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Critique de mariecesttout


En exergue:
Nous sommes l'air, pas la terre
(Merab Mamardachvili)

Ecrire un commentaire sur ce livre qui parviendrait à retranscire les émotions éprouvées? Impossible.

Tchernobyl, on croit savoir beaucoup de choses, faits, noms, chiffres. Mais les sentiments de ceux qui étaient sur place?
C'est donc ce qu'a cherché à faire Svetlana Alexievitch. Donner la parole. Parole difficile car il s'est produit un évènement pour lequel il n'y avait ni système de représentation, ni analogies, ni expériences.
Donner la parole à des gens divers car:" Un évènement raconté par une seule personne est son destin. Raconté par plusieurs, il devient l'Histoire.
Ce livre de témoignages est leur histoire."

Son histoire aussi, dans un court chapitre intitulé " interview de l'auteur par elle-même sur l'histoire manquée" pour expliquer que Biélorusse elle-même, elle est aussi témoin .
Elle intervient aussi bien sûr dans la diversité des paroles reçues, dans la construction et les titres donnés à chaque témoignage .

Un prologue et un épilogue, deux voix solitaires, deux femmes, femme de pompier et femme de liquidateur, les deux témoignages les plus déchirants.

Quatre choeurs, le choeur des soldats,le choeur populaire, le choeur des femmes et le choeur des enfants, choeurs qui regroupent plusieurs voix.

Et puis une suite de monologues, dont je vais simplement énumérer certains titres qui disent déjà beaucoup de choses et dont la succession forme une sorte de litanie:
Monologues sur la nécessité du souvenir, sur ce dont on peut parler avec les vivants et les morts, sur une vie entière écrite sur une porte , monologue d'un village ( comment appeler les âmes du paradis pour pleurer et manger avec elles) , monologue sur la joie d'une poule qui trouve un ver, sur une chanson sans paroles, sur une peur très ancienne, sur l'homme qui n'est raffiné que dans le mal , mais simple et accessible dans les mots tout bêtes de l'amour, monologue sur de vieilles prophéties, à propos d'un paysage lunaire, sur un témoin qui avait mal aux dents et qui a vu Jésus tomber et gémir, sur la difficulté de vivre sans Tchekhov ni Tolstoï, sur ce que St François prêchait aux oiseaux,
Monologue sans titre(un cri,) monologue sur une chose totalement inconnue qui rampe et se glisse à l'intérieur de soi, sur la légèreté de devenir poussière, sur les symboles d'un grand pays, sur le fait que , dans la vie, des choses horribles se passent de façon paisible et naturelle, sur le fait qu'un Russe a toujours besoin de croire en quelque chose, sur la physique ( dont nous étions tous amoureux), sur ce qui est plus insondable que la Kolyma, Auschwitz et l'holocauste.
Monologue sur l'éternel et le maudit: que faire et qui est coupable, sur le pouvoir démesuré d'un homme sur un autre, etc..

Rien ne sert d'ajouter quelque chose à ce qu'ils disent, leur douleur, leur incompréhension, leur héroïsme,leur fatalisme, les mensonges et l'incurie du pouvoir, tout y est , il faut les lire.
Et puis quand même aussi le rôle qu'a joué l'explosion de la centrale dans l'explosion du système communiste :
"Nous disons toujours « nous » et pas « je »: nous allons leur montrer l'héroïsme soviétique, le caractère soviétique. au monde entier.. Nous apprenons à dire »je ».. Je ne veux pas mourir! J'ai peur! "

Encore une fois ce sont les témoignages, le vécu raconté ,l'hétérogénéité des points de vue , les réflexions diverses et même les contradictions , toutes ces voix qui se répondent, qui peuvent le mieux, à mon avis , lutter contre l'ignorance et l'oubli.

" Les mythes ne craignent qu'une seule chose: les voix humaines, vivantes. Les témoignages. Même les plus modestes."
Svetlana Alexievitch

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