Où pourrais-je crier la rage et le désespoir que j’ai ressentis en voyant d’aussi près le sort épouvantable réservé aux gens d’ici ?
— Astaghfiroullah ! Yemma, ça suffit. C’est un péché d’attaquer ainsi l’honneur des gens.
— Non, ce n’est pas un péché. J’en arrive parfois à me demander si la sage-femme ne t’a pas échangée à la naissance, dit Nazmiyé. Le péché, c’est que nous n’ayons pas un appareil médical permettant de prendre une photo de l’intérieur de la tête de mon petit-fils pour pouvoir l’aider. Le péché, c’est que nous ne puissions pas lui faire faire deux heures de route pour l’emmener consulter un spécialiste au Caire.
Ma téta Nazmiyé a dit : Puisse Allah nous prendre en Sa miséricorde et sous Sa protection. Toute cette joie et ces rires à Gaza vont sûrement nous apporter du sang et du chagrin. La lumière projette toujours des ombres.
« Oh trouve-moi
Je serai dans ce bleu
Entre le ciel et la mer
Où se concentre désormais le temps
Et nous sommes l’éternité
Qui s’écoule comme la rivière »
Chaque matin, ma téta Nazmiyé accrochait le ciel,
semblable à un drap bleu saphir sur une corde à linge pirouettant dans la brise.
p 65
Mais son bonheur n'avait pas tout à fait le goût du bonheur. Il manquait quelque chose dans sa nouvelle vie :
un vieil homme dont la démarche était une chanson.
p125
Comme les fleurs de cerisier qui,
à l'instant où elles se détachent de l'arbre,
donnent l'illusion de voler invinciblement dans la lumière alors qu'elles sont déjà en train de tomber vers le sol où,
dans l'instant,
elles seront jaunies, flétries, piétinés.
P334
L'ironie était pourtant que sa vie reflétait la vérité la plus élémentaire sur ce que c'est que d'être palestinien - dépossédé, déshérité et exilé. Une existence de solitude absolue, sans famille, ni clan, ni terre, ni pays, signifie qu'il faut vivre à la merci des autres. P133
Il ne tarda pas à aller et venir en elle, et à remettre du même coup son propre monde d'aplomb.
Les gens sont un mélange d'amour, de chair et de sang et de tant d'autres choses.