Sandra Ndiaye n'avait jusqu'à présent réalisé que quelques projets culturels avec des détenus. Elle décide un jour d'en faire son quotidien en allant directement travailler, tous les jours, dans une maison d'arrêt. Elle découvrira, ainsi, le véritable quotidien des détenus, des gardiens, de ce qu'est la vie, chaque jour, à attendre que les portes nous soient ouvertes pour se rendre quelque part. de cette expérience, qu'elle arrêtera brutalement en raison d'une grossesse bien avancée, pas forcément conseillée pour continuer de venir travailler en maison d'arrêt, elle en tirera un scénario, co-écrit avec
Frédéric Debomy, dessiné et colorisé par
Benjamin Adès.
M. Barlet, M. Thiam, M. Hussein, M. Sassou… Au fil des semaines, des mois, elle va connaître plus précisément ceux qui suivent ses ateliers, de peinture, d'écriture, de stand-up… régulièrement, en ce qu'ils se racontent déjà, à travers ce qu'ils réalisent, et en ce qu'ils se racontent, par bribes, petit à petit. Il n'en reste pas moins que ce sont des détenus, parfois là pour de très lourds délits, certains plus qu'inavouables au sein même de la maison d'arrêt, et qu'il leur arrive, même aux plus investis dans les ateliers proposés, de s'en départir, de se démotiver, de péter un plomb… Qu'attendre de plus dans un système qui enferme pour enfermer plus qu'il n'accompagne pour un retour serein dans la société en fin de peine, avec une surpopulation et des conditions de vie inhumaines – il suffit de voir l'état de délabrement du bâti, et le manque de soins proposé aux détenus – qui poussent parfois à la violence, au suicide, avec un manque de moyens, et donc un manque de gardiens… ?
En racontant son quotidien, la jeune femme raconte ainsi le quotidien de ces anonymes, de cette masse enfermée qui retrouve une individualité en sa présence, et de fait une humanité qui se perd de plus en plus à mesure que la peine est longue.
Graphiquement, le réalisme du style, l'épaisseur du trait, et le choix d'alternance de couleurs, plus ou moins vives, même si majoritairement froides, qui viennent parfois illuminer le quotidien difficile en maison d'arrêt, notamment grâce aux ateliers, donnent particulièrement bien corps au témoignage de
Sandra Ndiaye.
Je remercie les éditions Delcourt et NetGalley de m'avoir permis de découvrir cette oeuvre en avant-première, qui n'a fait que confirmer ce que je savais, malheureusement déjà, de l'incurie de notre système carcéral, qui pose question de sa pertinence.