Quel endroit horrible ! Comment les humains ont-ils pu un jour penser que tout ce béton soit une bonne idée ? Comment ont-ils pu imaginer vivre ainsi à plusieurs millions, loin de la nature ?
Je sais garder le sens des priorités. Avec Doro, on s'est toujours dit que tant que le Système n'avait pas enlevé tous les beaux mecs, il restait de l'espoir.
Le Système a l’air tellement énorme, tentaculaire, gigantesque, vu d’ici… Des millions de personnes partout sur la Terre. Et nous sommes une simple poignée d’individus non connectés, vivant aux confins du monde, dans des zones isolées.
– Ne pleure pas, me supplie-t-il. Tout n’est pas perdu. Tu peux encore me revoir. Tu peux encore me ramener.
Son étreinte se resserre. La souffrance s’adoucit. Elle est toujours là, mais elle devient supportable. Je le serre dans mes bras, du plus fort que je le peux. Je respire son odeur de savon et de pin à plein nez. Quand je relève la tête, il plonge ses yeux dans les miens.
– Tu vas y arriver, chuchote-t-il en caressant mon visage à nouveau.
Je comprends son sentiment, et beaucoup d'autres choses. Je comprends que l'interdiction d'afficher ses émotions chez les Récupérateurs a construit un mur entre nous. Je comprends que nous avons accumulé trop de secrets chacun de notre côté pour que cela n'affecte pas notre amitié. Et je comprends qu'il n'y a qu'un seul moyen pour remédier à ça.
Je n'ai jamais fait de théâtre dans les rêves éveillés, pourtant j'ai soudain l'impression que je m'apprête à monter sur scène.
Nous n'osons pas esquisser le moindre geste l'un envers l'autre, mais le sourire que je vois au fond de ses yeux à chaque fois que je tourne la tête vers lui est comme une caresse.