J’admirais avec discrétion son profil régulier, son petit nez droit, son menton bien dessiné, ses lèvres qui tétaient le rebord arrondi du goulot de bière que je rêvais d’effleurer à mon tour.
(page 165)
Le cancer est une des rares maladies où souvent, ce n’est pas le mal qui fait mal mais le remède lui-même, troublante sensation d’un corps qui nous échappe.
(page 218)
Ne pas débarquer ne connaît nul quai où débarquer. Ne jamais arriver implique de n'arriver jamais.
Fernando Pessoa
Le livre de l'intranquillité
(rectificatif de la citation de préambule et du nom de l'auteur)
Ainsi était Mathilde, à la fois mystérieuse, distante et énigmatique en même temps qu’impulsive, imprévisible et volcanique.
(page 169)
La cellule cancéreuse nie la mort, la défie et oublie que le décès de l’organisme hôte provoquera la sienne. Oublier qui on est, c’est mourir deux fois.
(page 97)
Voyager en pleine révolution alors que tous les nantis qui ont longtemps profité du système veulent fuir le navire par tous les moyens est loin d’être une partie de plaisir ! Pour les passeurs, une fois que tu as payé, tu n’es plus qu’une marchandise…
(page 265)
Personne ne se rend compte qu'un peuple qui donne toute sa confiance à l'armée, à la puissance du feu, se retrouve dans la même situation qu'un sans-abris qui brulerait ses vêtements pour se réchauffer.
Et si elle a quitté l’Iran, c’est pour retrouver son corps, sa liberté. La dictature n’emprisonne pas que les esprits, elle empoisonne aussi les corps. Azadeh aime cette idée de faire l’amour avec différentes versions de soi, miroir déformé d’un désir sans limite.
(page 325)
- A la jeunesse, s'écria Farid en levant son verre.
Tout le monde trinqua. La jeunesse, personne n'ose s'y opposer. Elle porte notre avenir et nos espoirs. Et pourtant, c'est elle la première victime. Des guerres, des attentats, des révolutions. Moi ma jeunesse selon les conventions sociales, je la voyais tout doucement s'en aller. Et mon interminable thèse, mes premiers pas dans la recherche, un désert amoureux, m'éloignaient des débats de mon époque.
Si comme nous l'apprend la physique, 99,99% de la matière est constitué de vide, alors peut-être que dans cette écrasante majorité se cache quelque part l'histoire secrète de chaque chose : le geste séculaire de la plume d'un moine sur le parchemin, le contentement de la soie sur la peau d'un haut dignitaire, le bruit sec du maillet sur son socle d'un juge pour ouvrir ou clore les débats, le parfum musqué des myrtes sur les pierres des fontaines du Generalife. De cette manière, l'objet contiendrait en son sein la part intangible du sujet, lui-même disséminé dans chaque objet. Une parfaite mise en abime. Mais comme toute contingence, nous ne pouvions qu'au mieux la ressentir. Elle forçait cependant l'humilité et nous montrait combien l'hypothèse d'une convergence entre Art et Science semblait inatteignable en l'état actuel des connaissances.