Et pourtant, après six ans d’absence, elle a réussi à me retrouver. Elle a franchi le gouffre que j'ai creusé entre nous, tracé sa route à travers la boue qui nous sépare, comme un ver de terre, lentement, patiemment, et elle y est arrivée. Chapeau.
- C'est maman.
Elle emploie le mot avec tellement de simplicité que ça me choque. Elle le lance dans la conversation comme un surnom qu'on donne à un ami. Ca sonne faux. "Maman". Elle dit "Maman". Comme si je la connaissais. Comme si c'était la mienne.
Antonio est un menteur.
Il va devoir répondre à un interrogatoire.
Il n'est pas allé en Italie.
Il était avec El.
(Chapitre 31)
C'est donc vrai. Mon père vient de me conforter dans mes pires terreurs. Je suis forcée d'admettre que ma place n'est pas ici. Et que ma seule option est : partir. Mais ce n'est pas facile à affronter, comme concept. Celui de n'être rien pour personne. Celui de la solitude absolue.
(Chapitre 16)
- Tu sais, un jour ou l'autre, il faudra qu'on ait cette conversation, El. J'ai besoin de savoir ce qui s'est vraiment passé.
Elle baisse les yeux sur ses mains avant de me lancer un coup d'œil timide. Puis elle coupe le moteur. Dans un souffle, qui projette un nuage de buée sur la vitre, elle répond :
- Oui, tu as peut-être raison... ou pas.
(Chapitre 11)
Nous attendons que le pire arrive à nos semblables, et nous allons nous asseoir aux premières loges, en salivant d'avance au spectacle, pauvres tarés frustrés et voyeurs que nous sommes.
Une fois qu'une erreur est commise, on ne peut l'effacer. Tout ce qu'on peut faire, c'est essayer de se frayer un chemin à travers le bordel innommable qu'on a laissé derrière.
Comme dirait Matt, nous sommes nos parents. Nous sommes ce qu'ils ont fait de nous, par leur présence ou leur absence
J’ai l’impression de me cacher, et je déteste ça. Comme si je devais avoir honte d’être ici. Je suis venue avec un objectif, et je vais l’atteindre. Alors je ramasse les lambeaux de confiance qu’il me reste, et me laisse guider par les voix, persuadée que, si je pouvais parler un peu à mon père, ça irait déjà mieux. Je suis assez proche pour distinguer les échos d’une conversation, mais pas assez pour en comprendre les mots.
Mes cigarettes et mon Valium. Et mon téléphone. Mon seul accès au monde extérieur, ce monde sans histoire, où les souvenirs ne me sautent pas à la gorge, pour la bonne raison qu’ils n’existent pas.