique, de cesser de polluer le sol en y déversant les rejets des usines, les déchets ménagers,  les piles, les appareils électriques.

    - Quel programme. Il n'y a pas de doute, tu auras de nombreuses signatures. Des milliers de personnes vont signer ta pétition et ensuite ils prendront leur voiture polluante pour ce rendre au supermarché où ils vont acheter des fruits, des salades, des biscuits et autres nourritures; tous joliment emballés dans du plastique.

    - Tu as raison mais s'ils acceptent de signer, c'est qu'ils sont conscients du problème mais n'ont pas d'autre choix. Il est impossible d'acheter du Coca ou d'autres limonades dont des conteneurs qui ne soient pas en plastique.

    Si j'obtiens 20.000.000 de signatures, je m'adresserai aux consortiums. Je leur dirai "inventez des emballages biodégradables ou nous lançons une campagne de boycott sur vos produits". Ils refuseront mais il suffira qu'une société invente un emballage biodégradable et cela sera la panique chez les autres. Je ne doute pas une seule seconde que les consommateurs accepteront de payer un supplément pour des emballages respectueux de la nature. Il ne faudra pas longtemps pour que toutes les sociétés s'adaptent. Une voiture électrique coûte plus cher que sa copie identique roulant à l'essence; pourtant elles connaissent un succès grandissant. Toutes les marques s'y sont mises. Ce n'est pas par conscience écologique, c'est par intérêt financier.

    Nous, les consommateurs possédons une arme redoutable. Le boycott. Les consortiums, il ne faut pas parler à leur cœur mais à leur portefeuille.

    Aujourd'hui, il existe des solutions technologiques à toutes les pollutions. Les piles jetables peuvent être remplacées par des piles rechargeables de qualité. Les appareils électriques peuvent être remis en état et offert à des pauvres ou à des pays en voie de développement. Ce n'est qu'une question de sous. Nombreux sont ceux qui accepteront de payer un supplément raisonnable pour un frigo dont le constructeur garanti qu'il ne finira pas sa vie dans une décharge mais chez une personne qui ne peut s'offrir un tel appareil.

    Nous allons briser la dictature des consortiums et imposer celle du peuple.

    - C'est un programme généreux. Il te faudra beaucoup de temps pour réunir 20.000.000 de signatures. Lorsque je reverrai tu auras une longue barbe et tu marcheras avec une canne.

    - Probablement mais les enfants du monde me remercieront.

    - Ouvre ton Laptop, je signe. Il ne t'en faut plus que 19.999.999
    dnahum le 12 juin 2018
    Vingt millions sous les mers

     

    Alors que je rêvais de déguster un vin de saint-Emilion, voguant au gré des vents et des courants, sur le petit bateau sur lequel je m’étais aventuré au loin, un sac en plastique heurta la proue.

     

    Au beau milieu de l’atlantique, ce sac de couleur verte ne pouvait se confondre avec la couleur de cette belle mer calme aujourd’hui mais qui parfois se pare d’une écume témoignant de sa mauvaise humeur.

     

    Un bras humain sortant de l’eau fit plonger le sac qui disparut de ma vue.

     

    On était loin du château de Camelot, je n’étais ni Arthur ni Lancelot et on n’était pas sur un lac donc… ce n’était ce ne pouvait être la Dame.

     

    J’avais réussi à attraper un minuscule poisson qui me servit de souper et me mis à somnoler, bercé par la douce houle des doll drums

     

    Apparut alors la dame bleue pas blanche, forcément j’ai dit que nous n’y étions pas.

     

    Comme la naissance de Vénus, elle se présenta gigantesque devant moi sans coquille Saint Jacques à ses pieds, vêtue justement de cette écume mais qui ne bouillonnait pas, juste un fin voile blanc, mais dans sa main, le sac, le fameux sac en plastique.

    De son autre main elle le désignait en me regardant assez fixement, pas méchamment mais plutôt d’un regard interrogateur.

     

    Je compris qu’elle voulait me demander si c’était moi qui avais jeté le sac dans la mer, faisant preuve d’un esprit non conforme, dédaignant l’écologie dans sa forme la plus élémentaire.

     

    Fixant le sac, je lui fis signe qu’il n’était pas à moi et que Dieu me gardait de commettre un tel sacrilège envers la nature qui par ailleurs avait été jusque-là si bonne pour moi.

     

    Sa voix sévère, mais quand même douce, comme celle d’une mère qui réprimande son enfant suspect, m’apostropha alors et me dit : «  est-ce toi ? »

    « O non, certes non Madame, jamais!  aucun sac dans mon bateau, regardez vous-même je n’ai que des ustensiles en bois  quelques sacs en papier biodégradable, moi-même n’ai aucune prothèse qui pourrait après ma mort polluer le moindre grain de cette planète ».

    « Je préfère cela, répondit elle, je vois que tu es un bon garçon mais je vais t’apprendre quelque chose, sais-tu combien de sacs en plastique trainent dans l’océan, et que je ramasse tous les jours ? le sais-tu ? »

    Je bégayai un non timide…

    Et bien je vais te le dire plus de vingt millions , il y a plus de vingt millions de sacs en plastique dans cet océan ! C'est mon lot! » … et elle s’évanouit.
    Amoinssa le 14 juin 2018
    Le tout premier que je déballai ne me plut pas, mais alors pas du tout : trop grand, trop poilu. Et barbu, qui plus est. Berk. Non, décidément, je n'avais pas eu la chance du débutant sur ce coup-là.

    Je passai au deuxième. Mouais. Petit et gros. Passons.

    Le troisième avait une voix aiguë et des manières empruntées. Merci, mais non !

    Le quatrième affichait une assurance qui frisait le dédain. C'est moi le plus beau, le plus intelligent, le plus... Ok, ok, c'est bon, tais-toi ! 

    Le cinquième piquait un fard à chaque fois que j'essayais de lui adresser la parole, et se tordait les mains comme si c'était son premier jour d'école, et qu'il devait dire à la maîtresse son prénom... Pfff. Pas de bol, moi !


    Pourtant, pensais-je, je n'avais vraiment pas de quoi m'en faire : il me restait 19 millions 999 mille 995 paquets à déballer ! J'aurai tous les choix possibles et je trouverai forcément, dans le lot, celui qui me conviendrait.

    Quelle naïve…

    Néanmoins, à ce stade de mon déballage, j'y croyais dur comme fer et je m'amusais, comme une gamine, à défaire les paquets un par un avec avidité, avant de les rejeter les uns après les autres, une moue déçue accrochée aux lèvres.

    Je soupirai.

    Peut-être devrais-je ménager un peu de suspense, et garder la suite du déballage pour plus tard ? D'un autre côté, un lot de 20 millions, ce n'est pas en 2 jours que j'allais en faire le tour. En plus il faudrait bien qu'il y ait une phase de test, d'essayage, avant de décider définitivement si j'adopterais pour de bon celui sur qui j'aurai jeté mon dévolu.

    Mais comme toujours, la curiosité est la plus forte et je décide d'ouvrir, pour aujourd'hui, encore 50 paquets. Allez !

    Et la gamine qui sommeille en moi est repartie pour un tour...

    … et l'adulte se réveille à chaque fois, un peu plus désespérée de constater que rien de tout cela n'est parfaitement à son goût.

    Je commence à me demander si ce cadeau n'est pas empoisonné…

    20 millions d'hommes et pas un qui me convienne !
    CaraT le 15 juin 2018
    Comment, COMMENT se décider lorsqu'on en a vingt millions à sa disposition ? Par où commencer, aussi ? Puis-je tous les prendre, gourmande comme je suis ? Ou dois-je faire un choix, comme Aladin avec sa lampe magique ?

    Vingt millions ! Il y a de quoi faire, pas vrai ?

    Je vous explique : l'on me propose de réaliser mes rêves les plus fous, mes désirs les plus secrets, mes souhaits les plus anciens, mes…

    Oh la ! On se calme, ma p'tite ! Quoi, tu veux passer une nuit avec Olivier Minne, et après ? Jouer un match solo avec Zizou ? La belle affaire ! Aller sur la lune ? Déjà vu ! Gagner au loto ? Eh oh, si l'on pouvait faire dans l'originalité, pour une fois !

    Bon. On se concentre. Inspirer… expirer… Vooiiillllààà !

    Comment procéder ?

    Pense, pense, pense, aurait dit Winnie l'ourson…

    Dis donc, et si un de mes rêves consistait à faire que ce dessin animé à la noix disparaisse des mémoires ? Chiche ! Allez, tope-là ! Ce sera mon premier.

    Pfffui. Ch'ui pas arrivée, moi !

    Le deuxième consistera à faire que Freddy Krueger disparaisse de ma mémoire, parce que ce con, 20 ans après, il me fait toujours autant flipper…

    Ben oui, quand on a devant soi un lot de 20 millions de rêves, on peut bien se permettre quelques excentricités, aussi minimes soient-elles !

    Le troisième rêve sera, je le crains, d'une banalité affligeante : je veux un Audi Q3 personnalisé à fond. Couleur, matière, accessoires de malade, la totale !

    Et après ça je m'en vais faire une petite virée chez nos voisins allemands pour pousser à fond le moteur et ses chevaux. Ca va cabrer, c'est moi qui vous le dis !

    Ensuite je vais rentrer et retrouver ma routine...

    Tiens, pour la casser, mon énième rêve consistera à employer un cuisinier (beau gosse, tant qu'à faire…) à domicile, un jardinier, un coach sportif, un maquilleur, un masseur, … tous, donc, plutôt physiquement intelligents de préférence. Parce que quand il s'agit de joindre l'utile à l'agréable, je suis toujours partante !

    Quand j'aurai bien profité des services et compétences de ces charmants messieurs, je me ferais bien un tour du monde.

    En yacht, tiens.

    Ou en jet privé.

    J'hésite.

    Bon allez, je prends les deux !


    Voilà.

    Voilà voilà voilà.

    Je suis de retour. On peut dire que j'ai tout vu, des tribus amazoniennes les plus méconnues aux grandes mégapoles fières de leur vacarme permanent. Que j'ai tout entendu, des étranges chants traditionnels mongols aux plus illustres des chanteurs à disques de diamant. Que j'ai bien, bien dégusté et senti toutes les épices, les saveurs, goûté à toutes les gastronomies, des plus délicates aux plus banales. Que je me suis fait lire toutes les littératures, des hebdos pourris des métros aux plus émérites des prix Goncourt. Que j'ai connu des plaisirs sensuels inouïs, de ceux qui nous laissent pantois pendant des heures. Mes doigts ont touché les tissus les plus fins, mon corps en a apprécié les plus subtiles douceurs.  

    Oui, j'ai vu des paysages superbes, je me suis régalée, j'ai été repue de plein de choses, de tout si cela vous est concevable. Mes sens, tous, ont été largement comblés. Plus que de raison.

    Alors pourquoi toujours ce vide, au fond de moi ?

    J'ai utilisé mes rêves, à bon ou mauvais escient, j'ai été très égoïste, trop, certainement. J'en ai utilisé un certain nombre pour ceux que j'aimais, que j'aime et que j'aimerai. Je crois avoir satisfait pas mal de monde, au final.

    Pourtant, quel que soit le coin du monde où je suis passée, quelle que soit la culture dont je m'imprégnais, quel que soit le « statut social » de mes hôtes, quel que soit le climat où vivaient mes frères, il s'est toujours, toujours, invariablement, trouvé un enfant en souffrance.

    Donner ou redonner le sourire à tous les enfants, voilà ce à quoi j'aurais dû employer mes rêves.

    Y serais-je parvenue ?…
    Laerte le 16 juin 2018
    Bonjour à tous, et bravo à ceux qui ont déjà déposé un texte. Ils sont variés, inventifs et bien écrits.


    Les notes

    Ulysse est un musicien plein de  talent, oui, mais voilà !  c’est un musicien pauvre, d’une pauvreté profonde digne des artistes maudits du XIXe siècle. Il habite évidemment, une chambre de bonne au dernier étage d’un immeuble très haut dont le toit aurait besoin d’être réparé. Parfois, quand il pleut, l’eau pénètre dans son logement, et quand il fait froid dehors, il a l’impression que c’est pire chez lui.

    Mais cela, il le supporterait volontiers s’il pouvait faire de la musique comme il le voulait. Malheureusement, il est trop pauvre pour s’acheter des notes. Il en trouve bien un peu en étant attentif à ce qui l’entoure. Il capte par exemple le bourdonnement obsédant d’un moustique, le ploc des gouttes d’eau qui tombent sur son sol, le lointain staccato des travaux dans la rue. De temps à autre, il sort et va cueillir quelques chants d’oiseaux dans le square voisin ou le bruissement du feuillage agité par le vent. Mais le bruit de la circulation qui n’a rien de musical, couvre souvent la mélodie subtile des oiseaux et le doux soupir de la brise.

    Quand il a, malgré tout, fait une bonne récolte, il tente d’y mettre de l’ordre, de l’harmonie et d’en faire de la musique, mais malheureusement, il n’a jamais assez de notes pour parvenir à ce qu’il avait imaginé. Il parvient quand même parfois à construire un petit air, une petite chanson qu’il va vendre au marchand de musique qu’il connait : le vieux Léonard. Celui-ci a pitié d’Ulysse qui lui rappelle sa jeunesse quand lui-même vivait dans la même galère. Il essaye de lui remonter le moral :

    -          T’en fais pas, mon p’tit gars ! Moi aussi, j’ai connu ça. Jusqu’au jour où…

    Et là, il lui raconte pour la centième fois comment un jour, il a trouvé dans une poubelle un lot de notes qu’avait jeté la veuve sans scrupule d’un musicien connu pour être trompé par sa femme. Cette découverte fut le début de sa conquête de la renommée. Une gloire qui ne dura que quelques années parce qu’il fit tellement la fête qu’un jour il se retrouva presque sans le sou. Avant de se retrouver sans rien, il ouvrit un commerce de musique et depuis, il vit ainsi en aidant comme il peut les musiciens pauvres. Léonard aime bien Ulysse, alors il lui achète tout ce qu’il lui apporte, même s’il voit bien que c’est incomplet. Ensuite il le refile à quelqu’un qui a les moyens et qui complète la chanson.

    Un jour d’hiver, alors que le soir est déjà tombé sur la ville, Ulysse rentre chez lui, un peu plus déprimé que d’habitude. Il n’a rien trouvé dans le square parce que le gel a paralysé la nature ; les oiseaux sont trop occupés à se défendre contre le froid et même le vent n’ose rien bouger.  Le jeune musicien a juste pu acheter un peu de pain dont la croustillance ne lui donne pas assez de notes pour servir à faire de la musique.

    En grignotant, il regarde machinalement son téléphone, et là il voit une annonce d’un syndicat de musiciens : « mise à disposition gratuite de notes de musique en vrac ; l’ensemble est à prendre en l’état où il se trouve ».

    Pour Ulysse, c’est inespéré ; il bondit au risque de se casser une jambe dans l’escalier. Une fois dans la rue, il se met à courir. Mais c’est sans compter les mois, les années de disette qu’il a subis : rapidement, il se sent sans force et est obligé de s’arrêter pour souffler un peu. Il arrive finalement épuisé devant l’immeuble du syndicat. Il y a déjà du monde qui attend devant lui. Heureusement, ils ne sont pas trop nombreux, mais quand même ! Si l’un d’eux prenait les notes avant lui ?

    Devant l’employée, se succèdent plusieurs personnes qui renoncent les unes après les autres à accepter le paquet de notes. D’ailleurs, ce paquet est insignifiant, il ne doit pas y avoir grand-chose, finalement. Ulysse est prêt à défaillir. Il se dit que ce doit être vraiment sans intérêt et en très mauvais état.

    Devant lui, il y a une jeune femme qui parait aussi fatiguée que lui. Elle est d’une terrible maigreur qui fait ressortir ses grands yeux noirs cernés par la malnutrition. Mais ce qui frappe Ulysse c’est la lueur passionnée qui brille dans ces yeux là. Il commence à se persuader d’une chose : elle ne fera pas la fine bouche, elle va prendre les notes quelque soit l’état dans lequel elles se trouvent. La chose parait désespérée, mais il attend quand même.

    Voilà, c’est le tour de la fille. Ulysse la voit regarder avec dégout ce que l’employée lui montre ; elle dodeline de la tête d’un air incertain, se penche, hésite… puis brusquement, hoche la tête en manière d’assentiment.

    Le sang d’Ulysse s’est retiré de ses veines, il est au bord du malaise. C’était vraiment une bonne chance de s’en sortir, mais c’est foutu, encore une fois. Il plonge sa tête dans ses mains, prêt à s’évanouir, quand il sent une présence devant lui. Il rouvre les yeux et il voit la jeune femme qui le regarde avec un demi-sourire.

    -          Alors, crève-la-faim ? Tu t’appelles comment ? moi, c’est Héloïse !

    Choqué par l’apostrophe brutale, Ulysse se redresse.

    -          Prends pas ton air pincé. On est pareil tous les deux, prêts à accepter n’importe quoi pour s’en sortir, y compris un paquet de notes pourries. Tu te dis que c’est foutu encore une fois pour toi.

    Ulysse hausse les épaules. Il s’aperçoit qu’elle est plutôt jolie et ça le calme.

    -          Ouais, ça fait longtemps que je galère et je ne m’en sors pas.

    -          Oui, mais t’aimes tellement la musique que tu ferais tout pour elle.

    Elle marque une pause avant d’ajouter :

    -          Tu vois la merde que j’ai récupérée ? C’est tout cassé, y a des notes collées entre elles ou fêlées. Mais y en a aussi d’impeccables. Un ré majeur tout neuf et même des accords tout prêts encore dans leur emballage d’origine.

    -          Et alors ? Arrête de me narguer. Tu l’as eu, eh bien ! tant mieux pour toi.

    Là-dessus, Héloïse éclate de rire. Et là, elle est vraiment belle.

    -          Tu n’y es pas du tout. Ce que je suis en train de te dire : travaillons ensemble! On trie ce qui est bon, on jette le reste et on partage à la fin.

    -          Hein ? Qu’est-ce qui te fait croire qu’on ne va pas s’épuiser à remuer toutes ces notes sans être surs d’en trouver assez de bonnes ?

    -          C’est simple, c’est un lot de vingt millions qui a été retrouvé après un accident. Il en restera forcément assez pour nous deux.

    -          Quoi ? Vingt millions ? Dans un si petit sac ?

    -          Ben oui, la musique, ça prend toute la tête quand on l’aime, mais c’est pas encombrant à transporter.

    Alors, Ulysse pour la première fois depuis longtemps esquisse un sourire. Il prend la main d’Héloïse et la porte à ses lèvres.

    -          Merci !

    Et il se met à pleurer.

     

    asygrimm le 16 juin 2018
    Adèle

    Une jeune fille s'engouffra dans le parc, sans un sourire, sans un regard pour le soleil et les gazouillements joueurs des oiseaux. Elle tenait un carnet pourpre entre ses mains. Elle marcha longtemps pour enfin s'assoir sur le banc le plus éloigné du portail. C'était un banc simple et solitaire, fait d'un bois peint en vert, comme s'il désirait se fondre et disparaître dans le décor boisé. C'était le genre de banc qui n'accueillait que deux sortes de personnes : les petits vieux tranquilles qui s'ennuient profondément et les amours nouveaux, encore tout frais...

    La jeune fille regarda autour d'elle, puis ouvrit son carnet. C'était un carnet à la couverture tissée de violet et de rouge, avec en haut à droite de la couverture une étiquette cornée à chaque coins indiquant : "Elisa" par Adèle.


    La jeune fille commença à écrire, son bras animé d'une sorte de frénésie aussi triste qu'enragée. Une larme s'échappa de sous sa paupière et vint s'écraser sur la page, brouillant l'encre et gondolant le papier. Quand soudain un cri s'éleva dans les airs et retomba sur elle, la faisant sursauter :

    -Adèle !


    Elle ferma brutalement son carnet, essuya sa joue et afficha un sourire ravi. Deux filles arrivèrent sur le chemin et se postèrent face à elle.

    -Salut, qu'est ce que tu faisais ? lui demanda celle de droite.

    -Rien, répondit elle, enfin j'écrivais, comme d'habitude...

    -Fais voir ?

    -Non, c'est mauvais, je... crois que... je vais le laisser là, chuchota Adèle, j'aime pas ce qu'y est écrit dedans...

    -Ici ?

    -Oui je vais le laisser sous le banc, personne ne vient ici... C'est bon me regardez pas comme ça, je l'aime pas ce carnet et puis je suis certaine qu'il est biodégradable...

    Elle s'agenouilla face au banc et gratta la terre qui était à l'ombre, elle était dure mais elle réussi à l'effriter assez pour caler le carnet, le recouvrit d'un filet de terre et partis en rigolant avec les deux jeunes filles.

    ***

    Un garçon s'affala sur le banc, épuisé. La gourmette délavée sur son poignet indiquait Arthur. Il ferma les yeux et attendit, soudain il sentit une pierre s'écraser sur son épaule, puis une autre, il se retourna et aperçu ses amis cachés dans un arbre derrière le banc. Arthur jura, se leva et quand il se pencha pour attraper son sac il aperçu quelque chose de vaguement rouge dans la terre, il tira dessus et sans regarder ce que c'était, le fourra dans son sac puis couru les rejoindre.

    Le soir, Arthur avait oublié sa découverte du parc, seulement quand il sortit sont livre de son sac, il retrouva le "trésor", ou ce qui s'avérait être un carnet. Curieux, il reposa son livre, ouvrit à la première page le petit journal pourpre et lut :

    Elisa est une fille, une adolescente plutôt.

    Elle n'est ni laide, ni belle, ni à la mode, ni ringarde, elle a un style bien à elle, disons qu'elle à compris que plus tard elle ne pourra plus faire ce qu'elle veut alors elle profite.

    Elisa a peur, pas une de ces peurs qui prennent à la gorge, soudainement, non, elle a peur, une peur qui accompagne tout le monde, chaque seconde: elle a peur de mourir. Terriblement peur de mourir. Depuis sa naissance, elle voit le cancer emporter tout le monde autour d'elle, elle commence à penser que la mort n'a plus qu'un nom : Cancer. Elisa se demande duquel elle va mourir... elle aimerait quelque chose qui brise sa vue, elle est certaine qu'elle n'aura pas le courage de voir sombrer dans la maladie...

    Mais Elisa elle n'est même pas sûre de vivre jusqu'à son cancer, elle se demande si chaque jour est son dernier, regrette chaque fois de quitter quelqu'un sans l'avoir enlacer, craignant de ne plus le voir, et puis elle se demande si elle survivra à leur mort...

    Et puis Elisa parfois elle n'est pas vraiment sûre de vouloir vivre, tout autour d'elle le monde s'embrase, Elisa se dit qu'elle n'aime pas ce monde, elle n'aime pas les adolescents qui croient naïvement que le monde leur appartient, elle n'aime pas les marques qui étouffent chaque objet, les grandes boites, les usines, la pollution, la haine, le mépris, les cris, les pleurs, l'exil, la rivalité, le paraître, l'envie, la jalousie, l'ennui, la violence, l'indifférence, la détresse, les insomnies, la douleur, l'impersonnalité...

    Oui, car si Elisa a peur de la mort il existe une peur qui la fait bien plus souffrir, l'impersonnalité, elle a constamment peur de ne rien faire d'original, de n'être qu'une pâle copie de tous les autres, de faiblement penser comme des milliers de personnes avant elle, elle a peur de n'être qu'une miette, de n'avoir rien de reconnaissable... Elisa est comme tout le monde. Voilà sa plus grande peur.

    Elisa elle veut pas se suicider, elle veut pas faire souffrir, elle l'a déjà assez fait, le suicide elle trouve ça tellement égoïste, on laisse une lettre qui explique : Sachez tous que je vous aime, que je n'aurais pas vécu si longtemps, j'aurais été brisée tellement plus tôt... Seulement je l'ai été et ce n'est pas votre faute, maintenant, il est trop tard, oubliez moi. Trop tard... oui bien sur qu'il est trop tard... Les gens qui lisent cette lettre il voudraient enlacer, embrasser mais la seule chose que leurs mains atteignent ce n'est qu'un corps vide...

    Elisa ne veut pas se suicider, mais ce n'est pas pour ça qu'elle veut vivre, Elisa rien ne la retient si ce n'est ses amis, sa famille mais si elle mourrait sans s'en rendre compte ? Sans faire exprès ? Elisa elle ne veut pas se suicider mais si une voiture lui fonçait dessus, qu'elle glissait dans le vide, qu'elle s'écorchait les veines, qu'elle se faisait frapper, tabasser, Elisa elle ne s'écarterait pas, ne se retiendrait pas, ne s'accrocherait pas, ne se protègerait pas.

    Elisa n'est pas seule, loin de là, elle a beaucoup d'amies, il ne faut pas croire que tout le monde l'aime, encore une fois, loin de là ! Un bon nombre de gens ne peuvent la supporter, la trouvent peut être trop fayote, trop prétentieuse, trop collante, à vrai dire, elle pense que c'est juste parce qu'elle "est" que les gens ne l'aiment pas. Elle existe et c'est tout.

    Elisa n'est pas nulle à l'école, encore une fois, elle "est". Son talent à été jeté aux quatre vents et disséminé dans plusieurs domaines. Par exemple, elle aime dessiner, ce qu'elle dessine c'est personnel, c'est un peu son âme sur papier, mais ça, les autres ne le voient que comme quelques coups de crayons. L'âme d'Elisa ce n'est que "quelques coups de crayon"... Elle aime écrire aussi, elle écrit tout le temps, sur tous les sujets, mais souvent ça la rends triste d'écrire. Parfois c'est parce qu'elle ressent ce qu'elle écrit, parfois c'est parce qu'elle n'aime pas ce qu'elle vient d'écrire. Elisa aimerait tant écrire comme les auteurs de ces livres qu'elle aime tant : Jane Eyre, The Great Gatsby... ou même comme ces auteurs jeunesse qu'ils étudient en français. Ce serait si bien de pouvoir faire rêver un lecteur, de savoir le faire pleurer et sourire en même temps... écrire quelque chose de beau... de doux...

    Elisa elle écoute parfois trop de musique, c'est sa manière de trouver sa place, de rester seule, cloitrée entre les parenthèses des écouteurs... Quand elle écoute, elle a des films dans sa tête qui se jouent avec les morceaux, et c'est tellement bien... Parfois, Elisa voudrait pouvoir écrire au moins une chanson, pour elle même, mais encore une fois, elle ne peut pas...


    Arthur ferma le carnet et resta immobile. Le temps s'arrêta, le laissant seul avec ses pensées qui, toutes, allaient au carnet. Il se demanda si ce n'était pas un rêve, un tour machiavélique de son esprit. Impossible, impossible que l'auteur, une certaine "Adèle" connaisse ses plus profondes et noires pensées... Il se dit que ce qu'il fait ça ne fait que le faire souffrir, qu'il devrait arrêter, effacer de sa mémoire, les lignes, les arabesques, les mots et les pensées de ce carnet... Sa résolution ne tint que deux minutes et il revint à sa lecture...

    Comme il en a l'habitude lorsqu'il lit des romans captivants, il laissa la dernière page pour le lendemain, il éteint la lumières après avoir regardé son réveil qui affichait piteusement deux heure vingt.


    Le lendemain, il se prépara plus vite qu'il ne l'avait jamais fait pour enfin lire la fin du carnet pourpre. Il s'installa dans le canapé, le sac sur le dos, près à prendre le bus, ouvrit le carnet à la dernière page et reprit :

    Elisa a une grande, grande peur. Elle craint que quelqu'un ne trouve son carnet. Parce que si quelqu'un trouve son carnet, le lit, c'est elle qu'il va trouver, elle qu'il va lire, ce carnet c'est une clé pour l'ouvrir, la fouiller de l'intérieur... Ce qu'elle vient d'écrire dans ce carnet au fond c'est idiot parce que ça l'a fait souffrir, trop souffrir. Ce carnet ce n'est pas un simple texte écrit par n'importe qui, c'est Elisa qui assiste sa propre vivisection, son opération à cœur ouvert...

    Parce qu'Elisa, il ne faut pas croire que c'est vraiment quelqu'un, c'est plus une idée, une obsession, Elisa c'est une partie mauvaise, une partie de moi, Adèle. J'ai écrit tout ça en espérant que cela suffira à engloutir tout ce qui en va pas chez moi, qui me dérange...

    Arthur ne put supporter de continuer à déchiffrer l'écriture tremblante et constellée de larmes d'Adèle. Il s'en voulait, s'en voulait tellement. Il n'aurait pas dû, pas dû trouver le carnet, pas dû y croire, pas dû le lire, pas dû continuer, il aurait voulu respecter Adèle, mais comme d'habitude, il n'avait pas pu s'en empêcher, pas pu arrêter sa curiosité...

    Il quitta son cana
    LotusduVietnam le 17 juin 2018
    Vingt millions de baisers  sur tous les malheureux de ce monde. Jaunes, noirs, blancs,ou rouges, aux enfants mangés, en malnutrition, par des mouches voraces, des mères sous sida mortel, aux déplacés climatiques, aux harcelés par des chefaillons dans leur travail quotidien, à tous les opprimés de notre monde. Vingt millions mais c'est trop peu. Deux zéros de plus n'y suffiraient pas.
    Vipère au poing
    Avango le 17 juin 2018
    Un lot de vingt millions

    En poussant la porte de son bureau, Pierre ne put s’empêcher de soupirer.  À travers la verrière – de style industriel : ce n’est pas parce que l’on gère une entreprise aussi ancienne que vénérable, que l’on a pas le droit d’avoir une décoration au goût du jour -   la zone de transit dont il était responsable depuis très très longtemps, était vide, désespérément vide. Cela faisait dix-huit semaines que le blocage des aérogares durait, et le conflit n’était pas près de se résoudre.

    Il décrocha le téléphone et appela Gabriel :

    « Alors, où en sommes-nous ?

    — Vingt millions. À huit heures du matin, nous avons atteint le cap des vingt millions ! Il faut absolument trouver une solution !

    — Qu’est-ce qu’ils disent, les patrons ?

    — Ne m’en parle pas, gémit Gabriel, le conseil d’administration s’est réuni hier soir, mais ils sont bien trop nombreux. Bon, le trio des inséparables qui détient le plus d’actions a bien essayé de proposer quelques solutions, mais tu sais comme moi que déjà, quand tout va bien, ce n’est pas vraiment l’entente divine, alors là, je te ne dis pas l’ambiance…

    — Bon, accroche toi, j’ai encore une mauvaise nouvelle : le personnel qui travaille pour l’autre hurluberlu a décidé de participer aux réjouissances. Ils bloquent l’entrée de La Déchetterie.

    — Quoi ??? Zut, zut, zut ! Ça veut dire que leur chef va venir participer au conseil de crise ?

    — Apparemment. Et, crois-moi, soupira Pierre, à mon avis, il est enchanté, et il va se faire un grand plaisir de mettre encore plus la pagaille. 

    — Écoute, je te rappelle plus tard, je dois encore transmettre des messages aux autres responsables. Courage ! »

    Pierre raccrocha le téléphone, et se brancha sur l’ordinateur — quand même, quelle belle invention humaine ! — et se mit à examiner les statistiques. Gabriel avait raison, ce matin, à huit heures universelles, ils avaient pile-poil un lot de vingt millions en attente :

    ·         6 010 324 qui attendaient d’être analyser par ses soins

    ·         respectivement  4 623 011 et 39 652 pour ses meilleurs copains, des monothéistes comme lui

    ·         4 258 666 qu’on devait renvoyer sur terre pour réaffectation

    ·         3 365 292 qu’il fallait recycler

    ·         et 1 703 055 pour toutes les autres filiales.

    Et le compteur continuait de tourner, à la vitesse de un ou deux clics par seconde. C’était une catastrophe. La seule filiale qui fonctionnait encore – « l’égyptienne » — était celle qui proposait le transport par bateau, à l’ancienne. Elle était tenue par quelques retraités qui s’étaient proposés, à l’époque, de s’occuper des quelques clients nostalgiques du passé. Mais toutes les autres entités étaient maintenant bloquées, y compris donc les fourneaux de la déchetterie de cet opportuniste de bas étage.

    Et tout ça pour une revendication complètement absurde : les agents demandaient que le travail de nuit soit mieux valorisé. Jusqu’à présent, depuis la nuit des temps, personne n’avait jamais fait de différence. En plus, la nuit, justement, l’arrivage était généralement plus abondant. Et quand le grand patron leur avait demandé ce qu’il avaient contre la nuit, et ce qu’ils entendaient par « valorisé », Jeanne, la meneuse qui n’avait pas la langue dans sa poche, avait répondu laconiquement : « La nuit, c’est pas moi qui l’ai créée, et en ce qui concerne la valorisation, à vous de voir, Patron, c’est vous qui avez toujours prétendu avoir la science infuse. »

    À l’époque, Pierre avait pourtant tiré la sonnette d’alarme : l’intersyndicale ne pouvait être que source de problèmes. Surtout avec les trois qui en avaient pris la tête. Jeanne, prête à enfourcher son cheval de bataille et à bander son arc à la moindre occasion, Jérémie, toujours à se lamenter, et surtout Shiva : comment diable faire confiance à quelqu’un doté de quatre bras et d’un troisième œil ?

    Pour la troisième fois de la matinée, Pierre poussa un profond soupir. Bon, il fallait bien que quelqu’un s’attèle à la tâche de la réconciliation. Parce que, vingt millions d’âmes en attente, ce n’était pas vraiment le paradis.  Il décrocha le téléphone, et appela Dieu :

    « Écoutez, Seigneur, j’ai peut-être la clé pour résoudre nos problèmes. Votre fils, il est toujours partant pour une mission ? »
    Nico8 le 23 juin 2018
    Il y avait des affiches de partout. Elles étaient grandes et très voyantes, nous invitant à tenter notre chance pour remporter un lot de 20 000 000. Vingt millions ! Vous vous imaginez ? C'est exceptionnel ! Je n'ai pas vraiment bien compris qui organisait cette sorte de loterie mais il était indiqué sur les affiches qu'il fallait acheter un billet chez un buraliste partenaire pour pouvoir participer. Je me suis rendu au bureau de tabac qui se trouve près de chez moi en espérant qu'il ferait partie des buralistes partenaires de cette grande opération. En arrivant, j'ai immédiatement su qu'il en faisait bien partie puisqu'une grande affiche jaune fluo trônait sur la porte pour inviter les passants à s'acquérrir d'un ticket et peut-être gagner vingt millions d'euros.

    Je suis rentré et j'ai demandé un ticket au comptoir, la bouche en coeur. Le type m'a dévisagé bizarrement. Je ne comprenais pas trop ce qu'il avait à me regarder comme ça.

    - Tu me parrais bien jeune dit-il enfin, quel âge as-tu ?
    Ah c'était donc ça qui le chiffonait...
    - 18 ans depuis avant-hier dis-je avec le sourire pour masquer mon mensonge (je n'avais que seize ans).
    - Alors ça va, je ne vend rien aux mineurs, j'ai trop eu de problèmes avec les parents. Tiens voilà ton ticket, ça fait deux euros. Tu n'en voudrais pas un deuxième, non ?
    - Oui c'est une bonne idée.
    Il me tendit les billets et moi je lui ai donné deux pièces de deux euros.
    - Bonne chance gamin ! me dit-il en rangeant les sous dans la caisse.
    - Merci. Dites... Vous savez, vous, qui organise cette loterie ?
    Il haussa les épaules.
    - Non pas vraiment, c'est très mystérieux. Même le site Internet ne donne pas d'informations sur l'identité de l'organisateur. Je sais juste que c'est au nom d'une association qui s'appelle "la tulipe" mais elle a été créée spécialement pour ce jeu, personne ne la connais.
    - C'est curieux...
    - La question que les gens se posent le plus c'est "Quel est le gain ?"
    - Ben ça on le sais déjà dis-je bêtement. Vingt millions !
    Il rit de bon coeur.
    - Oui mais vingt millions de quoi ? De patates ?
    - Ben non, vingt millions d'euros !
    - Justement non, c'est un lot de vingt millions d'on ne sait pas quoi !
    - Ah, j'avais pas vu...
    - Je vois que tu n'avais pas vu dit-il tout en riant. Allez va, on verra bien ce que c'est. Le tirage c'est demain. Bonne journée !
    - Merci, bonne journée.

    En sortant, j'ai bien scruté l'affiche. Il avait raison, on ne disait pas que c'était vingt millions d'euros. Tous ces mystères ça me plaisais bien à moi, c'était original. J'étais bien content d'avoir acheté ces tickets. J'avais un bon préssentiment. Comme si cette cagnotte était faite pour moi.

    Je suis rentré à la maison en prenant grand soin de ne pas parler à mes parents des tickets. Ma mère disait que cette histoire de vingt millions c'était n'importe quoi, juste une belle occasion pour un escroc de s'enrichir sur le dos des honnêtes gens comme nous. Si elle savait que j'avais mis quatre euros là dedans elle m'aurait fait passer un sale quart d'heure. Mieux vallait rester muet à ce sujet.

    Au moment d'aller me coucher, j'ai sorti les deux billets de loterie. Je les ai regardés longuement. Il y avait le n°276 et le 277. Deux numéros qui ne représentaient rien de spécial mais qui pourtant m'inspiraient confiance. Je me suis endormi, les tickets sous l'oreiller.

    Le jour J. Tout le monde dans la rue ne parlait que de ça. Chacun attendait dans les presses et bureaux de tabac le résultat de la loterie. L'association devait envoyer un SMS à chaque buraliste partenaire pour communiquer le numéro gagnant. J'attendais là où j'avais pris les tickets, nous étions plus d'une vingtaine. L'annonce était imminente.

    L'homme qui m'avait vendu les billets était là avec son patron et un autre employé. C'est le patron qui a regardé le SMS dès que celui-ci est arrivé et qui a crié le numéro.

    - Attention, attention ! Il s'agit du numéro ... 277 !
    - C'est moi !! Ai-je hurlé en levant les bras en l'air.
    Tout le monde m'observait en silence.
    - Félicitations ! me dit celui qui m'avait servi avec une petite tape dans le dos.
    - Merci. Qu'est-ce que je doit faire maintenant.
    - J'appelle l'association, coupa le patron.

    D'après la personne qu'il avait eue au téléphone, je devais me rendre dès que je le souhaitais au 10 Rue du Lac muni du ticket gagnant et on me délivrerait mon gain.

    Je le fis immédiatement. La rue du lac était une petite rue agréable située à quelques mètres seulement de mon domicile. J'aimais m'y promener à l'occasion. Arrivé au numéro 10, j'ai sonné timidement, un peu impressionné. On m'a ouvert tout de suite.

    Un homme d'apparence âgé, en tout cas plus très jeune, m'a accueilli. Il avait une chemise grise à carreaux et un pantalon noir en velours.

    - Bonjour jeune homme et bienvenue.
    Il sentait bon la réglisse.
    - Bonjour monsieur.
    - Alors c'est vous le gagnant ? me demanda-t-il en se frottant le menton.
    - Oui, regardez.
    Je lui montrais le ticket 277.
    - Hum... Effectivement. Il est bon que ce soit un jeune qui profite de ce lot.
    - Pourquoi ?
    - Parce que vous aurez le temps d'en profiter.
    - Qu'est-ce que j'ai gagné au juste ?
    - Vingt millions de mots, ça représente à peu près soixante dix mille pages.
    J'ai ouverts de grands yeux. Je ne m'attendais pas à ça.
    - Vous n'aimez pas la lecture ?
    - Si j'adore ça mais...
    - Mais vous êtes surpris, je comprends. En fait c'était un peu le but. Suivez-moi.

    Il m'emmena dans une salle qui ressemblait à une chapelle. Il faisait à l'intérieur de cette salle une excellente température et il y règnait une délicieuse odeur épicée. Je me sentais comme un poisson dans l'eau au millieu de ces livres rangés les uns contre les autres.

    - Vous pourrez venir ici aussi souvent que vous voulez, vous pouvez même y vivre à temps plein. Cette pièce vous appartient désormais, elle est comprise dans le lot. Les vingt millions de mots sont là, tout autour de vous, bien rangés dans ces livres que vous voyez, il doit y en avoir à peu près cent soixante.

    J'avais un peu le vertige, c'était la suprise mêllée à l'émotion. Au milieu de la pièce était installée une table en marbre, la table de lecture accompagnée de deux fauteuils grand luxe.

    - C'est le paradis ! me suis-je écrié.
    - Vous ne pouvez pas savoir comme je suis heureux d'entendre de telles paroles sortir de la bouche d'un jeune.
    J'ai courru vers la sortie.
    - Mais vous partez ?! dit-il avec stupéfaction.
    - Oui, je vais prendre des affaires et dire à mes parents que je m'installe ici.
    - Fort bien !

    Depuis ce jour, je vis dans ce coin de bonheur, je me nourris d'histoires passionnantes et d'espérances folles. Vingt million de mots, ça c'est un cadeau !
    vanbert le 23 juin 2018
    vanbert le 23 juin 2018
    vanbert le 23 juin 2018
    L`amant  

    Le fauteuil à bascule

    Augustine est assise dans le fauteuil à bascule de son salon parisien. Sa petite-fille dort sur elle, bercée par les va et vient du rocking-chair et des sons du cœur. Ulysse, le chat miaule sur les pieds de la grand-mère, il n’est pas content : avant, c’est lui qui occupait la place d’Adeline. Augustine voyage dans le passé, les souvenirs débarquent.
    Elle a navigué du malheur au bonheur et du bonheur au malheur sans apprendre vraiment à faire de choix, toujours au milieu de tempêtes que ses battements de cœur lui infligeaient. A treize ans déjà elle hésitait entre deux amoureux, Paul ou Pierre, Pierre ou Paul… Elle s’était finalement décidée pour Paul, le brun aux yeux bleus. Elle était timide et le caractère intrépide du beau brun ténébreux répondait parfaitement à l’espièglerie qu’elle ne s’était jamais autorisée. Ils s’étaient aimés corps et âmes avec la passion innocente du premier amour. Un jour, la famille de Paul était partie comme expatriée en Chine sans égards pour leur histoire d’amour, les jeunes s’en étaient difficilement remis. Les parents d’Augustine lui avaient proposé des stages sportifs pour l‘aider à oublier. Elle avait encore hésité, escalade pour atteindre les sommets des montagnes ou spéléologie pour descendre au fonds des grottes. Elle s’était laissée décanter, pour finalement choisir la spéléologie. Cela lui avait tellement plu qu’elle était devenue une guide avisée et avait vécu dix ans dans le Jura, elle avait exploré, étudié, cartographié, visité les cavités souterraines, naturelles, anthropiques ou artificielles, avant de partager ses connaissances.
    Adeline suce son pousse, elle se délecte les yeux fermés, sa grand-mère lui caresse la tête où un duvet blond pousse anarchiquement. Le chat miaule à nouveau, plisse ses yeux verts émeraude, il espère reprendre sa place.
    Dans le Jura, elle a fait le tour des grottes et des amants sans pour autant tomber amoureuse. A la trentaine, elle avait décidé de retourner à Paris et d’entreprendre des études de psychologie pour s’initier à la descente dans les méandres de l’âme humaine. Elle est sortie major de sa promotion et a ouvert un cabinet dans la foulée. Augustine s’est présentée auprès des généralistes des environs et a eu un coup de foudre pour Jacques, brun aux yeux bleus, aux lueurs espiègles, pour la première fois de sa vie elle n’a pas hésité!
    Adeline ronronne, le chat aussi. Le fauteuil à bascule est un héritage de sa maison d’enfance, la mère d’Augustine avait déjà berçait enfants et petits-enfants. Augustine l’a repeint en gris claire superposant une couche de plus aux précédentes. Le gris s’harmonise avec la couleur des murs du salon. Quand sa mère s’y installait, elle écoutait des airs d’opéra, ceux où ses sopranos préférées chantaient Tosca ou Norma. Augustine n’écoute que les craquements du bois qui comme des clapotis valsent à la cadence des allers et retours, elle aime l’opéra, mais quand les sopranos interprètent des sons aigus, Ulysse siffle de mécontentement.
    En repensant à sa mère, un voile de tristesse assombrit son cœur, elle aurait dû la garder à la maison, la maison de retraite lui avait été fatale, veuve et sans compagnie elle s’était laissée mourir, elle ne voulait pas devenir un fardeau, alors qu’elle avait dédié sa vie au service des autres.
    Les patients sont arrivés au cabinet les uns après les autres, elle a aimé les gens qui doutaient, qui tremblaient avant de sonner à sa porte et qui parfois semblaient incapables de juger ce qui était bon pour eux. Elle a aimé leurs petites chansons. Quand les thérapies se terminaient, elle disait au revoir à ses patients en les remerciant d’avoir vécu.
    Augustine donne un petit élan au rocking-chair, ils basculent en mesure. Ils forment une bulle de sérénité parfumée aux effluves de citron. Ulysse n’apprécie pas ce balancement aux senteurs de bébé, il produit de courts miaulements espacés de longs silences, il est en équilibre précaire sur les pieds de la grand-mère.
    Augustine songe au voyage à Prague, elle était partie avec ses filles, sœurs, et nièces pour fêter ses quarante ans, moment fort de complicité féminine. Au sommet du séjour, le gribouillage par chacune du mur de John Lennon avec des phrases d’un romantisme échevelé. Les plus excitées avaient été ses filles: à huit et dix ans, faire des graffitis sur un mur avait été le fruit interdit le plus délectable jamais dégusté ! Elle aimait s’occuper de ses filles, elles avaient grandi si vite ! Son travail anthropophage s’était nourri des moments sans elles. L’oscillation entre le temps de labeur et celui de maman lui avait donné la nausée. Aujourd’hui elle est à la retraite, elle s’occupe d’Adeline, ses parents sont saltimbanques sur les routes de France. Avec les soins donnés à sa petite-fille, elle a l’impression de récupérer le temps perdu.
    Elle regarde le chat, il lui donne chaud aux pieds, elle lui susurre qu’il est beau, il cligne ses yeux, il est d’accord… elle affectionne son vieux chat ronchon.
    Ulysse est arrivé douze ans auparavant. Augustine s’était cassée la jambe et avait dû rester immobilisée durant un mois. Son mari le lui avait offert pour qu’il lui tienne compagnie. Le chat pris l’habitude de sauter sur elle
    dès qu’il la voyait dans le fauteuil. Jacques travaille encore, il s’occupe de ses anciens patients mais n’en prend pas des nouveaux. Il se donne encore quatre ans pour fermer définitivement le cabinet. Augustine a hâte de le voir revenir à la maison, il est protecteur et sage. Malgré des petites escarmouches, leur couple est resté loyale à la promesse d’amour de leurs débuts.
    Adeline commence à crier avec une voix stridente, Augustine secoue le chat de ses pieds, il est affolé par les cris et tombe loin, furieux. La grand-mère accélère: 20.000000 de va et vient pour ce bateau en bois, la déferlante calme Adeline. Ulysse, resté à terre saute sur le bébé et griffe à sang le visage de la petite-fille.
    La cicatrice restera visible pour toujours sur la joue d’Adeline, elle a la forme d’une ancre.
    Pinceau le 24 juin 2018

    Bonjour à tous


    Des textes bien variés toujours agréables à lire.



    Le doux plancher des vaches


    Si ça commence ainsi
    Qui sait comment ça fini ?

    C'est tellement facile
    De se donner le beau rôle
    De brasser de l'air
    En me roulant dans la farine
    Et me retrouver ainsi
    La cible de toutes les mesquineries

    Mais, t'inquiètes pas
    Je ne suis pas née de la dernière pluie

    Si tu m'avais connue
    Dans ma tendre jeunesse
    Comme j'étais pure et innocente
    Heureuse et resplendissante
    Si radieuse et insouciante

    Peu nombreux estiment
    Que j'ai encore un certain charme
    Malgré mes cicatrices et mes balafres
    Mes rides astronomiques et mes yeux cernés

    Si je croisais mon reflet hagard
    Dans le miroir de mes souvenirs
    Serais-je submergée de nausées ?

    Pourtant au fond de moi
    Je suis toujours la même

    Si l'évidence leur sautait aux yeux
    Que mon cœur met tout en œuvre
    Pour être agréable et loyale
    Tolérante et bienveillante
    Généreuse et accueillante
    Mais rares sont ceux qui me respectent

    Si facile
    De me presser comme un citron
    Puis de me cracher à la gueule
    Les pépins acides

    Si seulement
    Je pouvais rester paisiblement dans mon lit
    Ou aller danser parmi les roseaux
    En attendant que ça s'arrange

    Ou s'il me suffisait d'un bateau
    Pour prendre le large
    Aux antipodes de ce vertigineux tumulte

    Mais aucune issue de secours
    Ni bouée de sauvetage
    Et personne sur qui compter

    Certains racontent
    Que je suis à l'ouest
    Que je divague

    D'autres que je suis utopiste
    Que je me bats contre des moulins à vent

    Paraît que j'ai des tendances bipolaires
    Que j'ai pas les pieds sur terre
    Que je tire compulsivement des plans sur la comète
    Mais peu importe les commérages de comptoirs
    Et les combines complètement compromettantes
    Aucune compassion à espérer tout est commercial

    La brise caresse ma chevelure ébouriffée

    S'ils s'imaginent parvenir
    A me saper le moral
    En me donnant du fil à retordre
    Et en me piétinant
    A tout bout de champ

    T'inquiètes pas
    C'est pas demain la veille
    Car il est en acier galvanisé !

    Certains prétendent
    Qu'il y a pas le feu au lac

    D'autres que c'est pas la mer à boire

    Et beaucoup n'y voient que du feu

    Si tu savais
    Comme parfois la coupe est pleine
    Et ce profond sentiment amer de solitude infinie
    Tandis que beugle le troupeau au cerveau lobotomisé
    Par leurs écrans de fumée

    Certains braillent sur tous les toits
    Que je suis à fleur de peau
    Se plaignant de mon tempérament volcanique
    Paraît que je démarre au quart de tour
    Car ma patience a des limites

    Au lieu d'aller voir ailleurs
    Me chercher des poux si j'y suis

    Pourtant je ne demande pas la lune
    Pour être au septième ciel
    Juste vivre en paix d'amour et d'eau fraîche

    L'air de rien
    C'est pas tous les jours facile
    La vie d'artiste

    Mais t'inquiètes pas
    Je suis née sous une sacrée bonne étoile
    Éternelle incorruptible et indomptable
    Impossible de me faire perdre le sud

    Déraille outrageusement dans l'atmosphère
    Une odeur hypnotique de folie aveugle

    Sous une pluie battante
    A bout portant
    Cruelle irruption de 20 millions de tonnes
    De déchets radioactifs contaminés jusqu'à l'os
    Enfouis dans la totale indifférence
    Au cœur de mes entrailles criblées

    S'ils envisagent que je me laisse enchaînée
    A cette spirale infernale
    Sans broncher ni me révolter
    Ni même cesser une seule seconde
    De sourire allègrement à la vie
    Comme si j'étais insensible aux trésors de sa beauté

    Te souviens-tu du refrain
    De L'Impasse Des Gros Nazes ?

    A force de cracher de l'huile sur le feu
    Faut pas s'étonner
    Si se déclenche une révolution

    Et si ça se termine en queue de poisson ?

    CALMEPATRICIA le 27 juin 2018

    Voici ma modeste contribution :

    Le groupe de guerriers avançait silencieusement dans la savane. Les hommes se déplaçaient pour mener paître leurs troupeaux de bétail quelques jours. Ils faisaient corps avec la nature et l'harmonie était parfaite. Les pieds nus des valeureux Maasaï étaient nimbés d'une brume dégagée du sol par la forte chaleur de cette fin de journée. Les senteurs reconnaissables de terre et d'herbes séchées instillaient un sentiment de réconfort et de bien-être. Les chaudes couleurs ocres, vertes et jaunes achevaient de donner un halo magique à ce paysage africain. En toile de fond de ce saisissant tableau, se dressait le Kilimandjaro au sommet duquel scintillaient, comme des étoiles, ses neiges éternelles. On apercevait par-ci par-là des girafes, des gnous et des zèbres. Un peu plus loin évoluaient des buffles, des gazelles, des rhinocéros et des éléphants. Les animaux ne manifestaient aucune inquiétude. Ils savaient que les Maasaï ne les chasseraient pas. Ces derniers ne mangent ni viande, ni gibier sauvage, ni oiseau ni poisson. 

    Comme l'exigeait la coutume, c'était le plus vieux Maasaï qui se trouvait à la tête du cortège. Il sentait bien qu'il arrivait au crépuscule de sa vie et ces derniers temps, durant ses déplacements, il aimait à se remémorer le passé. Il était fier d'appartenir à  la communauté des Maasaï. Vivre dans la nature, préserver les animaux, s'occuper de ses bœufs, chèvres et moutons, tout cela lui procurait beaucoup de plaisir. Il avait la chance d'avoir une épouse agréable et d'autres femmes l'avaient même pris comme amant, ce qui était appréciable et autorisé de plus !

    Un de ses souvenirs les plus marquants était celui du passage de l'état de jeune homme à celui d'adulte. Comme il avait fallu être courageux au cours de la cérémonie de la circoncision ! S'il avait montré de la peur, cela aurait été la honte pour la famille et pour cela il aurait été rejeté. Cette épreuve, il l'avait surmontée avec succès et il en était fier.

    Mais ce qu'il l'avait encore plus marqué, c'était que chaque jeune devait tuer un lion, ce qui permettait d'acquérir un grand prestige au sein de la communauté. Son père autrefois avait réussi cet exploit. C'est d'ailleurs pour cette raison que le vieux Maasaï avait reçu le prénom de Wokabi qui signifie lion. Il n'avait pas eu à passer ce rite, cette pratique ayant été interdite quand il était enfant mais que d'histoires incroyables il avait entendu !

    Ce souvenir l'amena à penser à son secret qu'il n'avait jamais révélé à personne. Aussi incroyable que cela puisse paraître, il n'avait jamais vu un lion de sa vie ! C'est pourquoi son souhait le plus cher avant de mourir c'était d'en voir un en chair et en os. 

    Il en était là de ses réflexions quand il fut interrompu par un bruit lointain qui se rapprochait rapidement. Il fit arrêter le groupe et tendit l'oreille en alerte maximale. Il avait l'habitude du tonnerre et il était certain que ce n'était pas cela. C'était un bruit nouveau. Tout à coup, tous les animaux autour de lui s'enfuirent affolés. Le groupe de Maasaï n'avait pas d'autre choix que d'attendre la suite. Wokabi n'avait pas peur. Il scrutait l'horizon quand subitement au-delà de la petite colline devant lui, surgirent des animaux qu'il n'avait jamais vu. 

    Il réalisa soudain que c'était des lions. Ils couraient de part et d'autre et il les trouvait majestueux. Il ne se lassait pas de les contempler. Il était fou de joie. Son voeu était exaucé. Devant lui défilaient des centaines et des centaines de lions, des milliers même ! Et ses yeux ébahis et admiratifs calculèrent qu'il y avait bien un lot de 20 mille lions !!! 


     

    scooby le 28 juin 2018
    Vingt millions gagnés au loto
    Ce serait vraiment beau
    Pour cela, il faut jouer
    Et surtout espérer

    Espérer une croisière en bateau
    Ne pas lésiner sur les dépenses
    S'acheter tout ce que l'on pense
    Et pourquoi pas des tableaux

    Vingt millions gagnés au loto
    Attire des amis par milliers
    Qui ne s'intéresse qu'au gros lot
    Est-ce cela l'amitié?
    Sflagg le 29 juin 2018
    Salut !

    Encore une fois, j'arrive au dernier moment, désolé !


    Vingt mille lions :

    L’Afrique va mal !
    Il n'y a plus que vingt mille lions,
    Là où il devrait y en avoir vingt millions.
    Mais où sont les grands fauves de la savane ?
    Le chasseur de fauve réplique de sa sale vanne :
    "Accrochés sur le mur de mon salon !"
    Et moi de lui répondre "Sale con !"
     
    L'Afrique va mal !
    Il n’y a plus que vingt mille lions,
    Là où il devrait y en avoir vingt millions.
    On leur spolie leurs territoires de chasse,
    Comme autrefois ceux des Amérindiens.
    Et pour finir on les entasse
    Sur des terres de plus en plus restreintes.

    L'Afrique va mal !
    Il n'y a plus que vingt mille lions,
    Là où il devrait y en avoir vingt millions.
    Et demain cela sera encore pire.
    Y a vraiment pas de quoi se réjouir.
    Pourtant il y en a plein qui le font,
    Comme le chasseur de fauve, ce sale con !

    Sflagg, Le 29/06/18 !

    Bonne lecture et bonne chance à tous !!
    Fawn le 29 juin 2018

    Ky glisse lentement sur les nuages, sans but précis. Il ne travaille pas aujourd’hui, et commence déjà à se lasser de son Dernier Battement de Cœur de la semaine. Il ne lui reste plus qu’à attendre de recevoir son prochain Dernier Battement hebdomadaire, en espérant que ce dernier sera plus intéressant. Pour s’occuper, Ky s’allonge à l’extrémité d’un petit nuage et se met à observer le monde d’en bas, celui des humains, ces petits êtres pour la plupart inconscients et prévisibles. Il sont peu à profiter pleinement de la chance qu’ils ont : ils peuvent éprouver et recevoir de l’amour, contrairement à Ky et son peuple. Dur de croire que ces derniers ne survivent que grâce et pour ces humains, qui ne se soucient même pas de l’existences de ceux qui recueillent leur Dernier Battement de Cœur.
    Pourtant, les humains n’arrêtent pas de répéter qu’ils seront « toujours vivants dans le cœur de ceux qui les aiment » ou des phrases du même genre. Si seulement ils savaient ! Si seulement ils savaient que tout l’amour qu’ils ont porté durant leur vie, sous quelque forme que ce soit, était concentré dans leur Dernier Battement, et qu’un peuple vivant dans les nuages s’occupait de le recueillir pour le préserver …
    Ky se trouve d’ailleurs juste à côté de la Grande Bibliothèque, tenue actuellement par le plus ancien de son peuple. L’accès y est très règlementé, car l’ensemble des Derniers Battements de Cœur jamais recueillis s’y trouvent. Rêveur, Ky se prend à imaginer, l’espace de quelques secondes, qu’il pouvait avoir accès à l’ensemble de cette Bibliothèque. Il ne s’ennuierait alors plus jamais, et pourrait en lire bien plus d’un par semaine. À chaque fois que Ky lisait un Dernier Battement, il était comblé. Son peuple étant incapable de ressentir un quelconque amour envers qui que ce soit, le produit de leur cueillette auprès des humains venant de mourir, qui renfermait absolument tout l’amour de l’être en question, étaient infiniment précieux et formaient l’essence même de Ky et des siens, qui descendaient à plusieurs et à tour de rôle sur Terre pour les récolter. Ils en gardaient un au hasard parmi ceux qu’ils avaient récolté pour l’ensemble du temps qui les séparaient de leur prochain tour sur en bas, soit l’espace d’une semaine. Les plus beaux, les plus sincères et profonds qui pouvaient exister étaient sans conteste ceux des mères. Ky les appréciaient particulièrement car, ici haut, personne n’était parent et pouvait ressentir l’effet magique procuré par le fait d’avoir des enfants. Personne ne connaissait d’enfance. Personne n’était élevé. De façon totalement aléatoire, un nouveau venu, déjà mature, apparaissait dans la Fontaine de Naissance. Le plus ancien du peuple disparaissait alors au même moment, sans être nullement pleuré par la suite, puisqu’aucun de son peuple ne ressentait de véritables sentiments.
    Soudain, alors que Ky rêvassait, la cloche symbolisant l’arrivée d’un nouveau venu dans la Fontaine de Naissance sonna cinq fois. Tout contente qu’il y ait enfin de l’animation, il se leva tout sourire et couru rejoindre cette même fontaine, où s’étaient déjà réuni un bon nombre des siens. Comme eux, il était préoccupé par une situation singulière et jamais vue : l’être qui venait de disparaître à l’instant, laissant ainsi sa place au nouveau venu, était celui qui tenait la Grande Bibliothèque.
    Quelqu’un éleva soudain la voix et, mettant fin aux nombreuses questions de son peuple, annonça qu’il était l’apprenti du gardien de la Bibliothèque maintenant disparu, et qu’il accomplirait son travail avec autant de sagesse et de sérieux que son prédécesseur. Ce dernier lui avait demandé d’accomplir sa dernière volonté, qui était pour le moins inédite. En effet, elle consistait à offrir un lot de vingt millions de Derniers Battements de Cœur à quelqu’un tiré au sort, qui devra faire passer le lot à une nouvelle personne au hasard au bout de trois mois, et non sans avoir sélectionné ses mille pièces préférées qu’il pourra garder en sa possession indéfiniment. Mille nouvelles pièces sorties de la Bibliothèque viendraient alors compléter le lot. Et cela, ajouta l’apprenti, car l’ancien gardien trouvait triste de garder égoïstement autant de Dernier Battements, alors que tant de personnes s’ennuient désespérément à longueur de journée.
    Stupéfaite, la foule resta muette de longues minutes. Aucun d’eux n’était vraiment habitué au changement. Mais peu à peu, chacun laissa éclater sa joie, excité par cette nouvelle tradition qui se mettait en place sous leurs yeux. Ky était sincèrement heureux : enfin quelque chose qui pourrait le tirer de ses journées moroses ! Enfin un peu d’animation ! À la surprise de tous, l’apprenti, qui était en fait le nouveau gardien, annonça que le tirage au sort était imminent, car il s’était déjà occupé de préparer une coupe contenant l’ensemble des noms des gens de peuple, et précisant que dans le cas où la personne piochée ne voulait pas du lot de vingt millions, on tirerait un nouveau gagnant. Il sortit alors la coupe.
    Tout le monde retint son souffle. Ky se remit à rêver. Ce qu’il s’imaginait il y a à peine quelques minutes était maintenant presque possible. Le vrai bonheur, l’amour des humains, était accessible en grande quantité, comme un cadeau magique. Si seulement son nom était tiré au sort…
    Perdu dans ses pensées et ses rêves, Ky mis du temps à se rendre compte que tout le monde le fixait. Il leva la tête vers l’individu qui venait de piocher, qui annonça solennellement, en regardant Ky dans les yeux :
    - Ky, tu es le grand gagnant du lot de vingt millions de Derniers Battements de Cœur.
    Cathye le 30 juin 2018
    Bonsoir,
    Et non Sflagg, c'est moi qui arrive en dernier. Car écrire devant la coupe du monde, pas facile...
    Enfin, voilà ma contribution.
    Bonne lecture.

    Un cadeau.

    Végas est bien connue pour être un terrain de jeux à ciel ouvert, ou presque. Dans cette ville artificielle, qu’une centrale nucléaire alimente, tout est distraction, tout est tentation. A commencer par les innombrables machines à sous et autres tapis verts qui garnissent, sans exception aucune, les halls, immenses, des hôtels qui se défient les uns les autres dans ce petit coin de paradis dédié aux plaisirs.
    Et pour vous y aider, et même vous pousser, le mont de piété n’est jamais très loin!! Une preuve, si besoin en est, que vous pourrez toujours vous refaire une santé.
    Et les dirigeants l’ont bien compris. Pour inciter leurs clients à rester river devant les écrans, qui s’alignent sur des mètres carrés et jusque sur les bars, et ainsi oublier le temps qui passe, des hôtesses circulent régulièrement entre les rangées de machines, portant plateaux de boissons. Et pour mieux encore vous coincer, les responsables ont estimé qu’il valait mieux vous nourrir gratuitement. Un euphémisme !! Car votre déjeuner, voire votre dîner, vous le payez largement en introduisant, frénétiquement les unes après les autres, vos pièces dans les fentes prévues à cet effet dans l’espoir qu’en retour la machine crachera le pactol. Celui qui vous fera la vie plus douce mais qui se montre si rarement.
    Et ces mangeuses d’argent sont diaboliques car elles vous poussent toujours plus loin. Passé un certain temps à alimenter votre appareil de jeu, et peut-être prier Dieu pour qu’il vous envoie la bonne formule, le hasard faisant partie de la panoplie mais l’aider un peu ne peut pas faire de mal, vous hésitez à changer de place, sachant que celui ou celle qui vous succèdera aura toutes les chances de récolter ce que vous aurez semé, ou plus exactement, dépensé.
    Parfois, malgré tout, un bruit sonnant et trébuchant retentit dans l’immense salle, et c’est comme si les pièces dégringolaient les escaliers. Cling…cling…Puis, d’un seul coup, le fracas d’une avalanche, dans le réceptacle situé en bas de l’écran.
    Le paquet de métal argenté signe la fin de votre chance.
    Vous pouvez alors changer de machine et lorgner l’éventuel départ d’un joueur resté plusieurs heures durant à essayer de tirer profit de son engin de perdition.
    Cependant, à la roulette, la chance ne sourit pas plus souvent aux parieurs. Les jetons valsent, les mains battent les cartes, mais les chiffres du hasard délirent, réduisant votre attente à néant.
    Quoique…La soirée était bien avancée lorsqu’un cri, un hurlement de joie, fit dresser les oreilles. Une jeune femme venait de gagner au blackjack.
    Effervescence, excitation, et tout le monde de replonger la tête, frémissant, redoublant de ferveur.
    Ce fut le moment décisif.
    Moi aussi, gagnée par l’ambiance un peu survoltée mais feutrée, à part quelques conseils, échanges amicaux, je dégaine un billet vert que je vais changer en menue monnaie, dans laquelle, il va de soi, je remets mon destin !!!
    Et d’imaginer, bien sûr, à quoi il pourrait ressembler si jamais je gagnais !!!
    Mais pour l’instant, chuttt….. Restons positif…Vite, de bonnes ondes….
    Qui sait ? Même si l’on se dit que cela n’arrive qu’aux autres, on garde toujours un petit espoir, histoire de conjurer le sort. La méthode Couët, quoi !!!
    Ah !! mes mains, mes mains, ne tremblez pas !!!
    Mais après que mes 10 pièces fussent avalées, je me demandai quelle folie me gagnait. Car bien sûr, j’y retournai. Une fois, deux fois.
    Mais Pfffff…Que nenni !!! Les logos, les figures, les icônes, les dessins, déroulèrent leurs fausses bonnes intentions, comme si elles me narguaient, pour au final ne rien délivrer.
    Et mon sourire passa du rêve à l’agacement.
    Je quittai donc mon siège, sans regret, sachant d’instinct que la témérité n’était pas de mise pour moi ce soir-là (sans jeu de mots) et je sortis sur le Strip.
    La nuit était déjà tombée, mais ici Minuit ne sonne pas au clocher du village.
    Sur le boulevard, il faisait encore très chaud. Mais la chaleur estivale s’alimente aussi de toutes les lumières qui proviennent des bâtiments, des lampadaires, des attractions, etc…
    Végas ne s’arrête jamais, elle est une rumeur constante.
    Tout à coup, un grand bruit, comme un craquement venu du centre de la terre. Et devant mes yeux ébahis, mais pas les miens uniquement, le volcan du Mirage Hôtel entrait en action. Spectacle son et lumière garanti, les odeurs en prime!!!
    Je pensai ils sont quand même fous ces américains. Et ce n’est pas rien de parler de rêve quand on passe de l’autre côté de l’Atlantique. D’ailleurs, tout le monde essaie d’y trouver son bonheur, du plus modeste au plus aisé.
    Pendant quelques minutes, j’admirai le simulacre flamboyant et ses projections de fausses pierres.
    Et au moment où je levais la tête, mes yeux se perdirent dans une voûte céleste saupoudrée d’étoiles, telles de minuscules bougies qui veillent sur le monde. J’en restai médusée, bouchée bée.
    J’en oubliai même ma déconvenue devant cette multitude étincelante.
    Ma chance s’étalait, tout là-haut, dans cette lumière bleutée, et nul ne pouvait me la ravir. D'autant que d'autres n'avaient pas ou plus cette possibilité.
    Un cadeau de 20 millions… sans aucun doute.

    PS : ...saupoudrée d'étoiles qui veillent sur le monde - phrase tirée du livre Les vignes de Sainte-Colombe-Christian Signol





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