Mon sommeil sera paisible

C'est exact, je ne suis pas le seul à travailler pour le fossoyeur, soupira Maximilien. Les naïfs remercient Danton et son Tribunal criminel extraordinaire car ils aiment les têtes qui dodelinent en l'air et ils ne se doutent pas que pour atténuer l'effet de ses propres décisions, ce faux derche projette d'instituer un Comité de clémence.

- Je te parle du bonheur de rester vivante. Marie ! Ne préfères-tu pas, chaque matin, constater que ta tête est à sa place sur ces épaules qu'il m'est agréable de caresser?

Maximilien se redresse d'un coup. Péremptoire, le bras tendu et l'index braqué vers son visiteur, il lance: "Citoyen Guillotin! Tu vas recoller sur-le-champs la tête de ta figurine et, demain à midi, des sans-culottes viendront te chercher pour te conduire dans l'atelier de céroplastie à quelques pas d'ici; Là, tu demanderas à une certaine Marie de prendre l'empreinte de ta propre figure et tu lui laisseras toute ta mécanique, y compris ton condamné, pour qu'elle fasse ce que bon lui semble de ce nouvel Autel et de ceux dont la destinée est d'y être sacrifiés....

- [...] Ne ferme pas ton cœur à une amitié qui ressent ta peine. Tôt ou tard, nous serons tous morts. Un an, six mois ou deux semaines ..., il nous reste peu de temps pour nous entraider. Et pourtant, notre victoire et notre bonheur sont dans l'avenir.

Je dois avouer, mon amie, que tu es née dotée d'une imagination vive au point de sous-entendre que je pourrais arrêter le bras de la Révolution…

Crois-tu que je pourrais arrêter le flux de la Révolution ? Mais comment un homme seul suffirait-il à enrayer l'élan d'un peuple qui rêve de purger la Nation ?

Veux-tu dire que la peine de mort est ainsi ramenée à une simple privation de la vie ?

Desmoulins…, éternel comparse du collège Louis-le-Grand, s'acharnant à leur inventer à tous deux une amitié d'enfance qu'il brandissait tel un drapeau. Desmoulins ! journaliste en vogue, sacrifiant son devoir à la joie de vivre

Nul ne peut penser ni décider à notre place, Maximilien. A nous de savoir si le but est de rester vivant ou de rester humain.