Quelle que soit l'opinion que l'homme s'est faite ou laissé donner des choses qu'il ne comprend pas, telles que l'âme et la divinité, cette opinion, dis-je, est souvent un des plus fermes soutiens de la tyrannie. L'idée que le vulgaire s'est généralement formée du tyran, ressemble tellement à celle que presque tous les peuples ont faussement conçue d'un Dieu, que l'on en pourrait induire que le premier tyran n'a pas été le plus fort, comme on a coutume de le supposer, mais bien le plus fourbe et le plus savant dans la connaissance du coeur humain, et dès lors le premier à leur donner une idée quelconque de la divinité. C'est pour cela que parmi la plupart des peuples, la tyrannie religieuse a enfanté la tyrannie civile. Souvent elles se sont réunies sur la tête d'un seul, mais jamais elles n'ont manqué de se prêter des secours mutuels.
On doit donner indistinctement le nom de tyrannie à toute espèce de gouvernement dans lequel celui qui est chargé de l'exécution des lois peut les faire, les détruire, les violer, les interpréter, les empêcher, les suspendre, ou même seulement les éluder avec assurance d'impunité.
La morte di Agamennone - Vittorio Alfieri