C'est ce que nous faisons nous autres humains. Nous attendons que le pire arrive à nos semblables, et nous allons nous asseoir aux premières loges, en salivant d'avance au spectacle, pauvres tarés frustrés et voyeurs que nous sommes.
[...] mais une fois qu'une erreur est commise, on ne peut l'effacer. Tout ce qu'on peut faire, c'est essayer de se frayer un chemin à travers le bordel innommable qu'on a laissé derrière soi.
Ce n'est pas seulement la soif d'en savoir plus qui me ramène au bercail. J'ai besoin de revoir El, aussi. Je suis irrémédiablement liée à elle, en dépit du danger. Je n'y peux rien. J'ai cru pouvoir la repousser, toutes ces années durant, mais j'en suis incapable. Je croyais que je pouvais me passer d'elle. C'est faux. Et cette idée me terrifie [...]
El est mon destin. Je ne lui échapperai pas. Elle est revenue, et elle va tout détruire. J'ai toujours su que ça finirait comme ça.
La vibration de mon téléphone évoque la course d'un cafard sous le lit. Pas de danger réel. Et pourtant, je suis terrifiée. Le même pressentiment qui veut qu'un coup frappé à la porte alors qu'on se prépare à aller se coucher annonce de mauvaises nouvelles ou la visite d'un assassin qui vous a choisie pour réaliser ses fantasmes.
"Je réalise brusquemment à quel point il est difficile de soulager la souffrance d'autrui. Il n'y a pas de méthode pour améliorer le passé. Pour le rendre meilleur. Mais pour la première fois de ma vie, je sais qu'il est temps d'oublier mes problèmes passés pour essayer, au moins, d'aider un peu les autres."
- C'est maman.
Elle emploie le mot avec tellement de simplicité que ça me choque. Elle le lance dans la conversation comme un surnom qu'on donne à un ami. Ca sonne faux. "Maman". Elle dit "Maman". Comme si je la connaissais. Comme si c'était la mienne.
- Ce n'est pas du tout ce que tu penses.
- Si tu savais ce que je pense, Antonio, tu serais surpris.
Antonio est un menteur.
Il va devoir répondre à un interrogatoire.
Il n'est pas allé en Italie.
Il était avec El.
(Chapitre 31)
C'est donc vrai. Mon père vient de me conforter dans mes pires terreurs. Je suis forcée d'admettre que ma place n'est pas ici. Et que ma seule option est : partir. Mais ce n'est pas facile à affronter, comme concept. Celui de n'être rien pour personne. Celui de la solitude absolue.
(Chapitre 16)