Dents de lait

Comme d'autres auteurs espagnols (Rafael Chirbes ou Alvaro Pombo), Martínez de Pizón utilise la thématique familiale pour explorer L Histoire à travers une histoire. Cette histoire de générations est en effet bien pratique pour remonter le temps et comprendre comment L Histoire s'incruste dans le quotidien et influence irrémédiablement les relations entre les êtres ; pour comprendre comment, en une cinquantaine d'années, on passe d'un grand-père fasciste et fier de l'être à un petit-fils qui n'en peut plus que son grand-père l'oblige à revêtir l'uniforme des brigades italiennes pour assister à l'hommage rendu aux volontaires italiens morts pour une Espagne "Una, grande, libre" !
Sous sa facture classique, ce roman est toutefois riche en défis.Tout d'abord, celui de parler de l'Histoire tout en s'arrangeant pour qu'elle ne forme finalement que l'arrière-plan. Ensuite, raconter l'histoire d'un homme fort peu sympathique car manipulateur et lâche, et s'arranger pour que le lecteur lui trouve des circonstances atténuantes. Enfin, celui de parier sur la tendresse de l'écriture pour dire les choses telles qu'elles sont : horribles, tragiques, inhumaines.
Il n'y a pas d'effet de style. le récit avance, comme le temps. C'est pour cela que ce roman est bon : il renonce à l'esbroufe, mise sur la simplicité (forme de modestie), dresse le portrait de personnages d'une grande banalité mais finalement plus invraisemblables que la vie elle-même. Comme si Martínez de Pisón inversait la formule stendhalienne : le miroir qu'il utilise est déformant parce que, quand les secrets sont révélés, le choc même de la révélation les fait paraître beaucoup plus monstrueux.

Ce n'est pas mon Martinez de Pison préféré, mais on reconnaît bien "la patte" de l'auteur avec une écriture autour de la famille, l'enfance et la fin du franquisme, une période que les espagnols appellent la Transition.

Au début le livre parle de Guerre Civile, ce qui m'insupporte car c'est un thème par trop récurrent dans les lettres ibériques. Mais dans ce livre, la guerre civile est racontée autour des milliers de soldats italiens que Mussolini envoya à Franco afin d'aider à combattre "les rouges".(Quelques 7000 soldats italiens restèrent ensevelis en terre espagnole).

C'est ainsi que Raffaele Cameroni arrive en Espagne, plus en cherchant à fuir la misère qu'à combattre l'ennemi...
Il restera en Espagne où il épousera Isabel, une belle infirmière qui s'occupera de lui lorsqu'il sera blessé. Isabelle perdra un frère dans cette guerre (fusillé comme communiste) et son père sera injustement emprisonné.
Raffaele et Isabel auront trois fils, très différents : Rafael l'anti-Franco, Alberto le sérieux et accompli et le petit dernier, Francisco, attardé mental mais terriblement affectueux avec les siens.
Mais Raffaele porte un secret et ce secret va ravager sa famille.
Roman sur le mensonge, sur les options politiques prises au sein d'une famille, sur les relations au sein de la famille.
Un thème cher à cet auteur natif de Saragosse qui décrit sa ville tellement bien qu'il lui donne un rôle majeur dans ce livre.
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